Quel impact du PSN sur les exploitations régionales ?
La Pac 2023-2027 se décline en un PSN (plan stratégique national). Bilan des avantages et inconvénients de cette stratégie pour les exploitations agricoles des Hauts-de-France.
La Pac 2023-2027 se décline en un PSN (plan stratégique national). Bilan des avantages et inconvénients de cette stratégie pour les exploitations agricoles des Hauts-de-France.
Tout au long de la première phase de négociations avec le ministère de l’Agriculture Hauts-de-France, la chambre d’agriculture a réalisé des simulations pour évaluer l’impact des orientations énoncées sur l’agriculture régionale. Ces simulations ont permis d’alimenter les débats par des données objectives de la situation de notre région.
Eco-régime : le paiement vert disparaît et les DPB les plus élevés continuent leur convergence pour s’approcher à 85 % de la valeur moyenne nationale en 2026. Il est donc essentiel que les exploitants puissent valider l’éco-régime sur l’ensemble de leur surface admissible pour maintenir un niveau d’aide optimisé.
L’entrée par la voie de la certification au niveau supérieur ne concernera qu’un nombre limité d’exploitations dans la situation actuelle : moins de cinq cents exploitations dont la surface est 100 % bio (les mixtes doivent entrer par une autre voie), une centaine d’exploitations HVE dont la majorité est représentée par des viticulteurs qui n’activent pas toujours de DPB. Ces engagements poursuivent leur progression et devraient encore s’amplifier à échéance 2027. Les exploitants qui ne parviennent pas à entrer par la voie des pratiques agricoles ou des Infrastructures agroécologiques pourront aussi s’engager sur la certification CE2+ pour atteindre le niveau 1.
L’entrée par les pratiques agricoles s’examine à la fois sur les prairies permanentes, les terres arables et les cultures pérennes. Pour valider le niveau supérieur de l’éco-régime sur les prairies permanentes, l’agriculteur doit garantir qu’il n’en a pas labouré plus de 90 % (80 % pour le niveau 1). La région étant majoritairement en zones vulnérables, les possibilités étaient dans tous les cas déjà très limitées. Sur les cultures pérennes, il s’agit d’enherber au minimum 95 % des interrangs (75 % pour le niveau 1). Enfin, sur les terres arables, le barème lié à la diversité de l’assolement a été projeté sur les assolements des exploitations en 2019.
Résultat : sur la première version du barème, 40 % des terres arables ne passaient pas le cap du niveau 1,
le dernier barème ramène à 29 % ces surfaces, avec des leviers mobilisables selon les types d’exploitation. Un quart des terres arables pourrait déjà valider le niveau 1 et le reste le niveau supérieur. Des simulations individuelles seront disponibles avant la fin de l’année pour préparer les assolements 2022 (précédant l’entrée en vigueur de la Pac) et 2023.
Aides couplées
Les simulations en termes d’impact financier sur le revenu des exploitations ont permis de motiver le maintien des aides couplées «historiques» dont notre région bénéficie : pommes de terre fécule, houblon, semences de graminées. Sur les protéines végétales, le gouvernement espère un effet levier sur les surfaces implantées par une augmentation, au démarrage, du montant d’aide à l’hectare.
L’aide unique à l’UGB bovine répond à un souci de simplification affiché par la DGPE et à une crainte de déprise de la production laitière. Elle entraîne un rééquilibrage des aides entre producteurs de lait, élevages naisseurs et engraisseurs. Le plafond lié au chargement demeure un facteur limitant pour notre région, face auquel la profession a régulièrement interpellé le ministère.
POINT DE VUE de Laurent Degenne, président de la FRSEA Hauts-de-France
La ferme Hauts-de-France va encore y laisser quelques plumes
Pour autant, le ministère de l’Agriculture a affiché depuis ce printemps sa volonté d’équité de traitement entre les régions et les filières. Suite aux premières propositions de mars, des négociations ont été réalisées avec la profession et certains points ont été améliorés même si des éléments restent encore à préciser.
Sur la convergence des aides, obligation européenne, le choix du ministre s’est orienté vers une convergence partielle, à 85 %, limitant ainsi les pertes pour les DPB qui sont encore supérieurs à la moyenne nationale, ce qui est majoritairement le cas en Hauts-de-France.
L’éco-régime, grande nouveauté de cette réforme, est une incitation à la transition environnementale, par trois canaux possibles : les pratiques agricoles, la certification ou la présence d’infrastructures agroécologiques. Cette troisième voie, visant à l’augmentation des surfaces non productives, ne nous convient pas et ne semble pas compatible avec les ambitions européennes affichées sur la souveraineté alimentaire. La voie de la certification, quant à elle, a été améliorée en introduisant la possibilité d’une certification «CE2+», qui correspond au niveau 2 de la certification HVE, avec quelques points supplémentaires à apporter, notamment une obligation de «sobriété». À travers cette appellation, il faut comprendre la possibilité de valoriser les pratiques en matière de traitement des déchets. En effet, les résultats français de gestion des déchets issus de l’agrofourniture, via Adivalor sont parmi les meilleurs d’Europe, voire les meilleurs. Nous avons l’opportunité de le valoriser ici. La voie des pratiques agricoles comprend une grille à points sur la diversité des cultures. Malgré des rotations très diversifiées en Hauts-de-France, la première proposition du ministère en mars ne nous était pas favorable, avec plus de 40 % des surfaces qui n’atteignaient pas le niveau de base. L’intégration de certaines de nos propositions, comme la manière de comptabiliser les céréales d’hiver et de printemps et les oléagineux ainsi que les prairies a permis d’améliorer sensiblement les choses dans la nouvelle proposition du ministère, réduisant ainsi les surfaces inéligibles à l’éco-régime à 20 %. C’est un point positif mais pas encore suffisant. Nous demandons encore des aménagements. Par ailleurs, nous dénonçons fermement le nivellement par le bas qui serait opéré en cas de présence à la fois de terres arables et de prairies et / ou d’arboriculture avec des niveaux d’éco-régimes différents. S’il n’est pas possible d’atteindre le niveau 2 sur les terres arables, alors que les prairies permanentes le permettraient, il n’est pas tolérable que l’ensemble de la SAU soit pénalisée.
Les filières pomme de terre fécule, houblon, ou semences de graminées présentent des enjeux importants pour notre région et le maintien de l’aide couplée pour ces filières est un signal positif en faveur de la création de valeur et la diversité des productions. Par ailleurs, le développement plus important d’une aide couplée à la production de protéine est une opportunité à saisir, dans un contexte où les charges d’alimentation en élevage pèsent de plus en plus.
Sur les aides couplées animales, nous saluons la volonté de donner un signal positif à l’élevage laitier, en particulier l’élevage de plaine, et l’engraissement. Mais en introduisant un critère de chargement à 1,4, critère cher au ministère de la Transition écologique, l’objectif n’est que partiellement atteint, même si l’application d’une garantie à 40 UGB sans chargement permet de limiter un peu les dégâts. Par ailleurs, avec une enveloppe en diminution, cette nouveauté aura un impact négatif sur l’élevage allaitant de nos régions, ce que nous dénonçons fermement. Nous demandons la prise en compte de l’utilisation des coproduits dans le calcul de la SFP, afin d’atténuer l’impact du chargement et mettre en avant cette spécificité régionale vertueuse. Pour le moment, cette demande n’a pas encore été entendue.
Concernant l’installation, l’augmentation de l’enveloppe est une bonne chose, preuve de la volonté du ministère d’accompagner le renouvellement des générations, enjeu stratégique étant donnée la pyramide des âges en agriculture !
Sur le second pilier, nous restons très attentifs à la part qui sera attribuée à l’investissement. C’est en Hauts-de-France, un levier qui a été très utilisé via le PCAE et l’action de la Région. Nous souhaitons poursuivre dans ce sens pour le développement des exploitations.
Enfin, question délicate mais cruciale, les arbitrages n’ont pas encore été rendus concernant la définition de l’agriculteur actif et le jeune agriculteur. Au-delà de la sémantique, il s’agit de déterminer qui peut percevoir des aides et qui ne peut pas. Les travaux de la FNSEA sur le statut de l’agriculteur sont une bonne base pour établir cette définition.