Une ferme bas carbone s’ouvre au grand public
Thomas Leroux est l’un des (encore) rares agriculteurs labellisés Au cœur des sols dans la Somme. Ce samedi, il ouvre les portes de sa ferme bas carbone pour sensibiliser le grand public à ses pratiques d’agriculture de conservation des sols.
Thomas Leroux est l’un des (encore) rares agriculteurs labellisés Au cœur des sols dans la Somme. Ce samedi, il ouvre les portes de sa ferme bas carbone pour sensibiliser le grand public à ses pratiques d’agriculture de conservation des sols.
Il y a près de trois ans, Thomas Leroux a complètement changé ses pratiques. Après une séparation d’associés, l’agriculteur s’est installé en polyculture à la ferme de Sebastopol, à Mailly-Raineval et s’est intéressé aux techniques de l’agriculture de conservation des sols (ACS). «J’ai été épaulé par un voisin qui pratique le semis direct, et je me suis beaucoup formé. Ça m’a complètement motivé», présente-t-il. Aujourd’hui, l’exploitant fait partie des un peu plus de 30 000 ha en France labellisés Au cœur des sols, via l’Apad (Association pour la promotion d’une agriculture durable). Ce samedi, de 10h à 17h, dans le cadre des journées patrimoine sol, il ouvre son exploitation au grand public pour le sensibiliser à ses pratiques.
«Les gens ne connaissent pas l’ACS. Avec ses trois piliers, que sont la diversité et la rotation des cultures, la couverture permanente du sol et le semis sans travail du sol, elle répond pourtant aux attentes sociétales : réduction de la consommation de gazole, de l’érosion des sols, gain en qualité de l’eau, développement de la biodiversité, augmentation de la séquestration de carbone et diminution d’émissions de gaz à effet de serre, voire diminution des produits phytosanitaires…», explique-t-on à l’Apad. Les citoyens découvriront les techniques qu’utilise Thomas pour cultiver ses 280 ha de cultures diversifiées, en blé, escourgeon, pois d’hiver, de printemps et fourrager, colza, tournesol, ray grass, trèfle violet et incarnat et féveroles.
Réduire les charges
Ses terres argileuses, riches en silex, dotées d’un potentiel de rendement limité, «qui usent beaucoup le matériel» ont été un facteur déclenchant. La charge de travail liée au travail du sol en était un autre. «Seul, il n’est pas envisageable de labourer 280 ha», confie Thomas. Pour limiter les dépenses au maximum, l’agriculteur a investi dans un parc matériel le plus simple possible : un tracteur de tête de 250 chevaux et un autre de 150 chevaux, un semoir qui permet le semis direct, deux remorques, un pulvérisateur automoteur adapté aux terrains très pentus, et un outil de déchaumage, dont il n’arrive pas encore à se passer totalement pour certaines cultures, notamment les petites graines telles que les semences. Pour la moisson, il a fait le choix de passer par une entreprise de travaux agricoles.
Le professionnel suit sa trésorerie à la loupe. «Les économies sur les charges de structure sont énormes. Elle sont 25 % moins élevées chez moi que pour une ferme céréalière conventionnelle.» Il faut dire que dans une parcelle, son tracteur de 150 chevaux, qui consomme 6 l/ha lorsqu’il tire le semoir de 6 m, ne cumule pas les kilomètres : «un passage pour semer le couvert, et un deuxième pour semer le blé, c’est tout.»
Une cohésion de groupe
De telles pratiques impliquent cependant de se creuser la tête. «Il faut beaucoup réfléchir, anticiper et se former», assure-t-il. Le polyculteur se sent épaulé. «Avec les autres agriculteurs en ACS, nous échangeons énormément sur les pratiques qui fonctionnent et celles qui fonctionnent moins. Il n’y a aucun tabou, au contraire. Dès que nous subissons un échec, nous le partageons avec les autres pour mieux comprendre, et éviter aux autres de commettre la même erreur.» Les techniciens sont aussi de plus en plus formés. «Noriap, ma coopérative, a mis en place des groupes de travail et propose des formations régulièrement. C’est rassurant.»
Les techniques sont néanmoins encore à adapter à certaines productions de la région. Betteraves, pommes de terre, légumes de plein champ et cultures de petites graines font encore creuser les méninges des agriculteurs en ACS. Le changement climatique est aussi un facteur déterminant. «Par exemple, ce qu’on apprend dès la première formation, c’est que pour un semis direct réussi, il faut un beau couvert. Or, cette année, il ont été semés tard du fait de la moisson tardive, puis ils ont manqué de soleil et n’ont pas bénéficié d’une bonne photosynthèse pour se développer comme on l’aurait souhaité.» L’enjeu n’en est que plus motivant.
Au programme
La journée se veut pédagogique et accessible aux enfants. «Nous voulons leur faire découvrir les différentes graines, par exemple.» Un simulateur de pluie permettra de faire comprendre les intérêts de la couverture permanente et du non travail du sol. «L’outil simule la pluie sur trois types de sol : une prairie, un sol non travaillé et un sol travaillé. On peut y constater les effets sur la matière organique de chaque sol, et les résidus qui s’échappent dans la nappe phréatique», explique Thomas Leroux. Il espère aussi que la météo sera de son côté pour permettre un tour de plaine. «J’aurai à cœur de montrer mes couverts, expliquer mes pratiques et ses effets positifs sur la biodiversité.» L’exercice nécessitera d’adopter un discours accessible, car la communication est un enjeu essentiel.
Adresse : Ferme de Sebastopol, Mailly-Raineval
Contact : 06 82 72 12 97