Situation des marchés des produits laitiers et perspectives
La Chambre d’agriculture de la Somme organisait, le 25 janvier, une journée de l’élevage laitier. En invité, Gérard You, de l’Institut de l’élevage.
La collecte laitière repart à la hausse en France. Est-ce vrai sur l’ensemble du territoire ?
La collecte du lait s’est rétablie à l’automne 2016 avant d’enregistrer de nouvelles baisses, puis des hausses à partir de 2017, mais elle reste éloignée de son bon niveau de 2015. D’une part, car bien que les quotas laitiers aient disparu, les transformateurs ont contenu la production de lait en l’encadrant par les contrats qu’ils ont fait avec les éleveurs.
D’autre part, parce le prix du lait n’était pas au rendez-vous, et la crise a frappé fortement la filière. Cela a provoqué un reflux, au départ, de la production laitière, contrairement à ce qui se passait dans les autres pays européens. La reprise de la production laitière en France s’est donc faite tardivement.
Si l’on regarde dans le détail, la collecte laitière en France est restée stable dans le Grand Ouest, et s’est stabilisée dans le Grand Est et le Nord-Picardie. En revanche, de fortes baisses ont été enregistrées en Poitou-Charentes, en Auvergne-Limousin et dans le Sud-Ouest, ainsi qu’en Normandie et dans le Sud-Est, mais dans une moindre mesure pour ces deux derniers bassins de collecte.
Les baisses enregistrées précédemment et la reprise timide sont-elles concomitantes avec une baisse du cheptel ?
A l’échelle nationale, on enregistre une érosion du cheptel laitier. Au 1er décembre 2017, le cheptel comptait 1 % de vaches laitières en moins qu’en 2016 (- 37 900 têtes contre 13 000 au 1er septembre). Il y a eu moins de génisses qui sont entrées en production et il y a eu plus de vaches de réforme. A priori, ce phénomène s’explique plus par une logique d’adaptation que de décapitalisation. Dans les Hauts-de-France, la décapitalisation se poursuit, mais pas dans toutes les zones. On n’est pas encore dans le rouge dans cette région, mais le signal est passé à l’orange.
Dans ce contexte de reprise timide, les fabrications françaises en font-elles autant ?
Le redressement timide de la collecte française s’accompagne, en effet, d’une reprise des fabrications de laits liquides (8 % en octobre 2017 par rapport à octobre 2016) et de produits frais tels que les fromages, les yaourts et les crèmes. On enregistre également une reprise timide de la fabrication de beurre. Seule celle de la poudre maigre affiche une baisse (chute de 10 % en octobre 2017 par rapport à octobre 2016).
La consommation de ces produits suit-elle la même courbe ?
Non, elle est plutôt morose, et ce, dans toutes les familles de produits, hormis pour les fromages. La consommation étant mature en France, il faut donc créer de nouveaux produits. Une fois cela dit, les Français consomment moins de produits laitiers. Ce n’est pas nouveau par rapport aux laits liquides, mais on enregistre cependant une accélération. Un même déclin est relevé pour les yaourts et les desserts frais depuis 2010 alors que le prix moyen de ces produits a baissé. Cette baisse des consommations s’explique par l’évolution des pratiques alimentaires et l’apparition de nouveaux comportements alimentaires, notamment avec la montée des flexitariens et des végétariens, ainsi que l’incidence des controverses autour du bien-être animal.
Quel est le niveau des exportations françaises ?
Les exportations se sont redressées au second trimestre 2017, portées par les fromages, les poudres grasses et infantiles. Grâce à la valorisation des produits, elles ont progressé de 8 % par rapport à 2016 en valeur, à 5,9 milliards d’euros sur dix mois, dont 2,4 milliards d’euros vers les pays tiers (+ 19 %). Mais les importations de produits laitiers ont aussi augmenté, principalement sous forme de beurre, de crème et de fromages, de poudres grasses et de lactosérum. Tous produits laitiers confondus, les importations ont bondi de 21 % par rapport à 2016, à 3,2 milliards d’euros. Si, au final, le commerce extérieur de la France en produits laitiers affiche un excédent de 2,68 milliards d’euros, le solde commercial laitier français a reculé de 4 % par rapport à 2016.
Qu’en est-il des exportations à l’échelle européenne ?
Les exportations européennes ont bondi en 2017, grâce à la reprise de la demande mondiale et du manque d’offre de la Nouvelle-Zélande. Les exportations de poudre maigre ont augmenté de 39 % par rapport à celles de 2016, et les expéditions de fromages se sont renforcées (+ 4 %) en onze mois. Une fois cela dit, face à la croissance de la collecte européenne, la demande européenne reste insuffisante pour absorber le surplus stocké en 2015 et 2016, notamment celui de la poudre maigre.
Le marché mondial peut-il représenter des débouchés ?
Le marché mondial est plus animé depuis la fin de l’année 2017. Les échanges de poudre maigre sont toujours élevés, ceux de lactosérum et de fromages progressent aussi. En revanche, ils baissent pour les poudres grasses et pour le beurre, faute de disponibilités de ce dernier dans les grands bassins exportateurs. Le marché 2018 devrait progresser, mais rien ne dit qu’il absorbera toute la production de lait.
Quelles sont les perspectives ?
La production européenne devrait continuer à progresser d’ici 2020, mais elle n’augmentera pas plus vite qu’entre 2008 et 2014. Il pourrait en être de même en France, mais cela dépendra des transformateurs. Dans tous les cas, après un bond de production, il devrait y avoir un tassement. La question est : quelle sera la capacité des marchés européen et mondial - soumis à l’instabilité et à la volatilité des prix avec la libéralisation de la production laitière - à absorber celle-ci ? Il y a des perspectives et des opportunités en termes de débouchés et de croissance de production, mais également des risques.