Ouf ! nid fauché n’est pas perdu
Le centre de sauvetage de la perdrix grise de la fédération des chasseurs de la Somme recueille les œufs trouvés lors des travaux des champs pour les conduire jusqu’à éclosion et participer à la conservation d’une souche naturelle de la reine des plaines.
les couvées.
On ne fait pas d’omelette sans casser des œufs et si la perdrix paie malheureusement un lourd tribut à certains travaux de récolte, il n’est parfois pas trop tard pour sauver de la destruction ce qui peut encore l’être. À Lamotte-Brebière, dans le parc qui accueille le siège de la fédération des chasseurs de la Somme, un centre de sauvetage de la perdrix grise a vocation à recueillir des œufs trouvés dans les champs. «Nous ne sommes pas sur une récolte de nids que l’on trouverait par hasard ou en les cherchant, expliquait en milieu de semaine Germain Beaumont, technicien de la FDC 80 en charge du centre de sauvetage. Nous sommes là pour tenter de mener jusqu’au bout des couvées dont la poule a été tuée.»
Des délais d’intervention contraints
Lorsqu’un nid orphelin est mis à nu, le délai entre la découverte et le recueil au centre de sauvetage doit être au maximum de 4 heures. La prise en charge s’effectue par un agent de développement territorial de la fédération des chasseurs, après que celui-ci ait été prévenu par téléphone : «Il faut aller vite si l’on veut avoir des chances de sauver les œufs», poursuit Germain Beaumont. Pour éviter qu’ils ne soient abîmés de l’intérieur, ils doivent être manipulés avec précaution.
À leur arrivée à Lamotte-Brebière, les œufs sont placés dans un incubateur, soit déposés dans une cage de ponte dans laquelle une poule domestique est en capacité de les couver. «Avec une poule, c’est plus de boulot, mais on s’est aperçu que les résultats sont meilleurs qu’avec un incubateur seul», précise alors le technicien. Les œufs auront été préalablement mirés pour vérifier qu’ils sont pleins, l’âge de l’embryon et qu’ils soient viables. Le maintien d’une température constante et d’un taux d’humidité suffisant sont primordiaux : «De 0 à 20 jours, l’œuf doit par exemple être à une température de 37,5° et 45 % d’humidité. Du 20e au 24e jour, la température doit rester à 37,5°, mais l’humidité doit monter à 60 % pour que la coquille se fragilise et que le poussin à naître puisse la casser», détaille M. Beaumont. Et ce dernier d’insister sur le fait, comme l’ont déjà montré certaines études, que la perdrix est une espèce sensible et fragile.
De futurs reproducteurs
Une fois les œufs éclos, pour leurs premiers jours de vie en extérieur, les poussins sont placés dans des cages semi-couvertes. Ils vont apprendre à s’alimenter tandis que c’est encore une poule de basse-cour – la Fédération des chasseurs de la Somme privilégie la race Bantam de Pékin pour sa taille et ses qualités maternelles – qui va endosser le rôle de mère adoptive : «Elle va leur montrer comment se nourrir, mais aussi les protéger sous ses ailes, comme le ferait une poule de perdrix», détaille-t-on à la fédération des chasseurs. Pendant trois semaines, leur alimentation se compose exclusivement de granulés à base d’insectes. Pour la poule domestique, on ajoute du blé dans la mangeoire. Les poussins seront ainsi gardés dans leurs parcs d’élevage pendant «quatre à cinq semaines» puis conduits dans des volières avant d’être pris en charge par l’Office français de la biodiversité (OFB, ex-ONCFS). Le rôle de ce dernier est important puisqu’il est partie prenante du collectif «Ensemble, conservons la perdrix grise» avec des fédérations départementales de chasseurs voisines et un élevage agréé de Seine-Maritime. Outre le partage d’expériences, la mission de ce collectif est d’animer un réseau de collecte d’œufs de perdrix de souche naturelle pour ensuite alimenter une production en élevage de perdrix grises de souches sauvages. «Contrairement à ce que pensent certains, nous ne récupérons pas les œufs pour élever des perdrix nous-mêmes et les relâcher, explique ainsi Richard Bouteiller, technicien «petit gibier» à la FDC80. Les poussins que nous élevons à partir des œufs récupérés vont devenir des reproducteurs. Ce ne sont pas ces oiseaux là qui seront relâchés dans la nature pour des opérations de repeuplement.» Chaque année, le centre de sauvetage samarien recueille entre 18 et 20 nids pour un nombre d’œufs variables. En 2020, le premier nid a été déposé au siège de la fédération le 11 mai dernier. «Il nous est venu de Méricourt-l’Abbé», se souvient Richard Bouteiller. Depuis, six autres nids ont pu être sauvés pour un total de 105 œufs. La capacité du centre de sauvegarde est d’environ 150.
Une expérience qui intéresse en Italie
L’expérience menée à Lamotte-Brebière n’intéresse plus seulement les chasseurs de la Somme, puisqu’il y a quelques mois, la fédération départementale des chasseurs a été sollicitée par l’Union européenne et la fédération des chasseurs d’Italie. Cette dernière s’intéresserait, en effet, à des manières de repeupler le pays et, en particulier, la plaine du Pô qui s’étend du Piémont, à la Lombardie, en passant par l’Émilie-Romagne et la Vénétie. Lorsqu’il en parle, Richard Bouteiller exprime une certaine fierté contrariée par l’épidémie de Covid-19 : «Nous devions recevoir une délégation, leur expliquer ce que l’on fait, mais le Covid-19 a tout remis en cause.» Pour les agents et élus de la fédération des chasseurs de la Somme, le partage d’expérience n’est donc que partie remise, tandis que le centre de sauvetage continue, lui, à bien jouer son rôle.
Oiseaux et mammifères victimes de la route
Les routes d’Europe tuent bien plus que l’on peut l’imaginer. Environ 194 millions d’oiseaux et 29 millions de mammifères sont, en effet, tués chaque année sur les routes d’Europe. Ces chiffres, ce sont ceux d’une enquête publiée il y a quelques jours par Frontiers in Ecology and Environment ; laquelle s’appuie sur quelque 90 enquêtes issues de 24 pays européens. Les auteurs de l’étude globale se sont penchés sur le taux de morts pour 423 espèces d’oiseaux et 2 121 espèces de mammifères. Qu’ont-ils découvert ? Que ce sont les petits animaux avec une densité de population importante, et atteignant la maturité très tôt dans leur existence, qui étaient les plus susceptibles d’être victimes d’accidents de la route. Les créatures nocturnes - et en particulier les herbivores - sont également plus exposées que d’autres. Parmi les principales victimes, on retrouve le merle ou la chauve-souris.
Menace sur certaines espèces
Géographiquement, ce sont les routes d’Europe centrale, et notamment celles d’Autriche, d’Allemagne et de Tchéquie, qui sont les plus mortelles du continent européen. Pour expliquer cette mortalité importante, les auteurs de l’étude pointent du doigt la densité des routes en Europe. Pour Manuela Gonzalez-Suarez, le réseau routier européen et la circulation qu’on y pratique sont ainsi «parmi les plus élevés au monde. 50 % du continent se trouve à moins d’un kilomètre et demi d’une route ou d’une voie de chemin de fer». Pas étonnant donc que les routes constituent une menace importante pour la vie sauvage. Mais ce qui inquiète avant tout, c’est que les chiffres de l’étude montrent que les morts occasionnées par la circulation routière pourraient «mener à l’extinction complète de certaines espèces» ; à moins que de nouvelles méthodes d’évaluation de l’impact d’un tracé routier sur la faune sauvage vienne à être adopté.