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Revenu agricole : les écarts se creusent entre les champs et les prairies

Selon l’Insee, le revenu agricole par actif progresserait de 4,3% en 2012.Une évolution qui masque de profondes disparités.

© AAP

En apparence, la situation est bonne. Le revenu 2012 s’inscrit à la hausse, pour la troisième année consécutive, avec une progression moyenne de 4% du résultat courant avant impôts des exploitations agricoles. La réalité est bien plus contrastée. Si les producteurs de grandes cultures voient leur revenu augmenter de 46%, les éleveurs de bovins voient le leur baisser de 9% pour la production de viande ou de 12% pour la production de lait. Les viticulteurs voient, eux, leur revenu s’effondrer de près de 50% (cependant, les comptes officiels de l’agriculture évaluent mal le revenu des viticulteurs en raison du phénomène des stocks). Les producteurs d’ovins sont eux aussi à la peine (-20%).
De plus, ces trois années de hausse succèdent à un déplorable millésime 2009 durant lequel le résultat des exploitations s’était effondré en moyenne de 30%. Le résultat des exploitants y avait atteint le minimum de 14 200 euros en moyenne ; il est depuis remonté à 31 000 en 2010, 34 600 en 2011 et 36 500 en 2012.

2,1% depuis 1990
Les données sur le long terme n’appellent pas davantage à l’optimisme. Comparée à 1990, la moyenne triennale 2012 (soit 2010, 2011, 2012) n’est en progression que de 2,1% pour l’ensemble des agriculteurs, 3,6% pour les grandes cultures et 2,5% pour l’élevage. Pas de quoi pavoiser. Les revenus de l’année 2012 reflètent, en fait, l’impact de la volatilité des prix avec une tendance à la hausse de ceux des productions végétales. Les prix des céréales ont augmenté d’environ 18% et ceux des oléagineux ont grimpé de 12% Largement de quoi compenser les coûts des facteurs de production même si les produits pétroliers se sont inscrits à la hausse. En revanche, cet effet s’est traduit par un effet ciseau négatif pour les éleveurs.
Le coût des aliments pour animaux a progressé de l’ordre de 17,5% sur l’année et de 25% sur deux ans. Face à cela, ni les producteurs de viande bovine ni les producteurs de lait n’ont été en mesure d’obtenir une répercussion de leurs coûts de production auprès des industriels ou des distributeurs.
Les producteurs de porcs ou de volailles ont été plus heureux. Les premiers ont vu le prix de marché progresser de l’ordre de 20%, les seconds ont réussi, via les industriels, à faire passer des hausses auprès des grandes surfaces. La Fnsea constatait, le 13 décembre, que les négociations avec les GMS se déroulaient bon an mal an pour les produits avicoles alors qu’elles lui apparaissaient bloquées concernant les viandes bovines et porcines.

Triple enjeu
De fait, la problématique des revenus agricoles se rapporte à l’ensemble des enjeux d’aujourd’hui. Les relations entre grandes enseignes de distribution et les fournisseurs d’une part. Pour que les revenus augmentent, il faut que les prix agricoles puissent augmenter, et que les grandes surfaces acceptent de les répercuter.
Deuxième enjeu, celui de la réforme de la PAC. Les 13 et 14 février, un séminaire de la Fnsea et des JA devrait définir ce que le syndicalisme majoritaire demande dans ce cas, notamment sur la convergence des aides européennes. Face au projet de Stéphane Le Foll de donner une surprime aux 50 premiers hectares des exploitations, «on demande à voir», affirme Xavier Beulin qui prévient: «Il ne faut pas faire rêver certains en mettant en péril les autres».
Troisième enjeu, enfin, la solidarité céréaliers-éleveurs. Le fonds de modernisation des élevages annoncé par les céréaliers est en cours de constitution. «Il faut le renforcer», lance Xavier Beulin. Les cotisations ne commenceront à être perçues qu’à partir de mai 2013, lorsqu’on saura précisément les niveaux de récolte de chaque exploitation. Le président de la Fnsea a demandé au ministre de l’Agriculture de «mouiller sa chemise» sur ce point, cette cotisation n’étant pas une CVO (cotisation volontaire obligatoire agréée par le gouvernement).
Comme on le voit, derrière la progression affichée du revenu des agriculteurs, bon nombre de problèmes se concentrent. Il est manifestement aussi difficile de commenter une hausse de revenu agricole qu’une baisse.

REACTIONS

Fnsea : «les dégâts de la volatilité». La centrale syndicale rappelle qu'en 2009, «le revenu de la ferme «France» enregistrait une baisse supérieure à 30 % ; les revenus chutaient dramatiquement de plus de 40 % en élevage laitier, en arboriculture fruitière et en grandes cultures». La Fnsea estime que «ces variations extrêmes traduisent la volatilité des prix qui s'est installée dans le paysage agricole depuis 2006, depuis que la PAC ne joue plus son rôle de régulateur et abandonne ses instruments de gestion de marchés, depuis que l'Europe concède à tour de bras dans les négociations internationales». Le syndicat attend donc «des gouvernants européens qu'ils se fixent comme priorité absolue de réinstaurer des outils de régulation dans la prochaine PAC, comme au niveau mondial conformément aux engagements du G20».

Orama : une opportunité pour investir : pour Philippe Pinta, président d'Orama (syndicat des producteurs de grandes cultures), «la progression des revenus est une opportunité pour investir pour produire plus et produire mieux, libérer la productivité, mettre en place un mécanisme de lissage des revenus face aux aléas».

FNB : toujours dans le marasme. «À nouveau au plus bas de l'échelle des revenus en 2012, les éleveurs de bovins à viande ne parviennent toujours pas à émerger du marasme», regrette la Fédération nationale bovine (FNB). Elle demande que soient «renforcées les mesures de régulation des filières et de gestion des aléas économiques».

La FNP ne se réjouit pas. «Etranglés entre un cours du porc qui ne cesse de dégringoler et a perdu plus de 30 cts/kg depuis la fin de l’été, et cette flambée de l’aliment (ndlr - estimée à 6-7% en moyenne sur l’année, selon la FNP), les éleveurs de porcs s’apprêtent à subir dès fin 2012 un énième et intenable ciseau de prix, qui pourrait fortement réviser à la baisse les perspectives de revenu», indique le communiqué de la Fédération nationale porcine.

Stéphane Le Foll : «les crédits Pac doivent être rééquilibrés». Le ministre de l'Agriculture a pris acte, le 12 décembre, «de cette évolution et des disparités historiquement marquées entre filières». Selon Stéphane Le Foll, «Ces résultats me confortent dans l'idée que la répartition des crédits de la PAC doit être rééquilibrée en faveur des filières d'élevage. Ils soulignent la nécessité de mettre en place des dispositifs de lissage de la volatilité des cours des matières premières».

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