Tassement des sols : une étude approfondie pour le limiter
Agro-transfert ressources et territoires travaille au projet
Sol-D’Phy, depuis 2012 et jusqu’en 2018, pour donner les clés d’une gestion durable de la fertilité physique des sols. Point d’étape.
Des pratiques culturales optimisées et des chantiers toujours mieux organisés, pour préserver la fertilité biologique des sols cultivés : c’est l’objet du projet Sol-D’Phy, sur lequel Agro-transfert ressources et territoires travaille depuis 2012. Le 7 novembre, à l’Inra d’Estrées-Mons, Vincent Tomis, Claire Turillon et Annie Duparque, experts du projet, livraient leurs résultats.
Ils sont partis d’un constat. «Les systèmes d’exploitation (cultures industrielles et légumières, épandages fréquents de produits organiques) et le contexte pédo-climatique (sols à dominante limoneuse fragiles, pluviométrie automnale parfois abondante), exposent assez fortement les sols des Hauts-de-France aux risques de tassement.» Les matériels de récolte sont de plus en plus puissants pour gagner en productivité, mais ils sont aussi généralement de plus en plus lourds (charges totales et charges à l’essieu). Les sols subissent donc des dégradations profondes et persistantes, souvent non détectées à court terme.
Un diagnostic régional, fondé sur des enquêtes couplées à des observations de profils de sol en parcelles agricoles, a été réalisé sur près de quarante situations concrètes en Hauts-de-France. Il a permis de mettre en évidence à la fois les problèmes de tassement dans l’horizon labouré, surtout liés à l’implantation des cultures et aux chantiers de récolte, ainsi que des tassements profonds, sous la profondeur actuelle de labour, souvent associés à des systèmes de culture intégrant plusieurs cultures «à risques». Autrement dit, qui impliquent des chantiers lourds en conditions humides.
Plus de tassement, moins de productivité
Plusieurs méthodes ont été présentées pour aider les agriculteurs à prendre conscience de la réalité des tassements (cf. page suivante) : la méthode du profil cultural, la méthode du mini-profil 3D, spécialement développée par les spécialistes du projet, et la méthode bêche.
Les travaux conduits pour l’évaluation des conséquences des tassements ont montré que les tassements profonds, entre 25 et 35 cm de profondeur, pouvaient fortement limiter l’enracinement des cultures, ainsi que leur productivité, en particulier, en cas d’année sèche (2011). Des baisses de rendement de 15 à 30 % ont été observées en pommes de terre, entre des modalités tassées et non tassées. La présence de galeries verticales de vers de terre dans les zones tassées sous le labour permet de limiter l’impact du tassement en favorisant le passage des racines.
L’humidité accroît le risque
Lors des années humides (2012, 2016), les tassements de surface dans l’horizon 0-30 cm, lorsqu’ils n’ont pas été repris par un travail profond du sol, ont été plus pénalisants vis-à-vis de la croissance des cultures que les tassements profonds (sous l’horizon labouré). En 2016, l’excès d’humidité de mai et juin a entraîné une mauvaise infiltration de l’eau et probablement une asphyxie racinaire dans ces zones tassées non régénérées par le travail du sol, avec une baisse de rendement observée, jusqu’à 30 % selon le type de chantier d’implantation de pommes de terre. Lorsqu’un travail profond du sol a été réalisé (labour ou décompactage) pour l’implantation de la culture suivante, l’effet du tassement dans l’horizon labouré a été en partie gommé.
Quelques enseignements…
Des expérimentations ont été conduites pour évaluer l’effet des différents types de chantiers (arrachage betteraves et pommes de terre). Leur but : identifier les marges de manœuvre possibles pour prévenir les risques de tassement en systèmes de grandes cultures. Les mesures d’état physique des sols après les chantiers ont permis de dégager des enseignements. Tout d’abord, la charge par essieu et l’humidité du sol lors de l’intervention semblent déterminer la profondeur du tassement. En conditions d’humidité défavorable, il est alors conseillé de réduire la charge (vider plus régulièrement la trémie), d’anticiper en profitant au maximum des jours qui précèdent, et de faire attention à l’impact des remorques (équipements pneumatiques, ou limiter leur circulation). Ensuite, la répétition des passages de roue a un effet cumulatif sans augmenter la profondeur atteinte par le tassement (le tassement est principalement accentué dans l’horizon labouré). Enfin, l’adaptation des pneumatiques (faible pression de gonflage et pneumatique à grand volume d’air) permet d’augmenter la surface d’empreinte au sol et de limiter le tassement, principalement dans l’horizon labouré. Les pneumatiques semblent, cependant, avoir peu d’effet sur les tassements profonds.
Les résultats acquis ont permis de mettre en évidence la réalité du problème de tassement dans les sols agricoles de la région. Les tassements, en particulier profonds, sont difficiles à corriger mécaniquement et se restructurent lentement sous l’effet des facteurs naturels (climat, biologie). Ils peuvent entraîner des pertes de productivité significatives des cultures, que les aléas climatiques pourraient rendre fréquentes à l’avenir.
Orientation des futurs travaux
Le projet Sol-D’Phy n’est pas terminé. Les futurs travaux consisteront à développer des stratégies de prévention des risques de tassement en raisonnant à l’échelle du système de culture (moyen et long terme), et en tenant compte des préoccupations des intérêts divergents des acteurs des filières de production. La finalité de ces démarches : préserver les sols, en particulier leur potentiel productif à long terme. «En dépendent le revenu de l’agriculteur et la pérennité de certains systèmes de production. D’autres services écosystèmiques, comme la biodiversité fonctionnelle, la lutte contre le ruissellement et l’érosion seront également favorisés», assurent les experts.