Niches fiscales : peut-on les supprimer ?
On en recense à peu près 477 en France. Le manque à gagner pour l’Etat va frôler les 100 milliards d’euros en 2017. Qui va oser s’attaquer à ce système ?
Ce sont des avantages fiscaux qui permettent aux contribuables de diminuer le montant de leur impôt, sous certaines conditions. Le bénéfice que les contribuables peuvent en retirer est plafonné. Elles permettent de diminuer la base imposable de l’impôt sur le revenu ou de réduire le montant de l’impôt lui-même.
Une niche fiscale peut désigner une dérogation fiscale qui permet, dans certaines conditions, de payer moins d’impôts. Dans ce cas, on parle de «dépense fiscale», car il s’agit d’un manque à gagner pour l’Etat ou un vide législatif qui permet d’échapper à l’impôt sans être en infraction.
Les dépenses fiscales reflètent souvent une volonté politique d’avantager telle ou telle catégorie socio-professionnelle ou d’encourager tel ou tel comportement (par exemple, l’investissement locatif avec le Pinel ou l’investissement dans les PME). Les niches créées par le législateur permettent de rendre certains investissements plus attractifs.
Il existe des niches verticales ou «actives», qui s’adressent aux contribuables qui investissent dans un secteur particulier et créent un montage juridique adapté. L’avantage fiscal est une contrepartie du risque pris par le contribuable dans son investissement. Il existe aussi des niches horizontales ou «passives», qui bénéficient aux contribuables sans aucune démarche particulière à faire. Il leur suffit de remplir les conditions exigées pour y avoir droit, le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), par exemple.
Constat
Les niches fiscales sont perçues comme une baisse d’impôt pour les contribuables. Mais, du côté législateur, elles sont considérées comme une dépense publique qui intervient un an plus tard dans la baisse des recettes, compte tenu du décalage entre la souscription et l’avis d’imposition. C’est pourquoi les responsables politiques se sont rués vers ce système. Aujourd’hui, c’est un véritable foisonnement fiscal. Les niches fiscales étaient évaluées à 35 milliards d’euros en 2003. Quinze ans plus tard, elles ont dépassé les 100 milliards d’impôts, soit trois fois plus. C’est un cycle infernal, et ce système est d’autant plus «vicieux» qu’il est très difficile d’évaluer son coût au préalable. C’est le cas du CITE (crédit d’impôt sur la transition énergétique), qui avait été évalué à 0,7 milliard en 2015, et qui a coûté plus de 1,4 milliard en 2016.
A défaut de s’attaquer directement à certaines niches fiscales, dont l’utilité n’est pas toujours prouvée, en 2008, le gouvernement tente d’en limiter le recours en abaissant à 10 000 € le plafond de réductions d’impôt dont peuvent bénéficier les particuliers. Sans grand effet à ce jour.
Plutôt que de conserver un haut niveau de recettes fiscales et d’attribuer des subventions aux secteurs d’activités dont ils souhaitaient encourager le développement, les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de multiplier les niches. Depuis 2003, il s’en crée une quinzaine chaque année. Orienter le comportement des citoyens à l’aide d’incitations fiscales peut avoir un sens. Mais la multiplication permanente de ces «carottes fiscales» rend l’impôt totalement illisible. Cette forêt de dérogations profite certes à des millions de contribuables, mais elle masque aussi une inégalité sociale majeure.
Comme l’a rappelé l’OCDE, «les taux d’imposition plus élevés entraînent des pertes d’efficience et des effets pervers sur la distribution des revenus».
S’attaquer aux niches ?
Incontestablement, certaines niches ont des effets bénéfiques. Les réductions d’impôts liées à l’embauche d’un salarié à domicile coûtent cher (4,7 milliards d’euros par an), mais elles créent de l’emploi, cassent le travail au noir et assurent aux aides à domicile une véritable protection sociale. A l’inverse, la diminution de la TVA dans la restauration, tout aussi pénalisante pour les comptes publics, n’a pas tenu ses promesses. Les prix des menus ont peu baissé et les professionnels ont manifestement préféré conserver cette manne plutôt que d’embaucher.
C’est aussi le cas de l’abattement de 10 % sur les pensions de retraite. Cet abattement, créé en 1970, était là pour combler une partie du niveau de vie entre les retraités et les actifs. Aujourd’hui, certains estiment qu’il n’y a pas plus lieu à cet abattement au motif que le niveau de vie des retraités a rejoint celui des actifs. Mais aujourd’hui, il est difficile de supprimer cet avantage pour les retraités en raison de la hausse de 1,7 % de CSG depuis le 1er janvier 2018. Si instaurer une niche est relativement facile, l’enlever est beaucoup plus difficile.
Devenues le principal outil de financement de certaines politiques publiques, les niches fiscales sont aujourd’hui peu ou pas évaluées. Aucun organe indépendant ne dresse le bilan de leur rapport efficacité par rapport à leur coût. La seule évaluation qui avait été faite en 2011 avait estimé que
125 niches fiscales étaient totalement inefficientes, et pesaient pas moins de 40 milliards d’euros. Quatre-vingt-quatre ont survécu. Plus grave, certaines d’entre elles sont désormais totalement escamotées.
Pour diminuer cette charge budgétaire, il existe un moyen «radical», celui de baisser les taux d’imposition, ce qui permettrait de boucher les trous de la passoire dans la base fiscale. Il faut enrayer le cycle infernal de toujours plus d’impôts et toujours plus de niches. C’est ce que l’on fait depuis plus de quinze ans. Il aurait un avantage de réduire les prélèvements et de supprimer les dispositifs inefficaces. Certes, à mon avis, il s’agit d’un vœu pieu, car la diminution des prélèvements obligatoires n’est pas pour demain et supprimer certaines niches inefficaces s’avère encore plus difficile, sauf si un politique a le courage de s’y attaquer. Bruno Le Maire s’est engagé à réformer ce système de niches fiscales pas avant l’horizon 2020. Affaire à suivre.