Société civile immobilière : IR ou IS ?
Les intérêts de créer une société civile immobilière (SCI) sont multiples et variés selon les situations. Si le côté juridique est relativement simple, celui de la fiscalité est plus complexe.
La société civile immobilière est composée de deux associés au minimum. Les associés peuvent être des personnes morales comme des personnes physiques. Elle a au moins deux avantages : celui de permettre à plusieurs personnes de réaliser ensemble des placements immobiliers qu’elles ne pourraient entreprendre isolément et, aussi, éviter le démembrement d’un patrimoine foncier lorsque la personne vient à décéder en laissant plusieurs héritiers.
Certains cherchent à anticiper la transmission de leur patrimoine, d’autres se préoccupent de protéger leur concubin en cas de décès. Toute latitude est bonne pour créer une SCI, mais une réflexion s’impose du côté juridique, mais aussi du côté fiscal. Si la SCI offre de la souplesse et de la sécurité dans la détention de l’immeuble sur le plan juridique et économique, sur le plan fiscal, il faut faire un choix entre deux régimes d’imposition, l’IR (impôt sur le revenu) ou l’IS (impôt sur les sociétés).
SCI à l’IR
Dotée de la personnalité morale, la SCI est fiscalement translucide, ce qui signifie que ce sont les associés qui sont imposables à l’impôt sur le revenu suivant le barème progressif de l’impôt dans la catégorie des revenus fonciers. Chaque associé est tenu en proportion de ses parts. L’imposition suivant le régime de l’impôt sur le revenu est de plein droit.
Si le revenu de la SCI est positif, la quote-part de revenus obtenue pour chaque associé est taxable à l’impôt sur le revenu et s’ajoute au revenu global, même si le revenu revenant à l’associé n’est pas distribué.
S’il est déficitaire, la quote-part du déficit peut être imputée sur le revenu global, hors déficits provenant des intérêts d’emprunt, dans la limite de 10 700 € par an. L’excédent est alors reportable sur les revenus fonciers à venir sur une période de dix ans.
Prenons l’exemple d’une SCI qui acquiert des locaux qu’elle loue à une SARL. Evidemment, l’imposition se fera sur les loyers perçus, desquels seront déduits les intérêts d’emprunt, les frais de constitution de garantie (hypothèques…), les frais d’entretien et de réparation, les frais de gestion, les taxes foncières et les primes d’assurances. Les frais d’acquisition (frais de notaire) ne sont pas déductibles. L’immeuble ne peut pas être amorti.
Ces revenus sont taxables aux prélèvements sociaux de 17,20 %, auquel s’ajoute l’impôt sur le revenu. Ainsi, pour une imposition dans une tranche allant de 30 à 45 %, l’imposition s’élèvera de 47,20 à 62,20 %... la charge s’avère très lourde à titre personnel pour les associés. Bien souvent, il paiera un impôt sur un revenu dont il n’a pas la disposition, s’il doit rembourser un prêt, la trésorerie de la SCI allant à la banque. En revanche, en cas de vente de l’immeuble, les associés ne seront pas taxables à l’impôt sur le revenu si le bien est vendu après vingt-deux ans de détention et de relèvements sociaux ou si le bien est vendu après trente ans de détention.
SCI à l’IS
Il existe une autre possibilité, celle d’opter pour l’impôt sur les sociétés. Attention, c’est une option irrévocable. Dans ce cas, la société civile immobilière perd sa transparence. Dès lors, la SCI prend fiscalement son indépendance et subit sa propre imposition. L’imposition est au taux de 15 % jusqu’à 38 120 € de bénéfice et à 28 % au-delà (depuis le 1er janvier 2018, auparavant le taux était de
33,33 %). Le taux va baisser progressivement pour atteindre 25 % en 2022.
Dans une SCI à l’IS, les associés sont protégés de l’imposition de leurs propres revenus, et ils ne seront taxés qu’en cas de distribution, c’est-à-dire sur des sommes dont ils ont réellement la disposition. Si la société décide de distribuer une partie du résultat, les dividendes perçus seront imposés dans les revenus mobiliers à l’impôt sur le revenu avec les prélèvements sociaux correspondants.
En ce qui concerne les charges déductibles, on peut énumérer : les frais d’acquisition liés à l’acquisition, les dépenses de réparation, les frais de dossiers d’emprunt, de constitution des garanties, les primes d’assurance, la rémunération du gérant, les honoraires du notaire ou encore la commission d’un agent immobilier qui serait intervenu dans la vente.
Avantage indéniable par rapport au schéma classique des revenus fonciers, pour les SCI à l’IS, l’immeuble est amortissable. Ce qui signifie que l’on peut déduire chaque année de ses bénéfices une partie de la valeur de l’immeuble. Les amortissements vont venir diminuer le résultat fiscal de la société, ce qui permettra d’avoir une imposition très «basse» les premières années. Quant à la durée d’amortissement, elle varie de vingt à quarante ans suivant la nature des locaux. Toutefois, il faut rappeler que les terrains construits ou pas ne sont pas amortissables. Avantage supplémentaire : en cas de construction ou d’agrandissement, les travaux pourront être amortis, ce qui est impossible dans le régime des revenus fonciers.
Si l’imposition sur les recettes peut être avantageuse, il faut savoir que le régime de taxation des plus-values immobilières est beaucoup moins intéressant. En cas de vente de l’immeuble, la plus-value (différence entre le prix de vente et la valeur résiduelle comptable après amortissement) ne pourra pas bénéficier de l’exonération pour une durée de détention de vingt-deux ou trente ans.
REACTION de Bertrand Delpouve, expert en cession d’entreprises et patrimoine au Cerfrance Somme
«Comme pour tout investissement en commun, il est nécessaire de bien choisir les associés»
Quel est l’intérêt de l’IS pour une SCI ?
L’IS pour l’investissement immobilier est un choix gagnant si le bien est destiné à être conservé. Si l’activité n’est pas commerciale (loueur en meublé), la SCI est un véhicule juridique opportun.
La SCI offre deux possibilités pour l’option fiscale : IR ou IS. La fiscalité de la SCI à l’IR est celle des revenus fonciers, avec des revenus qui seront soumis aux prélèvements sociaux (17,2%), puis à l’impôt sur le revenu. La SCI à l’IS verra les avantages de cette fiscalité pendant la phase de croisière, sans prélèvement sociaux en l’absence de distribution.
L’amortissement comptable et fiscal du bien immobilier sur une SCI à l’IS vient accentuer cet avantage.
De plus, l’impôt n’est pas un impôt progressif et sans corrélation avec les revenus des associés. En l’espèce, il génère une aisance accrue pour le remboursement des emprunts, alors qu’il se verra limité dans une fiscalité à l’IR.
S’il est si avantageux, pourquoi n’est-il pas plus pratiqué ?
Ce schéma présente certains inconvénients. Lors de la revente, la plus-value est taxée à l’IS sans aucun dispositif d’abattement tel que le connaît le modèle à l’IR. Mais, il ne s’agit en réalité que de payer «l’impôt non payé» pendant l’amortissement. L’effet coercitif est que, pour récupérer les capitaux, la SCI devra distribuer les revenus qui seront alors assujettis à la CSG/CRDS, puis à l’impôt sur le revenu, l’imposition évitée pendant la phase de croisière s’avère payée in fine, avec le frottement complémentaire de l’IS.
Dans quel cas l’IS reste-t-il favorable ?
En cas de réinvestissement des fonds disponibles dans un autre bien immobilier, ou alors dans la conservation du bien lui-même pendant une période longue. Pour que l’IS soit favorable, il faut voir l’outil comme la possibilité de constituer une épargne retraite, et distribuer la trésorerie capitalisée à un moment ou l’investisseur verra sa fiscalité diminuer, soit potentiellement à la retraite. De plus, c’est à ce moment précis que le contribuable verra ses besoins augmenter, et donc la distribution des résultats de la SCI s’en verront les bienvenus. Le cas échéant, il pourra être un complément de revenus pour les enfants, détachés du foyer fiscal qui auraient des besoins pour financer leurs études par exemple, de telles organisations sont en effet envisageables.
Quels sont les pièges à éviter ?
Comme pour tout investissement en commun, il est nécessaire de bien choisir les associés qui ont des objectifs communs. Si la fiscalité personnelle est un point majeur de la décision, il est plus sage de rester dans un investissement familial, voire du foyer fiscal. La décision de distribution ne doit pas être un sujet de discorde entre les associés. Le choix du bien immobilier est essentiel car, comme vous l’aurez compris, il aura pour destination à rester dans le giron familial pendant de nombreuses décennies.
Propos recueillis par S. L.