Pomme de terre : la certification HVE tire vers le haut
Depuis novembre 2018, l’exploitation de la famille Bayard, à Laucourt (80), fait partie des rares certifiées HVE 3. Pour ces producteurs de pommes de terre haut de gamme, il s’agit d’entrer dans une démarche de progrès et non de subir des interdictions.
Chez les Bayard, la qualité du produit est une obsession. «Il n’y a pas de bonne purée sans une bonne pomme de terre», image Adèle Bayard. La famille d’agriculteurs (Françoise et Bertrand, et leurs enfants Florent et Adèle) installée à Laucourt, près de Roye, s’est spécialisée dans la pomme de terre haut de gamme dans les années 1990, et consacre désormais 40 ha de l’exploitation à la culture d’une vingtaine de variétés de plusieurs espèces : de la plus ancienne, l’Institut de Beauvais, créée en 1856, à la plus étonnante, la Vitelotte du Santerre, variété oubliée de couleur bleue. Toutes sont commercialisées via Bayard distribution, centre de conditionnement créé en 1997.
Pour ces producteurs, pas de bonnes pommes de terre sans bonnes pratiques reconnues. «Nous avons toujours été labellisés, assure Françoise Bayard. Pour les pommes de terre, nous suivons la norme Afnor NF-V-25-111 et nous sommes certifiés GlobalGap. Pour l’exploitation en général, nous avons obtenu le label Quali’Terre, puis Agriculture raisonnée. Mais celui-ci n’existe plus depuis 2017. La certification HVE (Haute valeur environnementale) nous intéressait donc.»
Il suffira d’un audit en novembre 2018 pour que la ferme obtienne le niveau 3 de cette certification d’État, le plus élevé, signe «d’engagement dans des démarches particulièrement respectueuses de l’environnement», note le ministère de l’Agriculture.
Chausser ses bottes
«Pour nous, une certification ne doit pas être vue comme une liste d’interdictions, ajoute Bertrand Bayard. Il s’agit d’entrer dans une démarche de progrès, et de le faire savoir.» Car les producteurs en ont bien conscience : «on peut toujours s’améliorer.» «Cela nécessite cependant de chausser ses bottes et de surveiller son sol de près», prévient Adèle. L’organisme de certification a passé à la loupe l’impact de leurs pratiques sur la biodiversité, leur stratégie phytosanitaire, la gestion de la fertilisation et de l’irrigation. Sur ce dernier point, les exploitants avaient déjà adopté une démarche responsable : «Nous rapprochons les passes pour que toute l’eau soit valorisée, plutôt que de sur-doser, ce qui amène l’eau à s’écouler inutilement dans le fossé.» Mais ils ont vu le moyen de s’améliorer davantage. «Nous avons notamment investi dans une rampe d’irrigation pour réduire notre consommation. Nous savons que nous pouvons encore mieux faire.»
La réflexion est en fait menée à l’échelle de l’exploitation. «Le taupin, par exemple, est devenu un vrai problème en culture de pomme de terre. Le seul moyen de le détruire sans produits phytosanitaires est le déchaumage, avec une répétition des passages.» Cette méthode ne peut cependant pas être utilisée si des Cipan sont semées. «Nous réfléchissons donc à peut-être privilégier les Cipan pour les cultures de printemps comme les légumes ou les pois. Nous laisserions la terre déchaumée avant de planter des cultures dont la racine est consommée, comme la pomme de terre, pour pouvoir intervenir mécaniquement uniquement. Ce n’est qu’une idée.»
Pas de réussite sans essais
Adopter des pratiques vertueuses signifie néanmoins d’accepter l’échec quand il se présente. Pour le contrôle de la germination des pommes de terre, les Bayard ont cherché des solutions alternatives au CIPC (interdit en France depuis le 8 août 2020), qu’ils n’utilisent plus depuis deux ans. «Nous avons testé l’huile essentielle de menthe, mais cela favorise la germination une fois les pommes de terre sorties du stockage, et cela provoque des maux de tête et des nausées aux salariés. Nous avons donc essayé l’éthylène, mais il fait vieillir prématurément…» Le Dormir, solution chimique, est donc utilisé. «Nous mettons beaucoup d’espoir dans la recherche génétique à ce sujet. Des variétés avec un réveil végétatif plus long pourraient être une piste.»
Des bénéfices à long terme
Ce que la certification leur apporte aujourd’hui ? «Aucun intérêt financier direct, avoue Bertrand. Mais les pratiques qu’elle encourage ne peuvent qu’être bénéfiques.» En année difficile, les agriculteurs constatent que leurs terres sont plus résiliantes depuis qu’elles subissent moins de traitement chimique. «Elles retrouvent une vie microbienne qu’elles n’avaient plus.» Pour Adèle, le logo HVE est «le pass pour avoir le droit de vendre à l’avenir». «S’en emparer, c’est éviter qu’on nous impose une réglementation impossible à suivre à l’avenir.» C’est aussi moyen de rassurer le consommateur final. «Ce qu’il veut, c’est une histoire, et un produit de qualité certifiée. On est en plein dedans !»
La HVE, mode d’emploi
La certification environnementale se décline en trois niveaux, 1, 2 et 3, selon l’exigence. Bonne nouvelle pour une grande majorité des agriculteurs français : le fait de répondre aux critères de conditionnalité de la Pac donne accès automatiquement au niveau 1 de la certification. Le niveau 2 de la certification s’acquiert en répondant à seize points de réglementation, répartis en quatre domaines : identifier et protéger les zones les plus importantes pour le maintien de la biodiversité, adapter l’utilisation des produits phytosanitaires, raisonner au plus juste les apports et, pour les irrigants, raisonner les apports en eau aux cultures, en fonction de l’état hydrique du sol et des besoins de la plante.
Le niveau 3 est beaucoup plus exigeant. Deux voies (A et B) sont possibles pour l’obtenir. La première, dite voie A, s’appuie sur des critères de biodiversité, la stratégie phytosanitaire employée, la gestion de la fertilisation et l’irrigation, tandis que la voie B repose sur un critère de biodiversité et le rapport entre l’utilisation des intrants et le chiffre d’affaires de l’exploitation. Outre un changement profond dans ses pratiques, obtenir un niveau 3 de certification HVE permet à l’exploitation de l’afficher, et d’utiliser le logo dédié. Une fois les critères satisfaits, la certification est délivrée pour une période de trois ans.
Des pommes de terre sublimées
La certification HVE 3 n’a peut-être pas de retombées économiques directes, mais elle est un gage de qualité reconnue des meilleurs cuisiniers du pays. La maison Bayard fait d’ailleurs partie du Collège culinaire de France depuis 2015. «C’est l’institution de référence de la culture gastronomique française», précise Françoise Bayard. Des chefs étoilés sont tombés sous le charme des variétés de pommes de terre que proposent les Bayard, sélectionnées pour le goût avant tout. Christophe Bacquié, triplement étoilé au guide Michelin et MOF (Meilleur ouvrier de France), par exemple, a choisi l’Agria pour ses pommes soufflées. Pierre Sang, propriétaire de plusieurs restaurants de renom à Paris connu pour sa participation à l’émission Top chef 2011, a sélectionné l’Andrean Sunside pour sa purée, et la Gourmandine pour sa salade gourmande au homard et aux morilles.