Méthanisation
Un méthaniseur véritable pôle de production d’énergies vertes
À Vraignes-en-Vermandois (80), dix-huit agriculteurs se sont associés autour d’une unité de méthanisation bien particulière. En plus du biométhane injecté dans le réseau, le CO2 est récupéré et liquéfié pour être revendu. Un projet de production d'hydrogène vert est aussi dans les tuyaux. Le premier site du genre en France.
À Vraignes-en-Vermandois (80), dix-huit agriculteurs se sont associés autour d’une unité de méthanisation bien particulière. En plus du biométhane injecté dans le réseau, le CO2 est récupéré et liquéfié pour être revendu. Un projet de production d'hydrogène vert est aussi dans les tuyaux. Le premier site du genre en France.
Produire du biogaz grâce à la dégradation de matières organiques ? Oui, mais pas que. L’unité de méthanisation de Sanamethan implantée à Vraignes-en-Vermandois (80), entre Péronne et Saint-Quentin, est entrée en fonctionnement il y a environ quatre mois, mais ne livre pas encore toutes ses capacités. Les dix-huit agriculteurs qui y sont associés sont des précurseurs : en plus des 320 Nm³/h de biométhane à une pression de 67 bars injectés dans le réseau de transport de GRTgaz, le dioxyde de carbone issu de la purification du biogaz sera bientôt valorisé lui aussi. La réflexion est même poussée plus loin, avec la production d’hydrogène vert. «Nous avons voulu créer un pôle d’énergies vertes, en tirant au maximum les capacités de production qu’offre la méthanisation», expliquent Rémi Chombart et Laurent Degenne, exploitants à l’initiative du projet.
La réflexion est née de leurs systèmes agricoles, trop dépendants en intrants à leurs yeux. «Comme nous n’avons plus d’élevage dans le Santerre, comment fait-on pour retrouver de l’autonomie pour nourrir nos sols ? La méthanisation s’est révélée une bonne solution. Puis nous avons poussé la réflexion plus loin sur la production d’énergies», confie Laurent Degenne. Un tel chantier leur en a pourtant coûté, de l’énergie. Il leur aura fallu seize ans et trois autres projets avant celui-ci pour concrétiser leur idée, entre les études de faisabilité, la définition de l’emplacement, le montage du business plan… En juin 2021, enfin, les premiers coups de pelles ont été donnés dans la Vallée perdue.
Une installation atypique
Dès le premier coup d’œil, l’unité de méthanisation interpelle. L’installation, qui a représenté un investissement de 12 M€, n’est pas commune : elle est composée de quatre «petits» digesteurs plutôt que deux gros, qui ingurgiteront à terme près de 100 t de matières organiques par jour. «Les quatre digesteurs permettent de répartir les risques. En cas de panne sur l’un d’eux, trois autres continuent de fonctionner et de produire du biogaz. Ça nous permet aussi de faire des tests sur de nouvelles matières organiques que nous cherchons à valoriser», présente Pierre Chombart, responsable du site.
Les matières organiques qui alimentent le tout sont des sous-produits d’industries agroalimentaires des alentours (déchets de légumes de l’usine Bonduelle, de pommes de terre de l’usine Mousline, de pulpes de betteraves…), des boues agricoles, des déchets verts, quelques Cives (Cultures intermédiaires à vocation énergétique). Un séparateur de phase permet à l’issue du procédé de récupérer du digestat solide et liquide. Cette forme liquide sera entre autres valorisée par les deux exploitants des parcelles situées autour du site, dont Rémi Chombart. «Nous avons relié notre réseau d’irrigation au site pour avoir recours à la ferti-irrigation. Un principe vertueux, car pas de transport, et un tassement du sol limité. C’est une expérimentation pour nous.» Le plan d’épandage s’étend sur 8 000 ha au total.
5 000 t/an de carbone
D’ici un mois, Sanamethan sera aussi productrice de dioxyde de carbone (CO2). «Dans le processus d’épuration du biogaz, le CO2 est libéré dans l’atmosphère (un CO2 biogénique à cycle court, neutre pour le climat, ndlr). Nous trouvions dommage de perdre cette ressource qui a une valeur marchande.» Ce CO2 peut être récupéré et épuré, grâce à la liquéfaction cryogénique. Un investissement supplémentaire qui a été encouragé par une subvention de l’action Rev3 de la Région et de la CCI. «La Sicae de la Somme et du Cambraisis, et les SEM Energies Hauts-de-France et Somme énergies sont aussi partenaires. Elles détiennent chacune 5 % du capital», précise Rémi Chombart.
5 000 t de CO2 seront ainsi récupérées chaque année sous forme liquide. Les débouchés ? «Le carbone d’origine fossile est très utilisé dans l’industrie, pour la fabrication de produits d’hygiène, de glace, pour les boissons pétillantes… Le carbone vert, lui, est une filière tout juste émergeante, que nous devons créer au niveau local.» Comptez de 40 à 150 €/t de carbone renouvelable. Reste à trouver les clients, mais les agri-méthaniseurs sont confiants. Leur ambition de filière hydrogène vert, elle, est encore plus audacieuse. «Il faut bien que quelqu’un commence.»
Valoriser l’hydrogène vert : «il faut briser le paradoxe de l’œuf ou de la poule»
Reste que sa valorisation est délicate. «Son transport est très coûteux. Il doit donc être valorisé à l’échelle locale.» Pour convaincre les acteurs locaux à s’équiper en véhicules ou machines à hydrogène, les associés doivent se lancer. «Les éventuels clients attendent que la production soit effective. Alors si on veut créer cette filière, il faut briser le paradoxe de l’œuf ou de la poule», assure Laurent Degenne. Cet investissement sera possible grâce au procédé de la méthanation cette fois, les molécules d'hydrogène (H2) et de dioxyde de carbone (CO2) réagissent par un procédé catalytique ou biologique pour former du méthane (CH4) et de l'eau (H2O). Ce méthane de synthèse peut être injecté dans le réseau de GRTgaz. «La méthanisation nous donnera une polyvalence. Nous produirons de l'hydrogène dès que la demande commencera.»