Réforme de la Pac : les quatre scénarios du ministère de l’Agriculture
Le ministre de l’Agriculture a entamé la concertation avec les organisations professionnelles pour la version française de la réforme.
Le ministre de l’Agriculture a entamé, début juillet, les consultations avec les organisations professionnelles sur les modalités d’application de la réforme de la Pac adoptée fin juin. On sait que la nouvelle Pac met à la disposition des Etats une boîte à outils qu’ils peuvent utiliser à leur gré en partie ou en totalité pour répartir les aides entre les exploitants. L’ambition affichée du ministre à ce stade est de «rééquilibrer les aides en faveur de l’élevage et de l’emploi sans déséquilibrer les filières et les exploitations des différents secteurs».
Pour atteindre cet objectif, le ministère de l’Agriculture compte actionner plusieurs leviers. D’abord la convergence du droit de paiement de base (DPB, ex DPU), pour rapprocher le montant de l’aide à l’hectare de chaque agriculteur vers une valeur commune à tous les hectares. Ensuite, le paiement redistributif qui consiste à majorer les aides directes sur les premiers hectares pour les cibler sur les exploitations «riches en emploi». Enfin le renforcement du recouplage des aides qui devrait davantage profiter à l’élevage. Le taux qui est actuellement de 10 % a été porté à 13 %, avec une possibilité supplémentaire de 2 % pour la production de protéines végétales. A cela s’ajoute l’Ichn (indemnité compensatrice de handicap naturel) qui pourra être revalorisée compte tenu de la hausse du plafond communautaire de 300 à 450 €/ha obtenue dans la négociation.
Convergence et redistribution
C’est sur la base de ces éléments que le ministère de l’Agriculture a établi quatre scénarios.
- Le scénario un prévoit de réduire totalement les écarts des aides à l’hectare entre les différentes exploitations sans appliquer le paiement redistributif. C’est le scénario prévu initialement par la Commission de Bruxelles qui aboutit à l’horizon 2019 à une diminution des aides pour les exploitations de grandes cultures de 9 % en moyenne et de 25 % pour les exploitations laitières à base de maïs. En revanche, les bovins lait à l’herbe et mixte, les bovins viande herbagers et les ovins/caprins seraient gagnants respectivement de 6 %, 22 % et 49 %.
- Le scénario deux, qui a la préférence de la Fnsea, prévoit de réduire les écarts de 60 %, sans paiement redistributif. Il a un impact plus limité sur la redistribution des aides : - 6 % pour les exploitations de grandes cultures, -15 % pour les élevages laitiers à base de maïs, + 3 % pour les bovins lait herbe et mixte, + 13 % pour les bovins viande herbagers et + 29 % pour les ovins caprins.
- Le scénario trois, introduit le paiement redistributif cher au ministre de l’Agriculture sur les 52 premiers hectares avec une convergence à 100 % au terme de la réforme en 2019. Dans ce cas les exploitations de grandes cultures perdraient 14 % de leur aides, les bovins lait au maïs, 18 %, alors que les bovins lait herbe et mixte gagneraient 14 %, les bovins viandes herbagers, 23 % et les ovins caprins, 47 %.
- Le scénario quatre prévoit une variante de l’hypothèse précédente avec l’introduction d’un bouclier, c'est-à-dire une limitation des pertes de 30 % entre la valeur initiale du droit de paiement de base et sa valeur finale en 2019. Les résultats ne sont guère différents : -14 % pour les grandes cultures, -16 % pour les bovins lait au maïs, +13 % pour les bovins lait herbe et mixte, + 22 % pour les bovins viandes herbagers et + 44 % pour les ovins/caprins.
Réduction des écarts
Quelle que soit l’hypothèse retenue, les écarts d’aides vont se réduire. Pour une moyenne nationale de 268 € / ha en 2010, les élevages bovins laitiers au maïs atteignaient 375 € / ha contre 150 € / ha pour les ovins/caprins, les grandes cultures se situant à 300 € / ha (mais 265 € / ha dans les zones intermédiaires comme la Bourgogne, la Franche-Comté, la Lorraine et Poitou-Charentes), la polyculture élevage à 285 € / ha et les élevages bovins (lait, viande ou mixte) à l’herbe à 200 € / ha.
Quant à l’intensité de la main d’œuvre pour les bénéficiaires de la Pac que le ministre souhaite prendre en compte, elle est également sensiblement différente selon les types de production entre 2,4 UTA / 100 ha en bovins lait à 1,1 UTA / 100 ha pour les grandes cultures, la moyenne française s’établissant à 2,1 UTA / 100 ha.
Décision rapide
A ce stade, il ne s’agit toutefois que de premières hypothèses de travail dont l’enjeu porte sur une nouvelle répartition d’une enveloppe de 7,5 milliards d’€ et dont le résultat s’établira quelque part entre ces différentes hypothèse.
Mais le ministre de l’Agriculture souhaite boucler le dossier rapidement, en tout cas avant la présentation de la loi d’avenir de l’agriculture qui arrivera en discussion au Parlement au début de l’an prochain.
La Fnsea attend des actes
«Nous attendons que la France utilise au maximum les possibilités de compensation des handicaps permises par l’accord européen» déclarent la Fnsea et les JA. Cet accord laisse beaucoup de marges de manœuvre qu’il s’agisse de la convergence des paiements à l’hectare, les paiements couplés, les paiements complémentaires sur les premiers hectares ou les paiements en faveur des zones à handicap naturels dans le premier comme dans le second pilier.