Sitpa de Rosières-en-Santerre : les producteurs Mousline® dans la purée ?
Ce mardi 28 novembre avait lieu l’AG du GPS (Groupement de producteurs de la Sitpa). L’occasion de témoigner des désaccords qui règnent entre les agriculteurs et l’usine de production de purée en flocons.
Il y a six ans, 22 000 tonnes de matière sèche de pommes de terre du Santerre entraient à la Sitpa (Société industrielle de transformation de produits agricoles) de Rosières-en-Santerre, pour être transformées en purée en flocons Mousline®, du groupe Nestlé. En 2017, le volume est passé à 16 150 tonnes de matière sèche. «La Sitpa nous fait souscrire de moins en moins de tonnages, grogne Vincent Boisseau, président du GPS. Avant, nous fournissions 80 % des besoins de l’usine. Aujourd’hui, nos pommes de terre ne représentent que 60 % de ces besoins.» L’explication serait, selon le GPS, la suivante : l’usine produit de moins en moins de purée, et, parallèlement, elle a de plus en plus recours aux écarts de tri du marché de frais (soit les pommes de terre qui présentent des défauts de calibre et d’aspect), moins coûteux, et au marché libre.
Et les baisses de volume ne sont pas la seule ombre au tableau des producteurs samariens. Un compromis avait été trouvé entre les deux entités pour les récoltes 2014, 2015 et 2016. Mais aucun n’était parvenu à trouver un terrain d’entente en 2017. Les discussions pour 2018 sont en cours, mais les échanges sont tendus. «L’usine veut aussi durcir sa prime de qualité et réduire les prix d’achat de pommes de terre. Sur ce dernier point, nous ne voulons pas céder», ajoute Vincent Boisseau.
A cela s’ajoute les contraintes de production. Une récolte 2016 peu satisfaisante en termes de volume de pommes de terre, heureusement compensée par une qualité en matière sèche élevée (taux de 22,80 % pour les Bintje, 24,80 % pour les Fontane et 25 % pour les Asterix). «Cette année, en revanche, ils sont beaucoup moins bons, à cause des conditions climatiques, avec 20,95 % pour les Bintje 22,95 % pour les Fontane et 23,36 % pour les Asterix.» (voir graphique).
Résultat : le groupement est passé de 320 producteurs il y a une quinzaine d’années à 169 aujourd’hui. «Certains sont démotivés et vendent ailleurs, mais ce chiffre s’explique aussi par la disparition progressive des agriculteurs et par les regroupements d’exploitation», tempère Vincent Boisseau.
Marché tendu
Jean-Pierre Mogavero, responsable des achats de pommes de terre pour la Sitpa, assure pourtant qu’il souhaite poursuivre le «partenariat» avec les producteurs locaux, qui correspond à 70 % en moyenne des achats de pommes de terre, et que la volonté est de préserver ce ratio. Mais, pour l’usine, la baisse du volume s’explique par le contexte difficile du marché de la purée en flocons. «Mousline® représente toujours 75 à 78 % de la part de marché, assure Jean-Yves Matton, directeur du site. Seulement, le gâteau ne cesse de diminuer.» Entre 2015 et 2017, les quantités achetées pour cent ménages sont en baisse de 9 % du fait d’une baisse de la fréquence d’achat et des quantités achetées par acte. Pour ces mêmes cent ménages, les sommes dépensées sont également en baisse, malgré la hausse des prix moyens.
Ainsi, alors que l’usine picarde a une capacité de production de 30 000 tonnes de flocons, elle ne produisait que 23 367 t en 2012 et 21 127 t en 2017. Elle était même descendue à 19 856 t en 2016, «mais un contrat décroché avec le Chili et l’Argentine nous a permis de récupérer un marché». Pas de quoi se réjouir trop vite, puisque la Sitpa prévoit de ne sortir que 19 670 t en 2018, «à cause d’une perte de volume vendu à l’industrie». La marque doit aussi subir le phénomène saisonnier de la consommation de purée, dont les gourmands sont plutôt friands en hiver. «L’été, nous sommes contraints d’arrêter la production pendant quatre semaines.»
Des nouvelles recettes
Mousline® a cependant encore des idées pour améliorer sa compétitivité et séduire les consommateurs. «Nous voulons renforcer la pression promotionnelle, avec une campagne vidéo.» Des consommateurs ont été invités à visiter l’usine et à fabriquer eux-mêmes la purée. Objectif : rassurer et valoriser le produit.
Pour conquérir de nouveaux clients, une nouvelle gamme de trois purées a aussi fait son apparition dans les rayons des grandes surfaces en 2017 : lentilles curry doux, trois céréales et céréales, potiron et pommes de terre. Une nouvelle recette, tenue secrète, devrait débarquer en 2018.
La Sitpa s’intéresse à la conservation des sols
La Sitpa de Rosières-en-Santerre est inscrite dans une démarche préférence qui fixe la priorité d'une bonne qualité de sol. Dans ce contexte, le groupe Nestlé a récemment signé un partenariat avec The Forest Trust (TFT), une association internationale à but non lucratif, qui milite tout d’abord contre la déforestation des forêts tropicales. Que vient donc faire cette association dans le Santerre ? «Nous voulons faire avancer la conservation des sols agricoles dans le secteur, explique Fabien Girard, l’un des douze salariés de TFT France (l’association compte trois cents professionnels dans le monde, ndlr).» Faire vivre les sols, inspirer et engager d’autres filières, créer de la valeur et accélérer la transformation sont donc leurs objectifs.
«Beaucoup d’entre nous sont engagés et travaillent depuis des années à la préservation des sols», s’insurgeaient quelques agriculteurs, mardi, qui se sentaient agressés sur leurs pratiques. Mais Fabien Girard s’est voulu rassurant : «Nous n’avons pas l’intention de vous réprimander sur les bonnes ou mauvaises pratiques. Nous partirons d’un état des lieux. Nous voulons surtout vous permettre de valoriser vos bonnes pratiques, qui passent aujourd’hui inaperçues malgré vos efforts.» Une réunion d’information est prévue le 23 janvier après-midi, à la salle des fêtes de Rosières-en-Santerre.