Retour à la version initiale pour le titre I du PJLEgalim
De retour à l’Assemblée nationale, le titre I dédié au
relations commerciales du projet de loi Egalim a été enrichi grâce à l’ajout d’amendements permettant un retour au texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.
Après le «toilettage» assumé des sénateurs du projet de loi Egalim, fin juin, et l’échec de la conciliation entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire (CMP), le 10 juillet, les députés de la Commission des affaires économiques ont eu l’opportunité d’examiner de nouveau le projet de loi Agriculture et alimentation.
Et, preuve de leur détermination, 506 amendements ont été déposés, mais la règle de l’entonnoir veut que le débat parlementaire se restreigne au fur et à mesure des lectures, sur les points de désaccord, tandis que les articles adoptés en termes identiques sont exclus de la navette. Ainsi, seuls 387 ont été examinés. Loin des quelque 2 400 amendements discutés en première lecture, mais suffisamment pour raviver quelques débats au sein d’une commission considérablement clairsemée.
Indicateurs de coûts de production
Le premier écueil de la CMP a été la gouvernance des indicateurs de coûts de production et de prix de marché, et l’implication ou non de l’Observatoire de la formation des prix et des marges (l’OFPM). Finalement, les députés de la Commission des affaires économiques ont adopté un amendement du rapporteur, qui revient sur l’alinéa 14 de l’article premier du projet de loi Egalim, qui prévoyait qu’à défaut d’accord en interprofessions, l’OFPM proposera ou validera ces indicateurs.
Jean-Baptiste Moreau a répété inlassablement la nécessité d’un «consensus interprofessionnel» pour que ces indicateurs soient réellement utilisés et s’est farouchement opposé à «toute validation publique» de ceux-ci. Pour compléter le dispositif, il est prévu dans l’article 5 quater, que l’OFPM puisse être saisi par le médiateur ou interprofession pour donner un avis sur ces indicateurs.
Pas de dérogation pour le vin
A la demande du gouvernement, les députés de la Commission des affaires économiques ont supprimé l’exclusion du secteur vitivinicole du champ de la réforme de la contractualisation ; cette exclusion avait été introduite par le Sénat. Toutefois, Stéphane Travert a souhaité «rassurer», en proposant que «les interprofessions puissent préciser et compléter les clauses prévues par les dispositions de la loi». En effet, dans son exposé des motifs, il explique que «le projet de loi établit un socle de base, commun à toutes les filières, en consolidant des outils que chaque secteur peut décliner et compléter».
La facturation transférée aux OP
Alors que le Sénat l’avait supprimée, la délégation systématique de la facturation aux organisations de producteurs (OP) ou à leurs associations (AOP) - pour les agriculteurs adhérents à ces OP - a été réintroduite par les députés de la Commission des affaires économiques. L’objectif est que «les OP aient un vrai rôle et qu’elles ne soient pas juste une boîte aux lettres», explique le rapporteur.
Son nouvel amendement prévoit toutefois plus de flexibilité que le texte voté en première lecture par l’Assemblée nationale. En effet, il est prévu que «lorsque les membres de cette organisation ou de cette association, réunis en assemblée générale le décident, cette facturation peut être déléguée à un tiers ou à l’acheteur».
Le statut de la coopération sera réformé
Les travaux du Sénat auront au moins permis de préciser le champ d’habilitation de l’ordonnance de la réforme du statut de la coopération. En effet, le rapporteur Jean-Baptiste Moreau s’est basé sur une proposition émise par les sénateurs en CMP, pour «intégrer plus finement les intentions du gouvernement». Une critique récurrente de cette habilitation à légiférer par ordonnance était le manque de précision de son contenu qui demeurait assez évasif. Le rapporteur, avec avis favorable du gouvernement, a ainsi trouvé un compromis.
Prix des produits agro-alimentaires
Les députés ont supprimé les clauses de révision automatique des prix des produits agro-alimentaires en fonction des fluctuations des cours des matières premières agricoles, tel que cela avait été introduit par les sénateurs. Jean-Baptiste Moreau déplore une «fausse bonne idée», qui conduira à «un durcissement des négociations en amont». En réponse au député LR Jérôme Nury, qui a déploré la suppression d’une disposition qui protégeait, selon lui, les producteurs, le rapporteur rétorque que l’«on ne protège en aucun cas les producteurs», car ces amendements ont été «apportés par l’industrie de la charcuterie et l’industrie des pâtes alimentaires».
Recours au juge des référés : pas de saisine
Les députés de la Commission des affaires économiques ont rejeté l’amendement qui proposait d’instituer le recours au juge des référés par le médiateur des relations commerciales en l’absence d’un accord entre les parties. Il prévoyait un tel recours lorsque la médiation en matière d’accord cadre ou de clause de renégociation n’a pas abouti. Pour Jean-Baptiste Moreau, la possible saisine du juge par le ministre de l’Economie est déjà une dissuasion «nucléaire».
Le député Arnaud Viala craint du coup «l’embouteillage» à Bercy, et a objecté à Stéphane Travert que, dans de nombreux domaines, le médiateur est là comme premier filtre et que son pouvoir de saisir le juge est dissuasif et renforce ses moyens d’arbitrer. Pour rappel, depuis son passage au Sénat, le projet de loi prévoit que les différentes parties du litige pourront saisir le juge des référés en cas d’échec de la médiation. Les sénateurs avaient renoncé à accorder ce pouvoir au médiateur.
En revanche, «nous avons ouvert la possibilité pour le médiateur de se saisir lui-même les dossiers qu’il estime conflictuels où il existe une situation de rapports de forces problématiques. Et je reprécise qu’on autorisera le ‘name and shame’ de façon systématique», a ajouté Jean-Baptiste Moreau. Le médiateur pourra ainsi «dénoncer des comportements d’une des deux parties qui viennent en désaccord avec l’esprit et les textes de loi».
Clauses de retard de livraison
La Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a supprimé une disposition prévue dans le projet de loi Egalim, qui prévoyait de sanctionner d’une amende administrative le fait, pour un acheteur, d’imposer des clauses de retard de livraison supérieures à 2 % de la valeur des produits livrés. «Une telle disposition pose des difficultés juridiques. Il va de soi que la DGCCRF reste très vigilante quant à la mise en œuvre de telles clauses», a justifié le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert. Le gouvernement «saisira très prochainement la Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) pour lui demander d’établir, avant la fin de l’année, des recommandations», a précisé le ministre.
Les députés ont également réhabilité le gouvernement à agir par ordonnances concernant le relèvement du seuil de revente à perte et d’encadrement des promotions que les sénateurs avaient voulu inscrire dans le «dur de la loi».