Pressions sur le biodiesel européen
Droits antidumping imposés aux importations argentines et indonésiennes, plans de Bruxelles sur les biocarburants de première génération : autant de menaces pour le secteur du biodiesel.
Mauvaise conjoncture pour le secteur européen du biodiesel. Echéance la plus proche et certainement la plus menaçante à court terme : le jugement de l'OMC sur les droits antidumping imposés par l'Union européenne sur le biodiesel d'Argentine et d'Indonésie qui devrait donner raison à ces deux derniers pays - accusés par les producteurs européens de favoriser leurs exportations de biodiesel par le biais d'un dispositif de taxe différentiel entre matières premières et produits transformés. Le rapport de l'organe d'appel de l'OMC sur l'Argentine devait être présenté le 26 octobre.
L'Union dispose ensuite de trente jours pour informer l'OMC de ses intentions. Mais le Conseil de l'Union européenne envisagerait de ne pas faire appel de la décision de l'OMC, ce qui pourrait coûter cher aux industriels européens. Dans une lettre adressée le 14 octobre aux représentants permanents des Etats-membres à Bruxelles, le Copa-Cogeca (organisations et coopératives agricoles de l'Union européenne) insiste sur les «répercussions désastreuses sur l'industrie des oléagineux européenne» de l'absence d'un appel et de la levée des droits antidumping en place qui se traduirait par une réduction brutale de la production européenne et une hausse des importations. Des années d'investissements dans ce secteur, notamment en France, pourraient alors être remises en cause.
A cela s'ajoute la volonté de la Commission européenne - qui a déjà plafonné à 7 % les biocarburants conventionnels dans les transports pour tenir compte du très discuté changement indirect d'affectation des sols - de, progressivement, ne plus considérer après 2020 les biocarburants de première génération (produits à partir de cultures alimentaires) comme des énergies renouvelables, comme elle le propose dans sa communication sur la décarbonisation du secteur des transports présentée au mois de juillet.
Science et opinion publique
Lors d'une rencontre organisée au Parlement européen le 12 octobre, les représentants du secteur à Bruxelles (transformateurs, triturateurs, producteurs) ont tenté de démontrer que les critères de changement indirect d'affectation des sols sur lesquels se base la Commission européenne pour justifier ce coup de frein sont sujets à discussion. En effet, plusieurs études, malheureusement peu invoquées par les autorités communautaires, montrent que le prélèvement sur des productions alimentaires est bien inférieur aux chiffres mis en avant par les détracteurs des biocarburants. En Californie, où des critères similaires sont imposés, le biodiesel est considéré comme un biocarburant à très faible indice ILUC, au contraire de l'Union européenne qui utilise un autre modèle scientifique. Et, à modèle équivalent, cet indice varie fortement selon l'endroit où est produit la matière première. «Il est très difficile de baser une politique sur une science aussi peu exacte, mais pourtant nous devons en tenir compte, car les citoyens nous le demandent», a répondu Marie Donnelly, directrice générale pour les énergies renouvelables à la Commission européenne.
Le Copa-Cogeca réitère son opposition
Dans une lettre envoyée le 12 octobre au vice-président de la Commission européenne, Maros Sefcovic, le Copa-Cogeca réitère son opposition à l'élimination progressive de biocarburants de première génération mettant en avant leur intérêt pour la stabilisation du revenu des agriculteurs.
Et Bruxelles est en train de finaliser deux nouveaux textes, attendus début décembre, sur la révision de la directive Energies renouvelables - qui devrait notamment préciser les mesures concrètes envisagées pour sortir des biocarburants de première génération et imposer des normes plus strictes sur les critères de durabilité notamment - et sur la stratégie de l'Union européenne pour les bioénergies. Des textes qui pourraient encore venir noircir le tableau.