Quand le troupeau laitier augmente plus vite que la salle de traite…
En quelques années, la taille du troupeau moyen a fortement augmenté. Cette évolution et surtout sa rapidité ont saturé les outils de traite qui n’étaient pas dimensionnés pour de tels effectifs.
En quelques années, la taille du troupeau moyen a fortement augmenté. Cette évolution et surtout sa rapidité ont saturé les outils de traite qui n’étaient pas dimensionnés pour de tels effectifs.
D’après les données des éleveurs adhérents à Avenir conseil élevage, en cinq ans, le troupeau moyen s’est agrandi de 12 vaches laitières. En 2016, un élevage comptait en moyenne 68 vaches présentes, il en compte 80 en 2021, soit 17 % d’augmentation ! Dans beaucoup de situations, l’ampleur de cette évolution et surtout sa rapidité ont saturé les outils de traite qui n’étaient pas dimensionnés pour de tels effectifs. Cela au détriment des trayeurs et des animaux.
En moyenne, selon les données du Crocit des Hauts-de-France, le taux d’équipement des salles de traite (épis et TPA) atteint 5,4 vaches par poste en 2020. Avec ce niveau d’équipement, il faut plus d’1h15 pour traire un troupeau moyen. À cela viennent se greffer le temps de rassemblement des vaches et le nettoyage de la salle de traite. Cette moyenne élevée signifie qu’il existe des situations où le temps passé en salle de traite est bien plus important. Or, selon la littérature spécialisée, une vache ne devrait pas passer plus de deux heures par jour à la traite (temps en aire d’attente et en salle de traite). Une part croissante des effectifs est souvent au-delà de ce critère technique, au détriment du bien-être du trayeur et des vaches, et donc de la production. Les capacités des trayeurs sont mises à l’épreuve deux fois par jour. Il y a non seulement la pénibilité physique mais aussi la fatigue liée à la concentration nécessaire. L’humain a une capacité moyenne à rester concentré sur la même tache pendant 1h15-1h30 au maximum.
Impacts sur les vaches laitières
Chacun l’aura remarqué, une vache aime se reposer. Une vache se nourrit, boit, se déplace, exprime des comportements et réagit avec ses congénères. Il faut ajouter au temps nécessaire à ces activités celui de la traite. Dans l’idéal, il devrait lui rester 12 à 14h pour se reposer afin de produire un maximum de lait. Une heure de repos en moins se traduit par 1,7 à 2 kg de lait en moins.
Les traites longues ont également un impact important pour les vaches victimes de problèmes locomoteurs. Une vache boiteuse tenue debout longtemps risque de s’effondrer sitôt arrivée dans l’aire paillée plutôt que de s’alimenter.
Dans des situations de problématiques sanitaires liées à des germes d’environnement, il est régulièrement conseillé de tenir les vaches debout après la traite. Lorsque les conditions de traites s’allongent, ces préconisations deviennent contreproductives. En effet, des études canadiennes situent l’optimum de temps debout après la traite entre 40 et 60 mn. Au-delà, le risque de réinfection augmente à nouveau. Or, sur des traites longues, il n’est pas rare de voir les premières vaches traites tenues debout pendant plus de deux heures.
L’impact sur le ou les trayeurs ?
L’allongement du temps de traite met à mal de manière évidente le trayeur. L’accumulation des répétitions de gestes épuisent physiquement. De plus, la cadence est souvent plus élevée pour tenter de raccourcir le temps de traite.
Dans d’autres cas, l’éleveur est tenté de faire autre chose afin d’essayer de limiter la perte de temps, en sortant parfois de la salle de traite. Or, les conseillers d’Avenir conseil élevage le constatent lors des assistances traite qu’ils réalisent, il peut se passer beaucoup de choses pendant l’absence du trayeur.
Par exemple, des déposes accidentelles peuvent être manquées. Les sifflements de manchons ne sont pas corrigés alors qu’ils jouent un rôle important dans la circulation des germes avec tous les impacts bien connus sur la qualité du lait. La difficulté à rester concentré augmente également le risque d’erreurs avec des conséquences importantes (antibiotiques dans le tank, par exemple).
La traite ne doit pas non plus être l’occasion de régler tous les petits problèmes parasites de la journée. Le simple fait de se concentrer sur autre chose va immanquablement accroître le temps de traite. C’est d’ailleurs une règle que chacun devrait s’appliquer pour être pleinement dans l’action. Ce principe a été théorisé dans les années 1950 par Sune Carlson, en précisant que chaque perturbation dans le travail nécessite en moyenne trois minutes pour retrouver un bon niveau de concentration.
Impact des accès à la salle de traite
La dimension de la salle de traite doit être adaptée pour maintenir le temps de traite autour d’1h à 1h15 maximum. En moyenne, cet objectif correspond à 4,5 vaches traites par poste par heure ou, autrement dit, 5 vaches par poste pendant la traite. Pour tenir ce rythme, il faut veiller à la bonne fluidité de la circulation des vaches en entrée et en sortie de salle de traite. Le trayeur ne devrait pas avoir à sortir de la fosse, ou uniquement de manière exceptionnelle.
Une aire d’attente bien conçue, dans le prolongement de la salle de traite et sans obstacle à la circulation des animaux est gage d’efficacité à l’entrée des vaches. Pour cela, il faudrait prévoir une surface équivalente à 1,20 m² par animal en privilégiant la forme rectangulaire. Le sol du parc d’attente doit être suffisamment sécurisant (antidérapant) avec une pente régulière pour faciliter le nettoyage. Vous veillerez également à limiter la différence de luminosité entre la salle de traite et les zones adjacentes afin de favoriser la fluidité de circulation des vaches.
Adapter sa technique
La technique de traite peut être adaptée selon la situation sanitaire du troupeau. Un protocole de traite très complet lorsque la situation sanitaire est maîtrisée ne se justifie pas forcément si le temps de traite devient une problématique. Il est alors possible de l’alléger, à condition de savoir réagir rapidement si la situation se détériore. Attention, a contrario une technique trop «légère» lorsque la situation sanitaire ne le permet pas, ne fait pas gagner de temps. C’est même totalement l’inverse en obligeant le trayeur à soigner les vaches infectées et à gérer le lait à écarter.
Dans le cas de problèmes de boiterie, la gestion particulière des animaux concernés est une solution pour qu’ils passent le moins de temps possible debout à la traite. De même, cette gestion particulière peut s’appliquer aux vaches dont le lait est à écarter. Cela permet d’évacuer les cas particuliers et donc de maximiser la cadence des autres tours de traite. Enfin, lorsque la taille du troupeau devient problématique, la mise en place de lots plus durables réduira le temps passé à la traite pour les vaches. Pour terminer, même si cela peut paraître contre-intuitif, le trayeur peut s’imposer une pause de quelques minutes entre deux tours à la mi-traite pour respirer un peu. Ce petit «break» peut permettre de reprendre la traite avec une meilleure attention et donc une meilleure efficacité et qualité. Attention, c’est un temps court qui ne doit pas être consacré à faire autre chose, on pose le téléphone !
La traite doit être l’un des meilleurs moments de la journée pour observer les vaches. Si celle-ci devient une corvée, il faut agir au plus vite afin de retrouver du plaisir à cette tâche.