Réforme de la taxe d’habitation : comment la financer ?
Le gouvernement prépare une réforme des taxes locales, afin de compenser la prochaine disparition de la taxe d’habitation. Le sénateur, Alain Richard et l’ancien préfet, Dominique Bur, proposent des pistes financières de compensation.
Si Emmanuel Macron et son gouvernement ont promis qu’aucun nouvel impôt ne serait créé durant le mandat, il faudra bientôt compenser le manque à gagner occasionné par la disparition de la taxe d’habitation. Celui-ci est estimé un peu moins de 10 milliards d’euros. Pour ce faire, l’exécutif envisage une réforme des impôts locaux. Des consultations sont en cours et le rapport Richard-Bur propose des solutions pour la refonte de la fiscalité locale.
Rapport Richard-Bur
Le rapport copieux de Richard-Bur présente deux grands scénarios : le premier consisterait à concentrer toute la taxe foncière sur le bloc communal, en compensant les départements par une part de TVA ; et pour le second, il s’agirait d’allouer une partie de cette même TVA directement aux communes et à leurs groupements. Pour la commission finances et fiscalité de l’Assemblée des communautés de France, les choses sont claires : les présidents de communautés appuient «la proposition centrale du rapport visant à affecter l’intégralité des taxes foncières au bloc local» et sont en revanche «défavorables» à la seconde proposition. «Nous ne voulons pas que la taxe d’habitation soit remplacée uniquement par un impôt national» non territorialisable, résume Charles-Eric Lemaignen, son vice-président.
Sans grande surprise, la commission finances et fiscalité de l’Assemblée des communautés de France est rejointe là-dessus tant par l’Association des petites villes que par France urbaine. «Le bloc communal doit conserver des ressources fiscales avec pouvoir de taux», insistent les maires de petites villes, qui refusent eux aussi le deuxième scénario et plaident donc pour l’option «transfert de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) des départements au bloc communal», avec affectation d’une fraction d’impôt national en complément. Le rapport prévoit, en effet, qu’en plus de la part départementale de taxe foncière sur le bâti, le bloc communal se verrait affecter une part de TVA ou de la CSG représentant 9,2 milliards d’euros.
Le gouvernement propose
Lors de la réunion de l’instance de dialogue de la conférence nationale des territoires du 4 juillet, le gouvernement a proposé aux représentants des associations d’élus présentes de transférer au bloc communal la TFPB départementale pour compenser la suppression de la perte du produit de la taxe d’habitation. En échange, les départements recevraient «une fraction d’impôt national», suggère Matignon. A priori, si cette mesure est adoptée, une longue négociation se prépare pour savoir qui en bénéficiera et quel impôt national pourra compléter le dispositif. Les départements peuvent faire une croix sur leur part de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB).
Olivier Dussopt, secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Action et des comptes publics, a indiqué aux participants que «le transfert de la taxe foncière des propriétés bâties aux seules communes à la préférence du gouvernement». Nicolas Portier, délégué général de l’Assemblée des communautés de France, précise : «la piste présentée par Olivier Dussopt est celle d’une redescente de la TFPB des départements vers les communes. C’est celle qui semble retenue par Bercy, dans un souci de simplicité. Il n’y aurait donc pas de partage au prorata des produits de taxe d’habitation, comme on le demandait. Mais nous ne sommes pas d’accord entre nous, et il n’y a pas eu d’arbitrage du Premier ministre sur ce point».
Un partage complexe
Et même si Matignon évoque une redescente de la TFPB départementale aux seules communes, les élus considèrent que plusieurs scénarios de répartition de la taxe au sein du bloc communal sont encore possible. «On ne sait pas encore si le transfert de cette taxe sera tout à la commune ou aussi une partie à l’intercommunalité», indique ainsi Philippe Laurent, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale.
Le gouvernement précise que le partage de la TFPB entre communes et intercommunalité est jugé plus complexe que le seul transfert au niveau communal. Pour cela, «il faudrait créer deux fonds de garanties différents basés sur celui déjà existant après la suppression de la taxe professionnelle, et qui a très mal vieilli», souligne le gouvernement. «De plus, la ventilation au prorata poserait de grosses difficultés pour les intercommunalités à cheval sur deux départements, et introduirait des distorsions dans les ressources entre collectivités.»
Révision des valeurs locatives
Enfin, les associations d’élus exigent que la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation doit impérativement avoir lieu. Le rapport Richard-Bur le préconise également, mais les élus doutent de la volonté de l’exécutif de s’engager dans ce chantier. Charles-Eric Lemaignen insiste pour que l’on ne «change pas de méthodologie», celle retenue dans le cadre de l’expérimentation menée à bien pour les locaux professionnels et initiée dans cinq départements pour les locaux d’habitation étant «la seule possible».
Pour rappel : une révision des valeurs locatives cadastrales, dont le mode de calcul reste inchangé depuis les années 1970. «Elles devaient être révisées tous les trois ans, mais elles ne l’ont jamais été pour les locaux d’habitation sauf une actualisation en 1978». Elles sont donc aujourd’hui obsolètes et entraînent une imposition inégale des biens immobiliers, parfois au sein de la même commune.
La taxe foncière non bâtie est calculée sur la même base que la taxe d’habitation, avec un abattement de 50 % sur la valeur locative perçus chaque année par les collectivités territoriales. Elle concerne toutes les personnes qui sont propriétaires d’un bien immobilier bâti au 1er janvier de l’année d’imposition. C’est pour cette raison que la révision des valeurs locatives paraît indispensable et nécessaire, afin de remettre tout à niveau pour un calcul au plus juste. Mais le gouvernement ne semble pas «d’attaque» à vouloir réformer ces valeurs locatives.