Porc bio : deux modèles pour une production en croissance
Alors que la production de porc bio en France poursuit sa croissance, les acteurs de la filière bretonne ont fait un point, le 20 février, pour déterminer le futur de leur modèle.
Pour faire face à la demande croissante en viande de porc bio (+ 20 % en 2016), la production augmente régulièrement, mais elle est encore loin de satisfaire toute la consommation, la moitié des besoins étant importée. Les 700 élevages présents en France, dont un peu moins de 400 détiennent 10 000 truies en production, ne représentent guère plus de 1 % de la production porcine totale française. Leader du porc conventionnel, la Bretagne ne se situe qu’au troisième rang des régions françaises en porc bio.
«Il est prévu la mise en place de 60 % de truies supplémentaires à l’horizon 2019 en France», indique Jean-François Deglorie, animateur technique de la commission bio d’Interbev. L’objectif fixé par la filière dans son plan stratégique présenté lors des États généraux de l’alimentation de faire en bio 2 % du porc français en 2019 et 5 % en 2022 n’est donc pas si éloigné que cela. Dans ce contexte, certains opérateurs pourraient être tentés d’accélérer les mises en place. Or, pour cette jeune filière, l’équilibre entre l’offre et la demande peut à tout moment être menacé, comme ce fut le cas en 2012 avec un violent décrochage du marché.
Il y a clairement deux orientations. D’un côté, celle portée par Cooperl Arc Atlantique et Le Gouessant qui développent leur production en direct, en se fondant sur le cahier des charges européen. Lequel ne fixe pas de limite de taille d’élevage, interdit plus de 50 % de caillebotis, oblige à installer une courette extérieure, etc. Ce cahier des charges devrait évoluer d’ici à 2021 et les orientations seront connues fin 2018.
De l’autre côté, l’orientation de groupements historiques de la viande bio (Unebio, Bio Direct, Bretagne Viande Bio) qui généralement renforcent le cahier des charges européen d’items supplémentaires. «Chez Unebio par exemple, nous interdisons le caillebotis et l’immuno-castration (point intégré en décembre dernier dans le cahier des charges européen), limitons la taille d’un élevage à 150 truies et demandons l’autonomie alimentaire des éleveurs», explique Boris Jeanne, coordinateur technique.
Un prix moyen de 3,60 EUR/kg
Dans les deux modèles, les opérateurs nouent des partenariats de long terme avec les enseignes de la grande distribution (58 % du marché français) et les magasins spécialisés (28 %) pour donner aux éleveurs la visibilité dont toute entreprise a besoin. Avec un prix moyen du kilo payé 3,60 euros en moyenne, les producteurs de bio gagnent correctement leur vie, selon les opérateurs.
Mais si le marché venait à se retourner, certains souhaiteraient que la filière puisse faire preuve de discipline collective pour «faire une pause dans les mises en place quand le marché est difficile», a indiqué Corentin Hamard, responsable de la filière porc bio chez Cooperl Arc Atlantique. De ce point de vue, le porc bio dispose déjà d’indicateurs de marché, comme le volume des stocks de pièces congelées, le suivi de la production et le niveau de la contractualisation.
Des coûts d’installation très variables
Les prix d’installation en porc bio varient énormément en fonction des cas. Il faut avoir à l’esprit que la hausse de la production relève de trois catégories de producteurs : les nouveaux entrants, les conventionnels qui se convertissent et les bio qui s’agrandissent. Dans les rares cas d’installations dans du neuf, comptez «10 000 euros par truie et sa suite», disent les techniciens. «C’est plus sûrement entre 7 000 et 10 000 euros par truie, nuance Carole Bertin, spécialiste du bâtiment porc pour les Chambres d’agriculture de Bretagne. Mais à vrai dire, je n’ai jamais vu quelqu’un construire un élevage neuf en entier.»
Ce qu’elle observe plus fréquemment, ce sont des éleveurs qui, après avoir réaménagé un bâtiment (bergerie, stabulation, etc.) en élevage de porc, rajoutent une partie neuve, «souvent le bloc naissage». Parmi les dossiers d’installation qu’il a en tête, le coordinateur technique d’Unebio (une trentaine d’adhérents, 47 truies chacun en moyenne) cite «un dossier à 100 000 euros pour 50 truies avec beaucoup d’auto-construction et l’acquisition de matériel d’occasion, un autre à 60 000 euros pour 30 truies et un troisième à 400 000 euros pour 70 truies». Pour des éleveurs qui convertissent en bio un élevage conventionnel sur caillebotis, «il faut entre 5 000 et 7 000 euros par truie quand on fait appel à des entreprises extérieures pour les travaux», ajoute Corentin Hamard (Cooperl).