Une HVE tout en compromis
Sans convaincre les syndicats agricoles, ni les ONG, la Commission nationale de la certification environnementales (CNCE) a adopté ce 30 juin le cadre révisé de la Haute valeur environnementale (HVE). La FNSEA et ses associations spécialisées se sont abstenues, la Confédération paysanne, FNE ou la LPO ont voté contre.
Sans convaincre les syndicats agricoles, ni les ONG, la Commission nationale de la certification environnementales (CNCE) a adopté ce 30 juin le cadre révisé de la Haute valeur environnementale (HVE). La FNSEA et ses associations spécialisées se sont abstenues, la Confédération paysanne, FNE ou la LPO ont voté contre.
«Changements à la marge», ou «coup dur porté à la démarche» : l'analyse diverge entre les acteurs concernant le nouveau cadre de la HVE. Une chose est certaine, ce sont les 14 voix de l'administration, de l'Ania ou encore de la Coopération agricole qui ont permis de faire adopter le texte ce 30 juin. Le texte a semblé en revanche peu convaincre syndicats agricoles et ONG. Près de 9 membres se sont abstenus, dont la FNSEA et ses associations spécialisées, quand FNE, la LPO, les Civam et la Confédérations paysannes ont voté contre.
Parmi les principales modifications : la suppression de la voie B, très décriée par les ONG, l'ajout d'un nouvel item sur la taille des parcelles, et le rehaussement des seuils de plusieurs critères déjà existants. Une modification qui concernera l'ensemble des 25 000 exploitations actuellement certifiées, qui devront se mettre en conformité avant le
31 décembre 2024. «La HVE n'avait pas été révisée depuis sa création il y a dix ans», rappelle Patrick Falcone, président de la Commission nationale de la certification environnementale (CNCE). C'est sans doute l'introduction officielle de la HVE dans les critères d'accès à l'écorégime, confirmée en mai 2021 par Julien Denormandie, qui aura accéléré les travaux.
Le cadre rénové proposé la DGPE et validé par la CNCE fin juin prend en compte certaines critiques. Malgré leur vote contre les textes, les associations de défense de l'environnement saluent notamment la suppression de la voie B. Mais sur la voie A, alors qu'une partie de la profession s'inquiète de décourager les agriculteurs déjà certifiés, le référentiel reste éloigné des recommandations des ONG, de l'OFB, ou même des cabinets d'étude Epice et Asca mandatés par les ministères. Le vote en CNCE ne représente cependant pas la fin des négociations. De nombreux points seront encore à discuter dans le cadre de l'élaboration du plan de contrôle.
Le symbole de la voie B
Chez France Nature Environnement (FNE), Cécile Claveirole reconnaît que la suppression de la voie B est une «avancée» en termes d'ambition écologique. Car cette voie permettant aux exploitants d'obtenir la certification HVE lorsque leurs achats d'intrants étaient inférieurs à 30 % de leur chiffre d'affaires n'était «pas du tout discriminante» pour les viticulteurs, comme l'avait pointé l'OFB dans sa note de décembre 2020 dévoilée par le quotidien Le Monde. Les exploitations viticoles, rappelait la police de la biodiversité, «consacrent en moyenne seulement 14 % de leur chiffre d'affaires» aux pesticides et aux engrais. «La FNSEA n'a jamais été favorable à supprimer cette voie, nous aurions préféré la faire évoluer», rappelle Hervé Lapie, élu référent sur le dossier au sein du syndicat majoritaire.
Les critiques sur la voie B semblent pourtant avoir été entendues au sein de la profession. Alors que la voie B représentait près de 29 % des certifications entre 2018 et 2020, «celle-ci n'a été choisie que par 11 % des exploitations certifiées à date du 1er janvier 2022», souligne le ministère dans un bilan publié en juin 2022. Ce sont donc près de 3 000 agriculteurs qui devront se soumettre d'ici le 1er janvier 2024 aux exigences en matière de biodiversité, de pesticides ou de fertilisation de la voie A.
«On ne se battra pas pour maintenir la voie B parce qu'elle concentre les critiques, mais le paradoxe c'est qu'elle avait été demandée par les gens qui la décrient», pointe Jean-Jacques Jarjanette, président de l'association HVE Développement. Car c'était bien FNE, rappelle-t-il, qui avait suggéré au moment du Grenelle en 2009 l'idée d'une voie basée sur des indicateurs de résultats. À l'époque, l'association avait cependant préconisé d'ajouter aux achats d'intrants un second indicateur imposant au moins 10 % d'infrastructures agroécologiques.
Une voie A peu modifiée
Sur la voie A, dédiées aux pratiques, «les modifications sont à la marge, et on est toujours sur une tromperie du consommateur», s'agace Cécile Claveirole chez FNE. Contrairement à ce que certains acteurs, dont la Confédérations paysanne, avaient demandé, le système de points sur cette voie reste identique. Le syndicat regrette que chacun des indicateurs - biodiversité, fertilisation, produits phytosanitaires et irrigation - puisse être validé avec seulement dix points sur trente possibles. Et que certains critères, comme le pourcentage d'infrastructures linéaires ou la SAU non-traité, permettent toujours à eux seuls d'obtenir tous les points nécessaires.
Seule victoire des organisations de défense de l'environnement : l'introduction dans l'indicateur biodiversité d'un item sur la taille des parcelles. Les exploitants revendiquant des parcelles de moins de 6 ha sur au moins 40 % de la SAU pourront donc obtenir 1 point, et jusqu'à 5 points pour 90 % de la SAU. Un critère pour lequel la FNSEA aurait aimé remonter le seuil.
Autre déception pour le syndicat majoritaire : la révision à la hausse de l'ambition sur le bilan azoté. Alors que les agriculteurs pouvaient obtenir dix points au-dessous d'un surplus de 40 kg d'azote par hectare, il leur faudra désormais passer sous les 20 kg/ha pour obtenir un maximum de huit points. «C'est un point bloquant pour nous, qui risque d'exclure de nombreux agriculteurs», prévient Hervé Lapie. La plupart des agriculteurs devraient obtenir au moins quatre points, puisque la moyenne nationale de surplus azoté s'élève à 40 kg/ha.
Les dérogations qui comptent
Le syndicat majoritaire semble cependant avoir obtenu gain de cause sur de nombreux autres points. Sur le délai de mise en conformité notamment, dans le document envoyé mi-mai à la Commission, la DGPE prévoyait «une entrée en vigueur effective dès septembre 2022» pour le nouveau cadre. Un calendrier qui sera assoupli par dérogation, comme le précise le projet de décret validé par la CNCE. «Les certifications environnementales de niveau trois en cours de validité au 1er octobre 2022 et qui prenaient fin avant le 31 décembre 2024 sont valides jusqu'à cette dernière date», détaille le décret. Le délai sera en revanche beaucoup plus court pour les nouveaux entrants dans la HVE, qui devront se plier au nouveau cahier des charges dès le 1er octobre 2022.
La FNSEA aurait enfin remporté une victoire en demi-teinte sur un point particulièrement débattu du référentiel : l'interdiction des produits classés comme cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques avérés (CMR1). Dans sa version rénovée, la HVE interdira ces molécules, comme l'avaient demandé les ONG et la Confédération paysanne. Mais l'interdiction s'assortira d'une possibilité de «dérogation exceptionnelle octroyée par arrêté des ministères en charge de l'agriculture et de l'environnement, après demande d'un secteur de production en cas d'impasse avérée». Une «porte ouverte à tous les excès», selon Jean-Bernard Lozier, de la Confédération paysanne, selon qui «le vrai point de progrès aurait été d'interdire aussi les CMR2».
L'indicateur sur l'irrigation reste en revanche inchangé. Dans sa note confidentielle, l'OFB a pourtant souligné que la structure des points sur l'irrigation permet de valider cet indicateur sans qu'aucune surface «ne bénéficie de matériel ou de pratiques agronomiques favorisant les économies d'eau et sans limitation des prélèvements dans le milieu naturel en période d'étiage».
Le nouveau référentiel est aussi une occasion manquée pour introduire de nouveaux critères. Comme le soulignent les bureaux d'études Asca et Epices, certains «critères importants» en matière de biodiversité sont toujours absents, notamment sur la gestion des infrastructures linéaires, ou leur connectivité. De même dans l'indicateur sur les pesticides, si l'item sur le pourcentage de surfaces non-traitées est «pertinent et robuste», le niveau d'exigence sur les IFT «ne garantit pas de faibles apports dans l'absolu». Et plus largement, le référentiel fait toujours l'impasse sur d'autres objectifs environnementaux : changement climatique, qualité de l'air, ou qualité des sols.
Pourtant, alors que l'irrigation possède son indicateur dédié, «d'autres indicateurs spécifiques auraient pu être ajoutés», imagine Jean-Bernard Lozier. Des grilles de notation qui auraient pu permettre aux agriculteurs d'être évalués sur leurs efforts en matière de stockage de carbone, ou de bien-être animal.
Les négociations s'enchaînent
Les discussions et négociations ne se termineront pas avec le vote en CNCE. Après ce vote, le ministère devra soumettre le texte à consultation du public, puis publier officiellement l'arrêté et le décret. Parallèlement à ce travail s'enclencheront de nouveaux débats autour du plan de contrôle. Ce document qui permettra aux organismes certificateurs de calculer les points des exploitants, détaillera plusieurs aspects aussi controversés que centraux : les méthodes de calcul des IFT, ainsi que le coefficient multiplicateur des haies, qui permet de les inclure dans les calculs d'infrastructures linéaires.