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Pommes de terre : prenez garde !

La Fdsea et l’Unpt mettent en garde contre la mise à disposition de terres à des sociétés transfrontalières pour la production de pommes de terre.

Ne pas laisser partir la marchandise à vil prix.
Ne pas laisser partir la marchandise à vil prix.
© S. Leitenberger

La pratique se généralise depuis plusieurs années, mais avec un tel retournement de conjoncture, elle met en avant plusieurs incohérences de marché : des sociétés de productions notamment belges, mais aussi hollandaises ou luxembourgeoises, proposent de «louer» à l’année des surfaces de terres agricoles pour y produire de la pomme de terre. L’entreprise s’engage d’un côté à acheter les pommes de terre, et de l’autre à réaliser l’intégralité des travaux. Plus ou moins bien encadrée juridiquement ou contractuellement, cette pratique mène à une instabilité extrême du marché, avec une nouveauté cet automne : là où l’agriculteur auparavant se croyait «tranquille», il s’avère cette année qu’il peut être pris en otage dans une guerre industrielle et commerciale dans laquelle l’industrie française est la principale victime.
En effet, plusieurs de ces entreprises ont annoncé aux agriculteurs ayant mis leur terre à disposition qu’ils «cassaient» les contrats, et ne viendraient pas récolter, ni prendre les pommes de terre. Charge aux agriculteurs de le faire…
Horreur pour un producteur qui, naturellement, n’est ni équipé en matériel de récolte ou en capacité de stockage, ni dans le circuit commercial totalement étouffé cette année, et donc se retrouve en situation extrêmement précaire.

Cercle vicieux
Surprise ensuite, puisqu’une autre société (ou parfois la même !) propose une prestation d’arrachage avec un tarif donné… et minoré voire annulé si l’agriculteur laisse en contrepartie la marchandise !
Résumé : au printemps, je laisse mes terres ; en septembre, elles sont pleines de pommes de terre, et pour les sortir, je dois payer ou donner la marchandise… Ainsi l’industrie a encore plus de volumes (à coût minimum, voire à zéro !) et, elle peut encore plus facilement prendre des parts de marché aux industries françaises.
Voilà le cercle vicieux auquel la filière pommes de terre est exposée aujourd’hui, ce qui amène le conseil d’administration de la Fdsea à passer le message de ne pas brader sa marchandise dans ces situations, et encore moins la laisser partir à vil prix pour se concurrencer soi-même l’année suivante. De son côté, l’Unpt appelle aussi les agriculteurs non producteurs à ne pas réengager de surface l’an prochain avec ces sociétés. Même si la tentation est grande, surtout en période de repli sur les autres productions végétales, le risque économique, à titre individuel et collectif est beaucoup trop grand.

REACTION

Laurent Degenne, président de la Fdsea

«Il ne faut pas se tirer une balle dans le pied»

La filière pommes de terre est en crise, et la surproduction en est la principale cause. Depuis deux ans, l’Unpt appelle à maitriser les surfaces, ce qui n’est guère suivi en France, et même carrément renié à l’étranger où les surfaces ont progressé vertigineusement. Parmi ces surfaces, il y a celles situées en France pour le compte des sociétés étrangères qui installent leurs usines à proximité immédiate de la frontière, sur l’A1, qui les saturent, voire les sursaturent avec ces volumes.
Ces mêmes sociétés vont avoir une marchandise à moindre coût, et l’utiliseront pour prendre des parts de marché à nos usines de proximité qui, elles, s’approvisionnent avec une régularité contractuelle en volume et en prix. Si ces marchés sont déséquilibrés, c’est à coup sûr ces volumes de contrats qui seront emportés dans la tourmente au printemps prochain, et la filière française sera encore plus fragile. Il faut sortir du marché des volumes, et certainement pas en les mettant sur les lignes de nos concurrents. L’amidon de pommes de terre est peut-être une matière première attractive pour l’alimentation animale. Il faut faciliter ces mises en relations, et il faut avant tout que ce soit avantageux pour les éleveurs, et en qualité et en prix.
Pour ce faire, la Fdsea facilite la mise en relation avec les éleveurs locaux. Ne soyons pas dupes non plus : aucun éleveur transfrontalier n’a la capacité à faire consommer 500 – 1000 voire 2000 ton­nes de pommes de terre dans son troupeau. Là encore, c’est de l’industrie déguisée.
A une autre échelle, nous rencontrons avec la chambre d’agriculture les industriels pour tenter de nous adapter à cette situation qui fait vaciller nos filières.

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