Moisson 2015 : un excellent cru
Même si certaines parcelles décrochent, la moyenne départementale flirte avec le seuil symbolique des 100 qx/ha.
Si ce n’est pas la moisson du siècle, elle y ressemble, comme en témoignent les superlatifs utilisés par les différentes coopératives de la Somme. «Super pour tous», selon CapSeine, «année exceptionnelle en termes de productivité et de date de moisson» pour Noriap, de «rêve» dit-on chez Sana Terra, ou encore «on a repoussé les limites agronomiques» pour Calipso. Mieux encore : «Elle s’est faite sur un seul dimanche», relève également Benoît Dewas, directeur de Sana Terra.
Débutée fin juin ou début juillet, la moisson dans la Somme, comme quasiment partout en France, s’est achevée entre le 3 et le 7 août. «Ce fut une moisson plus sereine que l’an dernier, avec une récolte des blés courte, mais intense», précise Patrick Lechantre, directeur commercial Chez Calipso. Elle est, de surcroît, de qualité. Tout le contraire donc de l’année précédente, où la moisson avait subi des épisodes pluvieux à répétition durant l’été. Conséquence : en septembre, les agriculteurs étaient encore dans leurs champs, et les céréales récoltées, au final, de mauvaise qualité.
Tous voyaient le scénario catastrophe se reproduire en 2015 en raison de conditions caniculaires au début de l’été et de pluies insuffisantes depuis avril dernier. Mais, cette année, la nature a décidé de bien faire les choses, comme dit le dicton, et, divine surprise, le rendement et la qualité sont au rendez-vous. Par ailleurs, la moisson s’est avérée homogène sur l’ensemble du territoire, les disparités entre les régions étant moins marquées que d’ordinaire.
Une très bonne moisson en blé
Alors que les rendements de blé atteignaient l’an dernier entre 85 et 95 qx, selon les coopératives, ils sont cette année entre 95 et 110 qx, soit une progression de 10 à 20 % par rapport à 2014. En ce qui concerne le taux d’humidité, il est autour de 14 % de moyenne contre 17 % en 2014. «Un taux d’humidité en dessous de 15 % présente un sérieux avantage, puisque nous n’avons pas besoin de passer les blés au séchoir, ce qui fut le cas pour plus de 40 % des blés l’année passée», commente Antoine Dennetière, responsable région de CapSeine. Autre critère de qualité au rendez-vous, le poids spécifique, entre 77 et 80 kg en moyenne, soit environ 5 kg de plus qu’en 2014.
Quant au taux de protéines, qui doit être situé entre 10,5 et 11,5 % selon les coopératives, il est en moyenne dans cette fourchette. Cependant, «certaines variétés sont en dessous de 9,5 %, mais d’autres au-dessus de 12 %», remarque Antoine Dennetière. Chez Sana Terra, dont la moyenne du taux de protéines est estimée à 11 %, on considère que «c’est un peu juste. Nos producteurs ont fait beaucoup d’efforts pour optimiser ce taux, mais comme nous avons eu des rendements supérieurs à nos estimations, les blés ont parfois manqué d’azote en fin de cycle», dit Benoît Dewas. Si «le temps de chute de Hagberg est à vérifier au fil des expéditions, le taux de protéines peut s’avérer pénalisant au regard des normes de commercialisation», dit Patrick Lechantre.
C’est aussi ce que note Frédéric Toullet, responsable région Sud et Est chez Noriap. «Le taux de protéines est en moyenne de 11,1 %, soit un taux proche de celui de l’an dernier. Ce qui est une petite déception. Il faut donc aller plus loin l’an prochain pour augmenter ce taux, en utilisant les outils à disposition pour le pilotage de la fertilisation azotée. Les demandes à l’exportation sont à 11,5 %, car beaucoup de débouchés aujourd’hui sont avant tout industriels. Si on ne peut pas atteindre ce taux, on perdra les marchés. Il faut savoir qu’en dessous de 11 %, on est juste sur de l’alimentation animale. Or, en termes de rémunération, quand on est sur du gré à gré, la décote est de 10 à 15 euros / T par rapport au marché de qualité», dit-il.
Orges : des rendements exceptionnels
Dans les premiers de la classe, derrière le blé, les orges de printemps et d’hiver ont connu des rendements excellents. «Pour les escourgeons, note Benoît Dewas, on a eu des rendements rarement connus, soit au-dessus de 105 qx en moyenne alors que l’an dernier on était autour de 85 qx. Il en a été de même pour les orges de printemps, avec un rendement moyen de 80 qx contre 70 qx en 2014.»
Chez Calipso, les rendements sont en moyenne entre 90 et 100 qx pour les escourgeons contre 90 qx en 2014 et de 80 à 85 qx pour les orges de printemps contre 70 à 75 qx en 2014. «Les pointes de rendement bien au-dessus de 100 qx se sont fait sentir plus que de coutume, avec en blé, et surtout en orge d’hiver, la révélation de potentiels rarement obtenus», souligne Patrick Lechantre. Même constat chez Noriap où les rendements sont «exceptionnels, de 80 à 120 qx, soit une moyenne de 103 qx. C’est la meilleure année que l’on ait jamais eue», reconnaît Frédéric Toullet. De tels résultats s’expliquent par le fait que «la culture n’a subi aucun stress sur le plan climatique, et tout le potentiel s’est exprimé, mettant en évidence le progrés génétique», dixit Philippe Pluquet, responsable technique productions végétales chez Noriap.
Colza, pois… : des résultats décevants
Si les rendements en colza sont considérés par tous comme moyens, soit entre 35 et 45 qx, selon les coopératives, «ils sont bien propres et bien secs», selon Sana Terra. Toutefois, chez Calipso, le rendement a progressé de 3 à 5 qx de plus, passant d’une moyenne entre 38 à 43 qx contre 35 à 38 qx en 2014, voire des pointes à plus de 50 qx chez CapSeine et 55 qx chez Noriap. «Mais les rendements ont été particulièrement hétérogènes, soit entre 25 et 55 qx», indique Frédéric Toullet. Résultat : les rendements ont baissé de 5 % par rapport à 2014.
Mais les déceptions sont encore plus fortes sur les rendements des pois et des féveroles. Pour les pois protéagineux, «c’est la grosse déception», dit-on chez Sana Terra. Les rendements obtenus sont entre 40 et 50 qx en moyenne, à l’instar de l’année précédente. «C’est une culture très délicate. On n’arrive plus à faire de bons rendements depuis quatre à cinq ans, en raison de la fatigue du sol», explique Benoît Dewas. Chez Calipso, c’est un peu mieux, soit autour de 50 à 55 qx en moyenne. Idem chez CapSeine. Avec ses 48 qx en moyenne, Noriap considère son rendement intéressant, d’autant que les pois sont, cette année, de bonne qualité. Dernière grande déception, les féveroles, avec notamment chez CapSeine un rendement compris entre 25 et 30 qx, et des pointes à 50 qx, «mais très rares», reconnaît Antoine Dennetière.
Mais les déceptions liées aux rendements de ces oléo protéagineux n’entament pas le bilan excellent de la moisson (toutes céréales confondues), et qui fait dire à certains que c’est «la moisson du siècle». Néanmoins, comme la moisson s’est déroulée en un temps record, l’afflux d’offre lors de la récolte a entraîné une dépréciation au dégagement, «soit une baisse entre 5 et 8 % moins chère en livraison au mois d’août qu’en décembre», relève Benoît Dewas chez Sana Terra.
Céréales : plus 4 M de tonnes produits dans le monde
Le Conseil international des céréales (CIC) a révisé en hausse de 4 millions de tonnes, dans son évaluation de juillet, son estimation de la production mondiale de céréales. Fin juin, il prédisait un total de 1,966 milliard de tonnes. Son estimation du 30 juillet situe la récolte 2015-2016 à 1,970 milliard de tonnes. Ces volumes non prévus fin juin proviennent principalement du maïs chinois et du sorgho américain.
Parallèlement, la prévision de consommation diminue, étant située maintenant à 1,78 milliard de tonnes pour la campagne, contre 1,981 milliard de tonnes fin juin. Au bout du compte, le CIC prévoit maintenant des stocks à 435 millions de tonnes pour la fin de la campagne, contre 422 prévus fin juin. Des niveaux de stocks néanmoins plus légers que fin 2014-2015, où ils s’établissaient à 444 millions de tonnes.