Pratiques commerciales déloyales : la directive de Bruxelles
La Commission européenne a adopté, le 12 avril, une directive laissant des marges de manœuvre aux Etats membres pour lutter contre les pratiques commerciales jugées abusives que subissent en particulier les agriculteurs et les PME.
La Commission européenne a adopté, le 12 avril, une proposition de directive pour lutter contre les pratiques commerciales jugées abusives au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire afin de mieux protéger les maillons les plus faibles, principalement les fournisseurs (agriculteurs et PME). «Une chaîne a la solidité de son maillon le plus faible : pour être efficace et efficiente, la chaîne d’approvisionnement alimentaire doit être équitable», a commenté le commissaire européen à l’agriculture, Phil Hogan.
La Commission propose d’interdire une courte liste de pratiques (paiements tarifs, annulation tardive de commandes dans le cas des produits périssables, paiement par le fournisseur des pertes de produits qui ne sont pas de son fait), et à en interdire d’autres, sauf si elles sont prévues par un contrat «clair et non ambigu» entre les parties. La Commission ne veut pas remettre en cause les mesures déjà prises au niveau national par vingt Etats membres pour lutter contre ces pratiques.
Elle propose donc de leur laisser des marges de manœuvre, notamment pour ce qui est des sanctions. Et les règles nationales allant au-delà des normes de protection minimales prévues par la directive pourront continuer à s’appliquer. Les ministres de l’Agriculture des Vingt-huit ont eu un premier débat sur ces dispositions lors de leur réunion, le 16 avril, à Luxembourg.
Deux listes
Parmi les pratiques commerciales déloyales qui doivent être proscrites selon Bruxelles figurent les paiements au-delà de trente jours concernant des denrées alimentaires périssables, les annulations de commande en dernière minute, les modifications unilatérales ou rétroactives des contrats, et le fait d’obliger le fournisseur à rembourser les produits gaspillés.
D’autres pratiques ne seront autorisées qu’à condition d’avoir été convenues en des termes clairs et univoques entre les parties : le renvoi au fournisseur, par l’acheteur, des denrées alimentaires invendues ; le fait qu’un fournisseur doive verser une avance à l’acheteur pour obtenir ou maintenir un accord d’approvisionnement portant sur des denrées alimentaires ; le financement, par le fournisseur, de la promotion ou de la commercialisation des produits alimentaires vendus par l’acheteur.
Mais le texte est désormais entre les mains du Conseil et du Parlement, dont l’Italien Paolo De Castro (social-démocrate) sera le rapporteur. «Ce sont eux qui doivent définir précisément ces listes», a indiqué Phil Hogan
Trois étapes
Autre disposition de cette directive : les Etats membres devront désigner une autorité publique chargée de faire appliquer les nouvelles règles, et qui sera compétente pour infliger «une sanction dissuasive et proportionnée». Cette autorité pourra ouvrir une enquête de sa propre initiative ou à la suite d’une plainte dont les auteurs pourront demander que la confidentialité et leur anonymat soient respectés. «Nous cherchons à neutraliser le facteur de peur au sein de la chaîne d’approvisionnement alimentaire», a souligné le commissaire européen, Phil Hogan.
Après les dispositions prises dans le cadre du volet agricole du règlement «Omnibus», ces propositions sont une deuxième étape pour améliorer le fonctionnement de la chaîne d’approvisionnement alimentaire dans l’Union européenne, a indiqué Phil Hogan. La troisième et dernière étape sera une proposition sur la transparence du marché, qui devrait être présentée au second semestre de cette année, a annoncé le commissaire européen.
Les organisations et coopératives agricoles de l’Union européenne (Copa-Cogeca) ont salué l’initiative, tout en se disant préoccupées par le champ d’application limité de la proposition, qui ne couvre, selon elles, que les fournisseurs des PME. «Une approche efficace de la lutte contre les pratiques commerciales déloyales doit s’appliquer à tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement, quelle que soit leur taille.»
«En outre, il est crucial d’assurer une coopération efficace entre les autorités nationales chargées», sans quoi les pratiques transnationales ne pourraient pas être contestées, ajoute le Copa-Cogeca.