UE/Mercosur : un accord polémique pour l’agriculture
L’Union européenne et le Mercosur ont conclu, le 28 juin dernier, l’accord commercial qui devrait permettre d’augmenter drastiquement les échanges commerciaux entre les deux régions. Plus de 90 % des taxes à
l’importation devraient ainsi être supprimées.
Le 28 juin, l’Union européenne et les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) ont définitivement conclu l’accord commercial qui lie les deux groupes de pays. Les négociations autour de cet accord, qui durent depuis plus de vingt ans, avaient très activement repris à Bruxelles depuis le 21 juin. Un dîner s’était tenu le 26 juin entre les ministres des pays du Mercosur et les principaux commissaires européens en charge de ce dossier (Cecilia Malmström, Phil Hogan et Jyrki Katainen).
Cet accord devrait permettre d’augmenter fortement les échanges commerciaux entre l’Europe et le Mercosur. En effet, à terme, 91 % des taxes à l’importation imposées par le Mercosur aux pays européens seront supprimées. A l’inverse, l’Union européenne éliminera 92 % de ces taxes pour les produits en provenance des pays du Mercosur. Pour Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, il s’agit d’une bonne nouvelle pour les entreprises européennes, les travailleurs et l’économie de part et d’autre de l’Atlantique, car cet accord représente une économie de plus de quatre milliards d’euros par an.
Concernant les produits agricoles, plusieurs taxes du Mercosur seront éliminées. Il s’agit de celles sur le vin (27 %), le chocolat (20 %, les spiritueux (20 à 35 %), les biscuits (16 à 18 %), les pêches en conserve (55 %), les boissons gazeuses (20 à 35 %) et les olives. De plus, Jean-Claude Juncker a affirmé que fromages et produits laitiers de l’Union européenne devraient bénéficier de larges quotas sans taxe. De son côté, l’Union européenne ouvre largement son marché aux produits en provenance des pays du Mercosur. Il s’agit d’ailleurs de sa concession la plus lourde.
Un quota de 99 000 t de viande bovine
Le texte prévoit donc qu’un quota annuel de 99 000 tonnes de viande bovine bénéficie d’un taux préférentiel à 7,5 % de taxes. Il prévoit aussi un quota supplémentaire de 180 000 tonnes pour le sucre, et un autre de 100 000 tonnes pour les volailles. Le Mercosur s’engage à protéger 357 «indications géographiques» européennes comme le jambon de Parme, le champagne, le porto ou le whisky irlandais. L’Union européenne protégera également certaines appellations d’Amérique du Sud comme la cachaça brésilienne ou le vin argentin de Mendoza.
Dans l’industrie, les droits de douane du Mercosur seront progressivement éliminés sur les voitures (35 %), les pièces détachées (14 à 18 %), les équipements industriels (14 à 20 %), la chimie (jusqu’à 18 %), l’habillement (jusqu’à 35 %) ou les produits pharmaceutiques (jusqu’à 14 %). De plus, l’accord comprend un «mécanisme de sauvegarde», qui autorise l’Union européenne et le Mercosur à imposer des mesures temporaires, pour réglementer les importations en cas d’augmentation inattendue et significative susceptible «de causer un préjudice grave à leur industrie», des garanties qui s’appliquent aux produits agricoles.
La Commission a tenu à rassurer, en soulignant que l’accord respectait les normes les plus élevées en matière de sécurité alimentaire et de protection des consommateurs, ainsi que le principe de précaution, qui contient des engagements spécifiques en matière de droits du travail et de protection de l’environnement, y compris la mise en œuvre de l’accord de Paris sur le climat. Pourtant, de nombreuses voix, en provenance d’ONG, de la société civile et du monde agricole se sont élevées pour dénoncer un accord qui va à l’encontre des règles sociales, climatiques, environnementales etc., appliquées dans les pays de l’Union européenne.
Un accord «très déséquilibré»
Pour Christiane Lambert, présidente de la FNSEA, cet accord est «très déséquilibré». Si un certain nombre d’acteurs peuvent se réjouir, comme les secteurs de l’automobile, de l’industrie des pièces détachées, de la chimie, le monde agricole sort perdant de ces négociations. «Si l’on nous vante une ouverture sur certains produits, le vin, les spiritueux, les olives, les pêches en conserve, les fromages, les quotas n’ont rien à voir avec ce qui a été concédé aux pays du Mercosur : 99 000 tonnes de viande bovine et 100 000 tonnes de volaille à droit zéro, 180 000 tonnes pour le sucre, 450 000 tonnes d’éthanol pour usage industriel, 200 000 tonnes pour les autres usages…», explique la présidente de la FNSEA.
«Nous nous sommes toujours opposés à ces accords», rappelle-t-elle, dénonçant des conditions de productions très inégales entre les pays du Mercosur et les pays européens : «des élevages de très grande taille, des antibiotiques, utilisés comme activateurs de croissance, des produits phytosanitaires interdits chez nous».
«Au Brésil, 80 % des pesticides utilisés sont interdits en France, ajoute Christiane Lambert. C’est une tromperie pour nous, producteurs, car cela met en péril notre activité, mais c’est également une tromperie pour les consommateurs», auxquels le président de la République avait promis des accords commerciaux cohérents sur le plan environnemental et sur le plan social, estime la présidente de la FNSEA.
Pour l’organisation agricole, l’attitude d’Emmanuel Macron s’apparente à «une trahison». «On ne peut pas avoir chez nous la montée en gamme comme prônée dans le cadre des Etats généraux de l’alimentation et, de l’autre côté de l’Atlantique, produire n’importe comment ! Nous voulons que les parlementaires rejettent l’accord. Et nous voulons que la validation passe par les Parlements nationaux», comme pour le Ceta. Pour faire entendre leur voix, les agriculteurs de la FNSEA et de JA ont manifesté devant les préfectures le 2 juillet.