Projet d’un atelier porcin dans la Somme
La nouvelle porcherie de Christophe Ménard devrait être mise en service au début de l’année 2019. Au programme : deux bâtiments dans sa ferme de Moreuil, respectant le bien-être animal.
Le 3 juillet 2017 restera une date gravée ad vitam aeternam dans la mémoire de Christophe Ménard. Ce jour-là, un incendie se déclare dans son bâtiment le plus récent, celui pour les porcs d’engraissement. Mille porcs périssent et le bâtiment est entièrement détruit par les flammes. L’expertise n’a pas déterminé, encore aujourd’hui, ce qui a bien pu provoquer l’incendie. Dans tous les cas, ce jour-là, comme les suivants, l’éleveur porcin se demandé s’il doit continuer ou pas dans cette voie. Sa passion et l’intérêt d’équilibrer l’organisation de son travail et celui de ses trois salariés entre cet élevage-là et l’élevage de volailles de chair ont mis fin à ses hésitations. Il trouve alors une location chez un autre agriculteur, à 5 kilomètres de son exploitation, pour ses truies et porcelets, en attendant de reconstruire un nouveau bâtiment.
Installé depuis 2002, à Moreuil, dans une ferme reprise hors cadre familial, l’agriculteur prend possession de 50 ha de terre et d’un élevage de porcs, composé de trente truies. «Je n’y connaissais rien en porcs quand j’ai débuté, à la sortie de mes études, mais je me suis quand même lancé, car la porcherie faisait partie de l’exploitation que je reprenais. Puis, l’élevage est ma passion», raconte-t-il. De l’élevage, il ne connaissait en fait que celui des volailles de chair que ses parents produisaient. Après avoir repris leur ferme, une fois ceux-ci partis en retraite, son exploitation comprend aujourd’hui 140 ha, deux poulaillers de volailles de chair classés en Label rouge, et un élevage de 90 truies.
En 2009, il développe la vente à la ferme de ses volailles face à la demande croissante de ses clients, et comprend très vite tout l’intérêt que peuvent représenter les circuits courts. C’est dans cette même démarche qu’il s’inscrit pour la vente de ses porcs, réalisée auprès de Salaisons du terroir. «L’abattage se fait à Montdidier ou Nouvion, la transformation à Villers-Bretonneux, et la vente des produits dans les supermarchés locaux. C’est important pour moi de procéder de la sorte, car telle est la demande de la société d’aujourd’hui. Puis, pour moi, c’est intéressant, car je sais exactement ce que devient ma production du début jusqu’à la fin de la chaîne», précise-t-il.
C’est donc dans ce même état d’esprit, et avec la volonté de coller au plus près des attentes sociétales, qu’il a décidé de se lancer dans un nouveau projet de porcherie sur son exploitation, avec 150 truies. Mais aussi «pour une question de rentabilité. Par ailleurs, le marché local pousse également vers les élevages bien-être», indique Christophe Ménard.
Aller plus loin dans le bien-être animal
Ce ne sera pas un bâtiment, mais deux bâtiments que l’éleveur fait construire. Le projet comprend un bâtiment, avec une partie pouvant accueillir deux cents truies en gestation et sur paille, et une autre partie pour la maternité avec quarante places. «Je dois prévoir 30 % de surface en plus que pour un élevage classique, et des installations plus grandes et plus costaudes», fait remarquer l’éleveur.
Le second bâtiment, lui, sera celui dédié à l’élevage de porcs pour le post-sevrage et leur engraissement. Pour celui-ci, trois salles seront construites - et où les porcs seront en liberté -, qui se composent d’une zone pour manger, d’une autre pour dormir, et d’une dernière pour jouer avec des matériaux manipulables tels que des ballons, de la paille et des chaînettes. Tout cela est dans la charte européenne sur le bien-être animal. C’est même obligatoire.
Craint-il quelques polémiques qui pourraient éclater tardivement, comme ce fut le cas, en 2012, pour son précédent projet de porcherie ? Non, d’une part, parce qu’il ne fait pas d’élevage intensif, et, d’autre part, parce que six organismes environnementaux l’ont validé. De plus, le projet n’a fait l’objet d’aucune remarque lors de la consultation publique, qui s’est déroulée du 1er au 29 octobre derniers. Par ailleurs, les premières habitations se trouvent à 3 km de la porcherie. «De plus, nous n’utilisons aucun engrais chimique, car notre lisier provient du fumier de nos porcs et de nos volailles. Enfin, pour ce qui est des odeurs, nous mettons des activateurs sous forme de champignons, qui les neutralisent et limitent les rejets d’azote dans l’air», explique-t-il.
Ses perspectives ? Travailler avec les enseignes locales, au travers de Salaisons du terroir, pour avoir un prix fixe minimum, et communiquer sur son engagement de proximité dans sa production porcine, née dans sa ferme, élevée et nourrie à partir de ses cultures (40 % de maïs, 20 % de blé et 20 % d’orge, auxquels viennent s’ajouter des coproduits (pommes de terre venant de Rosières-en-Santerre) et un complément minéral. Puis, abattue et transformée dans la Somme, avant d’être commercialisée dans les magasins locaux. Pense-t-il passer au bio, plus tard ? «C’est prématuré, car la filière porcine bio manque encore de structuration et de débouchés à court terme. Investir, sans pouvoir se projeter, c’est trop risqué», dit-il.
Chiffres clés
140 hectares
2 poulaillers
150 truies avec le nouvel atelier
1 500 porcs
650 000 € : coût du projet
340 tonnes par an : c’est le volume de production de son élevage porcin jusqu’ici
3 km : distance qui sépare l’atelier de la première habitation
Filière porcine : quelle dynamique pour l’éleveur samarien ?
Dans la Somme, Christophe Ménard a vu les élevages porcins s’arrêter progressivement, faute de repreneurs, une fois les éleveurs en retraite. Entre des prix à la peine, même si 2017 a vu une reprise à la hausse, des trésoreries compliquées à reconstituer et la difficulté de mener à bien un élevage porcin, s’ajoute un autre facteur décourageant pour reprendre un atelier : la difficulté d’obtenir un crédit en élevage porcin auprès des banques. «Non seulement, l’investissement est lourd mais, en plus, comme on ne maîtrise pas du tout les prix, on a le plus grand mal à présenter aux banques des projections financières à long terme. Du coup, elles se montrent frileuses», commente l’éleveur.
Pour s’en sortir, il est impératif, selon lui, de limiter les charges de fabrication au maximum. Pour ce faire, comme nombre d’éleveurs porcins des Hauts-de-France, polyculteurs par ailleurs, il fabrique l’aliment pour ses bêtes à partir de ses cultures. Autre facteur de réussite : avoir le maximum de porcs par truie. «C’est la technique qui fait la différence au niveau de l’élevage. Il faut le suivre tout le temps pour avoir le plus de porcs possibles. Cela commence à partir de l’insémination, puis la mise-bas et le suivi des porcelets», explique-t-il. Enfin, si l’éleveur n’a aucune maîtrise sur la fixation du prix, le fait d’être en filière locale offre une vraie plus-value sur la commercialisation des porcs.