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Phytos : la mauvaise communication d’EELV au tribunal

La décision du TGI d’Amiens dans l’affaire qui oppose la FDSEA 80 à Europe Écologie-Les Verts sur la consultation publique autour de l’utilisation des produits phytosanitaires sera rendue le 27 novembre.

À l’issue de l’audience, Denis Bully a appelé les pouvoirs publics à mieux encadrer la participation à des consultations publiques.
À l’issue de l’audience, Denis Bully a appelé les pouvoirs publics à mieux encadrer la participation à des consultations publiques.
© V. F.



Jusqu’où peut-on aller dans la critique de l’agriculture, des agriculteurs et de leurs pratiques, et avec quelles méthodes ? Pour répondre en partie à cette question, il faudra encore attendre jusqu’au 27 novembre prochain, date à laquelle on connaîtra la décision du tribunal de grande instance d’Amiens dans l’affaire opposant la FDSEA 80 à la formation politique Europe Ecologie-Les Verts. Dans le cadre de la consultation publique organisée par le gouvernement sur les projets de décret et d’arrêté encadrant à partir du 1er janvier 2020 les usages de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones construites ou publiques, plusieurs sites internet ont émergé pour inciter les internautes à contribuer à cette consultation. L’un d’entre eux, mis en ligne par EELV, avait particulièrement attiré l’attention de la FDSEA 80, puisque celui-ci proposait ni plus ni moins qu’un outil d’aide au dépôt de commentaires dans le but d’«inonder la consultation de commentaires» et de «donner facilement son avis sans craindre l’angoisse de la page blanche». Mercredi 6 novembre, le président de la FDSEA, Denis Bully et Marie-Françoise Lepers, secrétaire générale, étaient attendus à Amiens pour une audience au cours de laquelle les avocats des deux parties ont présenté leur ligne de défense. Tandis que la FDSEA 80 reprochait à EELV de créer une «pollution démocratique», le parti politique s’est dit victime d’une «poursuite baillon», comme s’il s’agissait de le faire taire.

Des méthodes «douteuses» pointées par la FDSEA 80
Pour la FDSEA de la Somme, la plateforme consultationpesticides.fr développée par EELV n’est pas un outil anodin, puisqu’elle dépasse la seule possibilité d’aider les citoyens à répondre à une consultation publique. «Aider les internautes à s’exprimer dans une consultation officielle, c’est porter à leur connaissance les textes officiels sur lesquels portent la consultation, respecter le formalisme de la consultation, permettre à l’internaute de déposer un avis qui lui est propre et ne pas en profiter pour se constituer un fichier de prospection», rappelait la FDSEA 80 au matin de l’audience devant le tribunal d’Amiens. Or, poursuit le syndicat, «c’est tout le contraire qui a été fait par Europe Ecologie-Les Verts. Si chacun est libre d’inciter ses partisans et sympathisants à défendre une cause ou un point de vue dans un débat public, les méthodes employées par EELV sont plus que douteuses et ont pour effet de rendre opaque la participation publique, tout en lui otant toute légitimité démocratique». De fait, pour la FDSEA 80, ces contributions – il y en aurait eu entre 15 et 16 000 sur un total de 50 000 – ne doivent pas alimenter la consultation publique officielle. L’intérêt à agir pour le syndicat agricole reste, quant à lui, de défendre le droit des agriculteurs à produire, sans essuyer les critiques, comme l’a souligné Maître Pascal Bibard, l’avocat de la FDSEA de la Somme : «En tant que syndicat professionnel, la FDSEA 80 est bien entendu légitime, puisque le résultat de la consultation publique pourrait avoir un effet sur le plan économique et le revenu des agriculteurs.»

Une action jugée «abusive» par EELV
De son côté, Europe Écologie-Les Verts considère comme «abusive» l’action en justice intentée à son encontre par la FDSEA de la Somme. Le parti politique juge en effet «regrettable» que «le débat politique sur l’utilisation des produits phytosanitaires glisse sur le terrain judiciaire», dixit Maître François Ronget, l’avocat d’EELV. «Il n’y a rien d’agressif dans la démarche d’Europe Écologie-Les Verts, a-t-il poursuivi. On est dans un procès d’intention à l’égard d’EELV». La FDSEA de la Somme, comme son conseil Maître Pascal Bibard, ne croient pas en cette prétendue bonne foi. Et pour cause, la plateforme consultationpesticides.fr a subi, il y a quelques jours, des modifications par rapport à sa version initiale, lesquelles ont été constatées par un huissier pour que ce constat soit ensuite ajouté au dossier. Mais pour EELV, rien de tout cela n’est anormal.


Quand EELV «regrette» de se retrouver face à un tribunal

Après avoir participé le mardi 5 novembre à une audience du tribunal administratif de Lyon pour tenter d’obtenir l’annulation de l’autorisation  de mise sur le marché de l’herbicide Roundup 720 par Monsanto, Julien Bayou était présent le lendemain à Amiens, devant le tribunal de grande instance. À l’issue de l’audience qui a vu s’affronter avocats d’EELV et de la FDSEA 80, le porte-parole d’EELV s’est montré déterminé à poursuivre l’engagement du parti politique «contre la dépendance de l’agriculture française aux pesticides de synthèse». Pour l’élu EELV, la consultation sur l’encadrement de l’utilisation des produits phytosanitaires n’est pas moins qu’un prétexte à débattre sur des sujets plus larges. «Notre action doit à la fois permettre de protéger la santé publique et le revenu des agriculteurs qui sont aujourd’hui asphyxiés par leurs pratiques (..) Nous restons confiants parce qu’il y a une attente forte de la population sur le vivant et l’environnement. Un grand nombre d’agriculteurs voient bien l’intérêt qu’ils ont à s’intégrer dans la transition agroécologique. Le reproche que l’on peut faire, c’est au gouvernement, qui ne met pas assez de moyens pour rendre l’agriculture plus résiliente». Assigné devant une juridiction par la FDSEA 80 pour ses méthodes de communication, EELV a déclaré «regretter ces échanges dans un tribunal. Nous n’avons pas besoin de cela pour échanger», a défendu Julien Bayou ; avant de se montrer prêt à participer à des «tables rondes avec les agriculteurs». Dans ses conclusions, le parti politique ne présente néanmoins aucun scrupule à demander une indemnisation de plusieurs milliers d’euros à la FDSEA. Enfin, à en croire le porte-parole d’EELV, les sujets qui rapprochent la formation politique qu’il représente et le monde agricole seraient finalement plus nombreux que ceux qui les opposent. Des exemples ? «Sur le Ceta, sur le Mercosur, nous sommes en phase, puisque nous dénonçons nous aussi les conséquences négatives que ces traités peuvent avoir sur notre agriculture et sur l’environnement», a déclaré Julien Bayou.

REACTION Denis Bully, président de la FDSEA 80

«On subit depuis trop longtemps»

L’audience a eu enfin lieu, alors que la consultation publique est close depuis le 4 octobre. Il était temps. La question de fond est extrêmement complexe, et les personnes qui y ont assisté en témoigneront. Que reprochons nous à Europe Écologie-Les Verts ? D’avoir sur ce sujet des idées qui ne nous conviennent pas ? Non, c’est la vie, et c’est la démocratie. Ce que nous reprochons, c’est d’avoir réussi à «inonder la consultation publique». C’était leur volonté affichée et exprimée ainsi, en utilisant un outil qui n’a pas donné toute la transparence : les avis qu’a recueilli EELV via sa plateforme ne sont pas ceux des internautes qui l’ont utilisée, mais ont été visiblement enrichis de contenus forcés, et forcément modifiés pour rentrer dans le formalisme de la consultation publique. A-t-on des preuves ? Oui, bien sûr ! Nous avions fait constater le fonctionnement du site durant la consultation. Curieusement, le site décrié est toujours en ligne aujourd’hui, un mois après la clôture, et précisément trois des points que nous dénoncions ont été modifiés au cours des derniers jours. Un véritable aveu… que nous avons également fait constater. La seule question que nous posons à la justice, c’est de savoir si des avis forcés ou travestis sont recevables dans la consultation officielle, et s’il estime que ce n’est pas le cas, de donner les moyens de les identifier pour les en soustraire. Quant à la médiatisation, nous avons en face de nous des professionnels, qui ont préféré jouer les victimes à la veille de l’audience, appelant même au don en ligne, mais personne n’est dupe. Il ne s’agit pas de savoir si on est d’accord sur sujet de fond ; nous ne pouvons accepter 150 mètres sans usages phytopharmaceutiques. Ce que nous avons prouvé, et ce à quoi les pouvoirs publics doivent s’intéresser à présent, c’est que toutes les consultations publiques aujourd’hui peuvent être biaisées et détournées. Celle-ci l’a été. Le gouvernement doit ramener de l’authenticité dans cette consultation, et dans les suivantes.

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