Quelle est la nuisibilité des mauvaises herbes en céréales à paille ?
Les seuils de nuisibilité des mauvaises herbes sont déterminants pour le raisonnement du désherbage et pour optimiser la rentabilité des applications.
Concernant la stratégie de désherbage, il convient de se demander quel objectif de propreté recherche-t-on ? De nombreux essais ont été mis en place afin de quantifier le plus finement possible la nuisibilité des mauvaises herbes avec l’objectif de définir des seuils de nuisibilité par adventice. Ces seuils ne prennent en compte que le préjudice direct sur la culture. Quels sont les seuils de nuisibilité des principales mauvaises herbes ?
Comment peut-on les utiliser dans la pratique ? Quels sont les facteurs les faisant varier ?
La nuisibilité des mauvaises herbes recouvre en fait deux effets distincts. Le premier est la nuisibilité directe. Elle est causée par la concurrence que les mauvaises herbes exercent sur une plante cultivée. Elle affecte prioritairement le potentiel de rendement de la culture. Cette concurrence s’exerce vis-à-vis de l’espace, de la lumière, de l’eau… Elle s’exprime par la différence de rendement entre un désherbage efficace et le rendement obtenu sans désherber.
Le second est la nuisibilité indirecte. Elle regroupe les autres effets indésirables des mauvaises herbes comme leur impact sur la qualité ou la gêne qu’elles occasionnent sur la récolte, sur la qualité sanitaire de culture (les mauvaises herbes pouvant être réservoirs ou hôtes de divers parasites) et la capacité ultérieure de production (augmentation du stock semencier…).
Raisonner son désherbage passe par la définition de la date optimale du traitement, fonction du niveau d’infestation, plus particulièrement en graminées. Il faut intervenir avant que les adventices n’aient eu le temps de concurrencer significativement la culture en tenant compte du fait que toutes les mauvaises herbes n’apparaissent pas de façon simultanée.
Références expérimentales
De nombreuses expérimentations spécifiques de nuisibilité ont été mises en place, notamment dans les années 1980 par les instituts techniques et l’Inra, afin de chiffrer en priorité l’effet densité critique des principales adventices (situation de concurrence entre une plante cultivée et une mauvaise herbe largement dominante) et l’effet période critique de concurrence (effets de structure temporelle). Outre les effets densité et période, d’autres facteurs (effet de structure spatiale) ont pu être étudiés dans les essais pour leur effet de concurrence.
Des essais menés en Angleterre dans cette même période ont permis à J.W. Wilson de publier des seuils de nuisibilité sur quelques adventices grâce à l’élaboration d’un «équivalent-rendement» définissant une relation entre matière sèche de l’adventice et matière sèche de la céréale à la récolte. Ce ratio permet de définir le nombre de plantes/m² réduisant le rendement d’une céréale de 5 %.
Pour compléter les essais spécifiques, d’autres essais peuvent être utilisés comme ceux menés dans le cadre des essais d’homologation des herbicides pour déterminer dans une culture des pertes de rendement dues à la flore adventice dominante. L’ensemble de ces données expérimentales a été synthétisé et publié conjointement par l’ACTA, BJ Wilson, le Cetiom et Arvalis - Institut du végétal : le seuil de nuisibilité de 5 % des principales adventices correspond à la densité d’adventices nécessaires pour provoquer une chute de rendement de 5 %. Certaines adventices à faible densité mettent à mal le rendement. Deux gaillets ou six folles-avoines par m² suffisent pour faire chuter le rendement de 5 %. A contrario, le seuil des pensées est plus élevé.
Seuils de nuisibilité
Si la notion de nuisibilité directe a pu être précisée au travers de multiples expérimentations, il faut considérer ces chiffres avec prudence, car ses effets se manifestent différemment en fonction de nombreux éléments. Les expérimentations ont mis en évidence que la densité n’est pas l’unique facteur à considérer pour fixer les seuils de nuisibilité. La période de concurrence (date de levée des adventices et date de levée de la céréale), la nature des adventices, la répartition des plantes sur le terrain sont des facteurs tout aussi importants. Il est de même pour l’incidence du potentiel de rendement (effet sol-climat), ainsi que pour celle du climat (avec des différences observées selon la zone climatique : continentale ou maritime par exemple) sur la nuisibilité des adventices.
Enfin, ces seuils ne prennent pas en compte les effets indirects des adventices (augmentation du stock semencier). Les chiffres sont tout aussi impressionnants. Une matricaire peut produire jusqu’à 20 000 graines. Toutes ne pourront pas certes donner de nouvelles plantes, mais avec un tel pouvoir multiplicateur, les quelques plantes qui passent à travers du programme annihilent tous les efforts.
Dans le même ordre d’idée, la longévité des semences est tout aussi éloquente. Des graines de folle-avoine et de vulpin peuvent encore germer quinze ans après leur production. Un essai longue-durée, mené en Champagne Berrichonne (Coings - 36), dès 1985, illustre bien ce pouvoir multiplicateur : une parcelle non désherbée avec à l’origine 15 vulpins/m² atteint en quatre ans plus de 500 vulpins/m².
Les préconsations d’Arvalis
C’est par l’expérimentation que la définition des seuils de nuisibilité des mauvaises herbes et des périodes critiques est possible. Il faut considérer ces chiffres comme valeurs indicatives, car si la notion de nuisibilité directe peut être précisée, ses effets se manifestent différemment en fonction de nombreux éléments comme le climat, le potentiel de rendement, la période de levée des mauvaises herbes… et ne constituent pas les seuls critères de raisonnement de son désherbage. Si l’impasse à court terme peut être rentable, elle entraîne des surcoûts ou des conséquences néfastes sur les cultures suivantes par la multiplication du potentiel semencier.