Environnement
Pour protéger des zones humides, il élève des vaches
Éleveur à Daours, Jean-Louis Bouthors revient à l’occasion de la journée mondiale des zones humides (2 février) sur le rôle de l’élevage dans la préservation des prairies humides.
Éleveur à Daours, Jean-Louis Bouthors revient à l’occasion de la journée mondiale des zones humides (2 février) sur le rôle de l’élevage dans la préservation des prairies humides.
Dernier éleveur laitier d’une commune où l’on en comptait encore « cinq ou six dans les années 80 », Jean-Louis Bouthors donne le sentiment d’être un résistant. Le terroir dans lequel il est installé est attractif – il s’agit de la moyenne vallée de la Somme -, mais les conditions rendent son métier compliqué. Polyculteur-éleveur avec une dominante élevage laitier, il exploite 80 hectares, dont un plus d’un quart sont recouvertes d’herbe. Sur ces 23 hectares, 14 sont situés en zone humide. Un avantage autant qu’un inconvénient pour cet éleveur qui a engagé il y a quelques années une réflexion pour améliorer l’autonomie alimentaire de son troupeau.
Avantages et inconvénients des zones humides
Côté « avantages », il cite en premier lieu une ressource alimentaire à bas coût : « L’herbe, c’est aliment le moins cher,explique-t-il. Quand les conditions sont favorables, j’arrive à mettre mes animaux en pâture à partir du 15 avril jusque fin octobre, voire début novembre ». Jean-Louis Bouthors partage aussi sa satisfaction quant à l’entretien de zones naturelles d’une richesse exceptionnelle : « S’il n’y a plus d’élevage, que vont devenir ces espaces ? », interroge-t-il. Du côté du Conservatoire des espaces naturels, on acquiesce tout en pointant du doigt le risque de voir le milieu se refermer. La commune de Daours, qui met à disposition quelques-uns de ses prés communaux via une convention, apprécie aussi : « Nous sommes à la campagne et il est important d’y garder de l’élevage. Je préfère voir des vaches dans des pâtures plutôt que des vaches qui ne voient jamais le jour », témoigne Didier Bardet, le maire du village. Pour la collectivité, l’autre avantage est aussi de déléguer la charge de l’entretien de ces espaces.
Être éleveur dans des prairies humides présente toutefois quelques désagréments : « Il faut limiter le chargement, établir un calendrier de pâturage et être prêt à rentrer les animaux quand les pâtures sont inondées… », détaille l’éleveur. Certaines parcelles servent en effet de zone tampon en cas de crues de cours d’eau voisins. S’ajoute également la gestion du parasitisme. Fertilisation et recours à des interventions chimiques y sont interdits. « Je n’ai pas à me plaindre, l’herbe pousse plutôt bien », estime M. Bouthors. Dans son propos, on sent aussi une certaine fierté à rendre service : « Combien de gens savent que si le paysage local ressemble à ce qu’il est, c’est grâce aux éleveurs ? Ce n’est pas bien compliqué. Avec mes vaches, je lutte contre l’embroussaillement des parcelles et je contribue à garder des milieux naturels attractifs ».
Menaces sur les MAEC ?
Pour l’accompagner dans l’exploitation de ses prairies humides, Jean-Louis Bouthors est partie prenante d’un programme de maintien de l’agriculture en zones humides (PMAZH). Co-piloté par la Chambre d’agriculture de la Somme et le Conseil départemental, avec le soutien financier de l’Agence de l’eau Artois-Picardie, ce programme a vocation à préserver les prairies humides et d’y maintenir l’élevage en revalorisant leur utilisation. Dans le département, deux territoires sont concernés : la moyenne vallée de la Somme et la plaine maritime picarde.
Les éleveurs engagés bénéficient ainsi d’un suivi technique et d’un accompagnement vers la contractualisation de mesures agroenvironnementales (MAEC). Pour Jean-Louis Bouthors, chaque hectare de prairie contractualisé sous MAEC lui rapporte environ 270 euros. Malgré ce soutien, il évoque aussi ses doutes et ses craintes, notamment en ce qui concerne la future PAC et la diminution du montant des MAEC. Et là, c’est le syndicaliste qui parle : « Depuis que la PAC existe, les éleveurs laitiers ne sont pas à la fête. On a d’abord eu la suppression de l’aide directe à la production laitière, et maintenant, on parle d’une diminution du montant des mesures agroenvironnementales. Si cela se précise, ce sera vraiment dur demain… » Dur pour les éleveurs, mais aussi pour les territoires sur lesquels ils sont installés.