Un mini-accord à l’OMC pour sauver la face
L’OMC et le cycle de Doha ne sont pas complètement enterrés, à peu de chose près. La preuve ? Un mini-accord
vient d’être signé à Nairobi sur l’agriculture.
«L’UE a conclu avec succès ce qu’elle cherchait à obtenir», a assuré le 19 décembre la commissaire européenne au commerce, Cecilia Malmström, à l’issue des cinq jours de tractations, à Nairobi (Kenya), de la dixième Conférence ministérielle de l’OMC, qui ont abouti à un accord sur l’élimination des subventions à l’exportation et l’encadrement des mesures d’effet similaire pour les produits agricoles, mais aussi à un désaccord sur l’avenir du cycle de Doha.
Désaccord sur la poursuite du cycle de Doha
La déclaration ministérielle adoptée à Nairobi reconnaît que les membres de l’OMC restent en désaccord sur la poursuite du cycle de Doha. Elle souligne toutefois que ceux-ci ont l’intention de faire progresser leurs travaux sur les trois questions centrales que constituent l’agriculture (soutien interne, accès aux marchés et concurrence à l’exportation), l’accès aux marchés pour les produits non agricoles et les services, et évoque aussi les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce.
Dans le domaine agricole, les ministres ont adopté quatre décisions sur la concurrence à l’exportation, le secteur du coton, le mécanisme de sauvegarde spéciale pour les pays en développement et la détention de stocks publics à des fins de sécurité alimentaire. Celles-ci constituent le «résultat le plus significatif sur l’agriculture» au cours des vingt ans d’existence de l’OMC, a estimé le directeur général de l’organisation, Roberto Azevêdo.
La décision sur le mécanisme de sauvegarde spéciale souligne que les pays en développement, tels l’Inde, la Chine et l’Indonésie, peuvent recourir à ce dispositif qui leur permet d’augmenter temporairement leurs droits de douane en cas de hausse soudaine des importations agricoles. Toutefois, les négociations sur cette question se poursuivront à Genève au sein du comité de l’OMC sur l’agriculture.
Ce comité discutera aussi, en marge du cycle de Doha, d’une «solution permanente» pour les programmes de stockage public à des fins de sécurité alimentaire, mécanisme également souhaité par les pays en développement du G33, en particulier l’Inde.
Subventions à l’exportation
La décision sur la concurrence à l’exportation concerne les subventions à l’exportation proprement dites, ainsi que d’autres types de soutien susceptibles de fausser les échanges, à savoir les crédits, les entreprises commerciales d’État et l’aide alimentaire.
Les pays développés doivent éliminer immédiatement leurs subventions à l’exportation, instrument auquel l’UE a mis fin pour la plupart des produits, mais qu’utilisent des pays comme la Suisse, la Norvège et le Canada, ou encore l’Inde et la Turquie. Avec, toutefois, une dérogation jusqu’en 2020 pour les pays qui, tels la Suisse ou le Canada, octroient ces soutiens pour «les produits transformés, les produits laitiers et la viande de porc», sauf si ceux-ci sont destinés aux pays les moins avancés (PMA).
Les pays en développement doivent éliminer leurs subventions à l’exportation d’ici la fin de l’année 2018. Avec, là aussi, une dérogation jusqu’en 2022 pour certains pays ayant notifié un tel soutien à l’OMC, ainsi qu’un délai supplémentaire jusqu’en 2023 pour les subventions au transport et à la commercialisation (jusqu’à fin 2030 pour les PMA et les pays importateurs nets de produits agricoles).
Crédits à l’exportation
Pour les crédits à l’exportation, instrument dont les États-Unis sont le principal utilisateur, la décision ministérielle de l’OMC précise que la durée maximale de remboursement devra être de dix-huit mois dans le cas des pays développés. L’UE et le Brésil, notamment, avaient proposé neuf mois sous certaines conditions. La législation américaine autorise actuellement une durée de remboursement pouvant atteindre vingt-quatre mois, mais celle-ci semble être en pratique de dix-huit mois.
Les pays en développement sont autorisés à offrir des crédits sur des durées plus longues, pouvant atteindre trente six mois, mais ces délais devront être progressivement ramenés à dix-huit mois sur une période de mise en œuvre de quatre ans.