Point sur les méthaniseurs en service dans la Somme
Plus grande unité de biométhane des Hauts-de-France, inaugurée le 21 septembre 2017, l’unité d’Eppeville a trouvé son rythme de croisière.
Ce projet unique en son genre dans l’ex-Picardie a des ambitions énormes, avec une production de biométhane prévue à 1 815 000 m3 par an (avec l’atteinte d’un débit moyen de 220 m3/h), jamais atteinte à ce jour dans les autres unités de biométhane de la région Hauts-de-France. Ce projet date du printemps 2011. Si la société Vol-V Biomasse, qui en est à l’origine, a porté son dévolu dans la zone industrielle d’Eppeville, ce n’est pas le fruit du hasard. A cet endroit précisément, il existe tout autour des gisements de matières organiques provenant des industries agro-alimentaires et d’un groupe d’agriculteurs prêts à tenter l’aventure. Mais aussi parce que le terrain, de 2,5 ha, est proche d’un réseau de distribution de gaz pouvant absorber la production. Autres atouts : la proximité de surfaces d’épandage permettant de valoriser le digestat, l’intérêt des acteurs locaux et des élus.
Il aura fallu plus de cinq ans pour que le projet sorte de l’ornière. Les travaux peuvent enfin débuter en 2016. Dix mois seront nécessaires pour la constuction de l’unité de biométhane, soit un temps record. Le démarrage de l’installation est lancé en octobre de cette année-là, avec l’introduction des matières premières et, le 19 décembre, a lieu la première livraison de gaz au réseau. Pour les agriculteurs, c’est du pain bénit. «C’est important pour nous, car nous n’avons plus d’élevage dans notre secteur. Or, grâce à cette unité de biométhane, on peut désormais récupérer de la matière organique. Par ailleurs, le gaz étant injecté dans le réseau de notre territoire, on participe directement à la valorisation de nos produits agricoles», précise Philippe Vandermeir, l’un des agriculteurs impliqués dans le projet. Leur mission est de fournir 3 000 tonnes de matières organiques par an. En échange, ils récupèrent le digestat.
Fonctionnement de l’unité de biométhane
Les déchets des agriculteurs et des industriels de l’agro-alimentaire sont récupérés pour être transformés en biogaz. A leur arrivée, ces déchets sont pesés et soumis à des analyses sur place. Si aucun problème n’est détecté, ils sont stockés, puis mélangés pour constituer un substrat homogène à partir d’une recette. C’est cette «recette» qui va alimenter le digesteur. Stockées dans trois cuves de digestion (deux digesteurs et un poste de digesteur, d’une capacité de 2 000 m2 chacun), les matières organiques passent une quarantaine de jours dans les digesteurs, puis une vingtaine de jours dans le poste de digesteur jusqu’à ce qu’elles soient complètement dégradées du fait de leur fermentation, ce qui permet d’obtenir du biogaz.
La matière est ensuite dirigée dans un séparateur de phase d’où sortiront un digestat liquide et un digestat solide, qui serviront d’engrais aux agriculteurs. Quant au biogaz, riche en méthane (à hauteur de 55 à 66 %), il est filtré pour devenir du biométhane. Le gaz transite ensuite au poste GrDF de la centrale, où il est traité pour être adapté afin d’être au même niveau que le gaz GrDF (rajout de THT).
Quand l’objectif de production, soit presque deux millions de mètres cubes de biométhane - «ce qui correspond à deux millions de litres de fuel», explique Victor Oury, chef de projet au sein de la société Vol-V Biomasse, à l’origine de cette unité de méthanisation - sera atteint à partir des 35 000 tonnes par an de matières organiques, cette production permettra de répondre à la consommation domestique de gaz de la population d’Eppeville, soit 2 000 habitants. Et, demain, ce même gaz naturel pourrait aussi bien servir de carburant pour les camions.
L’unité de méthanisation en cogénération de Soyécourt
Les cinq associés de l’endiverie de Soyécourt ont opté pour la méthanisation à partir de leurs
déchets d’endives. Leur unité fonctionne depuis 2015.
Les pionniers de la méthanisation dans la Somme en auront essuyé des plâtres. Entre les études de faisabilité, les contre-études, les expertises, les volte-face des banques et une année de perdue avec EDF pour le raccordement au réseau, ils ne peuvent mettre en route leur unité de méthanisation qu’en juillet 2014. Et, pour couronner le tout, l’unité achetée à une entreprise allemande n’est pas adaptée à leurs pratiques. Conséquence : les dysfonctionnements techniques et opérationnels s’enchaînent. Certes, depuis, le méthaniseur de 500 kW en cogénération tourne sept jours sur sept et vingt-quatre heures sur vingt-quatre, même si quelques dysfonctionnements se produisent toujours.
Un bilan mitigé
Un peu moins de 10 000 t de déchets d’endives, mais aussi des pulpes, des déchets agro-alimentaires et des issus de drêche sont méthanisés, permettant de produire 11 500 kW par jour, soit un total de 3,5 MW par an. Le fonctionnement est le suivant : outre le cogénérateur, deux trémies alimentent le digesteur. Les intrants passent par un broyeur avant d’aller dans le digesteur. La boue passe ensuite par un séparateur de phase. La partie solide est rejetée dans un décanteur, la partie liquide dans une lagune. L’eau «propre» est remise dans les champs par un système de régulation.
Si l’unité de méthanisation permet de «créer des énergies renouvelables en offrant une seconde vie aux déchets, au vu des problèmes rencontrés et des surcoûts auxquels nous avons dû faire face sur le plan économique, les résultats ne sont pas au rendez-vous», commente Thierry François, l’un des associés du projet. Si le bilan est tout aussi mitigé sur le plan agronomique, le vrai problème est l’accès à de la matière première à bon marché quand on en manque.
F. G.