Solidarité : Patrick Maurin marche pour le monde agricole
L’élu municipal de Marmande fera 227 km, du Touquet
à Paris, pour sensibiliser élus et grand public sur le suicide des agriculteurs. La Somme fait partie de ses étapes.
Dimanche 10 février : place de la Mairie, au Touquet. Sac à dos sur les épaules, béret vissé sur la tête, bâton de pèlerin à la main, grosse parka rouge, Patrick Maurin, conseiller municipal sans étiquette, à Marmande, est prêt à tracer la route, en ce mois d’hiver. S’il a choisi Le Touquet comme point de départ, «c’est parce qu’il y a un célèbre monsieur qui habite par là-bas que j’espère pouvoir rencontrer au Salon de l’agriculture, à Paris, et à qui je compte bien remettre un cahier de doléances que je vais faire remplir par les agriculteurs que je rencontrerai en chemin», explique-t-il.
Pas moins de quatorze étapes sont prévues, entre le Touquet et Paris, en passant par le Pas-de-Calais, la Somme et l’Oise notamment, avant d’arriver au Salon international de l’agriculture, le 23 février, sans oublier une halte devant le Sénat, le même jour. Au programme : 15 à 20 km par jour, soit quatre à cinq heures de marche avec des arrêts dans les fermes sur le chemin, puis des rendez-vous en mairie avec le conseil municipal en fin d’après-midi pour sensibiliser davantage les élus sur la problématique du suicide dans le monde agricole et la déshérence du monde rural.
Le gars du Sud-Ouest, âgé de soixante-cinq ans, sait qu’il va devoir affronter le froid et la pluie, mais ce n’est rien à côté de la souffrance qui enserre comme un étau le monde agricole, depuis des décennies. Qu’importe la dureté des conditions, s’il le fait, pour la troisième fois (une première marche en septembre 2016 de Marmande à Paris de 740 km, puis une deuxième en septembre 2018, de Gontaud-de-Nogaret à Sainte-Anne-d’Auray de 540 km), «c’est parce que pratiquement rien n’a bougé au sujet de l’accompagnement des agriculteurs en souffrance et que la ruralité se meurt. Au cours de mes précédentes marches, j’ai été entendu, mais pas écouté. Quand on sait qu’un agriculteur se suicide tous les deux jours, on ne peut pas faire comme si rien ne se passait. Et d’autant, qu’en réalité, il y en a sans doute davantage. Alors, j’ai décidé de reprendre la route», dit Patrick Maurin.
Sensibiliser au mal-être agricole
Sensibilisé au mal-être des agriculteurs, Patrick Maurin, petit-fils d’agriculteurs, l’est depuis une dizaine d’années, lorsque son ami d’enfance, Christian, agriculteur à Gontaud-de-Nogaret, a mis fin à ses jours en décembre 2008. «Dans notre village et aux alentours, une dizaine d’agriculteurs en ont fait autant. Tout cela m’a tellement remué les tripes que j’ai décidé de m’engager pour sensibiliser les politiques et le public au suicide qui sévit dans le monde agricole», confie Patrick Maurin. Comment ? En organisant une marche citoyenne pour aller à la rencontre des agriculteurs dans leurs champs et leurs fermes, échanger avec eux sur ce mal-être et recueillir leurs témoignages pour les transmettre aux politiques afin qu’ils agissent en conséquence.
Mais ses rencontres avec les députés de l’Assemblée nationale, en 2016, n’ont guère porté leurs fruits, selon lui. «Un grand plan de prévention contre le suicide dans le monde agricole a été lancé en 2011. Ensuite, une plateforme a été mise en place, Agri’Ecoute. Et que constate-t-on ? Que les suicides dans le milieu agricole ne font qu’augmenter. A titre d’exemple, en 2016, ce sont plus de sept cents disparitions d’agriculteurs qui ont été recensées, à la suite d’accidents ou de suicides. Or, en discutant avec des médecins légistes, certains m’ont dit que pas mal d’accidents sont, en fait, des suicides. Il faut agir. Il y a urgence à casser le tabou qui entoure cette question», insiste-t-il.
Ses propositions ? Renforcer l’écoute et l’accompagnement des agriculteurs en détresse, mettre tout en œuvre pour que ceux-ci aient une juste rémunération de leur travail - «L’Etat a commencé à se pencher sur le sujet avec la loi Egalim, mais il devra être vigilant pour que les mesures prises soient bien appliquées», commente-t-il -, diminuer les contraintes administratives et rendre moins oppressants les contrôles des exploitations. «S’il y a un message que je veux faire passer dans cette marche citoyenne contre le suicide agricole, c’est que l’on doit tous être solidaires avec nos agriculteurs et les produits français. L’autre message, bien sûr, est d’alerter sur cette question du suicide. Mais tout est lié», conclut-il.
Statistiques
Entre 2007 et 2009, un agriculteur se suicidait tous les deux jours en France, selon une étude épidémiologique de Santé publique France, publiée en 2013. D’autres résultats, publiés en 2017, ont confirmé cette tendance pour les années 2010 et 2011. «La comparaison de la mortalité par suicide des agriculteurs exploitants à celle des hommes du même âge dans la population française montre un excès de suicides de 29 % en 2008, de 22 % en 2009 et de 20 % en 2010», résume cette étude. Par ailleurs, elle souligne que, «pour les hommes exploitants en activité entre 2007 et 2011, le risque de décès par suicide était plus élevé parmi ceux ayant un âge compris entre 45 et 54 ans ou travaillant dans leur exploitation à titre individuel».