Une nouvelle culture pour diversifier son assolement ?
Diversifier son assolement est une réponse à des impasses techniques ou agronomiques. Même s'il n'existe pas de «culture miracle», la Chambre d'agriculture de la Somme donnait des pistes de réflexion lors d'une formation, le 10 juin.
entre 266 et 766 EUR/ha.
Des problèmes de désherbage de plus en plus récurrents, des rendements qui plafonnent, des impasses techniques, un changement climatique de plus en plus palpable, la recherche de valeur ajoutée : voilà ce qui pousse nombre d'agriculteurs à diversifier leur assolement avec de nouvelles cultures. C'était le sujet du jour, ce 10 juin, lors d'une formation de la Chambre d'agriculture régionale.
«Il n'existe pas de culture miracle, prévient Marianne Demeiller, ingénieure. Mais nous pouvons proposer des pistes à étudier.» Au programme : tournesol, sarrasin, lentilles, quinoa, pois chiches et lupin, toutes des cultures de printemps (intéressantes pour casser le cycles des graminées telles que le ray grass et le vulpin), qui ne nécessitent pas d'irrigation. «Avant de faire un choix, une multitude de questions sont à se poser. Que va m'apporter cette culture ? Est-elle cohérente dans mon assolement ? Ai-je le matériel nécessaire ? Quels sont les débouchés ?»
Tournesol : faibles besoins en eau
Le tournesol est apprécié des industriels pour la qualité nutritionnelle de son huile. Semée en avril ou en mai, et récoltée fin septembre - début octobre, cette plante présente des avantages : «Elle a un besoin en eau très faible, donc elle est intéressante pour les terres séchantes, assure Laura Neels, ingénieure à la CA60. Son pied forme un long pivot qui améliore la structure du sol. C'est un précédent blé intéressant : jusqu'à 15 % de rendement supplémentaire par rapport à un blé sur blé.» La culture, qui présente peu de résidus après récolte, peut revenir tous les trois ans dans une rotation.
Pour réussir le semis, «il faut semer à 4 ou 5 cm de profondeur, dans un sol bien réchauffé, à 8°C. Pour développer son pivot, le tournesol a besoin d'au moins 10 cm de sol aéré. De bons résultats ont été montrés avec un strip-till.» Le plus difficile à gérer sont les attaques d'oiseaux à la levée. «Les pucerons et les limaces sont aussi des ravageurs connus.» Un apport d'azote peut être effectué au semis ou en végétation en fonction de l'objectif de rendement. Mais surtout, le bore est un oligo-élément essentiel pour le tournesol. Un taux d'humidité compris entre 9 et 14 % doit être respecté à la récolte. «Le rendement se situe entre 30 et 40 qx/ha, pour un prix de vente de 350 EUR/t, soit une marge brute de 745 à 1 095 EUR/ha.» Quelques négoces et coopératives proposent des contrats.
Sarrasin : rien de plus simple
Le sarrasin s'adapte facilement à tous types de sol, a peu de besoins en azote et s'avère donc idéal en fin de rotation. «Pour résumer, on le sème, puis on le récolte. Pas de désherbage, pas de maladies, pas de ravageurs connus», assure Marianne Demeiller. Celui-ci se sème de mi-mai à juin, voire début juillet, dans un sol réchauffé (10 - 12°C) avec un semoir à céréales classique, à 2 ou 3 cm de profondeur et pour une densité de 40 kg/ha. «Il a aussi un effet nettoyant sur les vivaces.»
Le sarrasin présente tout de même quelques inconvénients. «Il est sensible aux gelées tardives et à la sécheresse au démarrage, et son rendement est aléatoire, entre 10 et 20 qx/ha.» La récolte, située entre le 15 septembre et le 15 novembre, est technique : «Cette plante est une espèce à floraison indéterminé. Il faut réaliser le battage lorsque trois quarts des graines sont matures.» Surtout, le séchage après récolte est nécessaire. Le débouché est uniquement la farine, avec un prix de vente indicatif de 400 EUR/t (soit entre 200 et 400 EUR/ha de marge brute), mais la filière n'est pas construite. «Le sarrasin peut aussi être intéressant en culture de rattrapage ou en interculture courte.»
Lentilles : bénéfiques légumineuses
Comme toutes les légumineuses, les lentilles sont intéressantes dans un assolement : «Elles restituent environ 30 unités d'azote pour la culture suivante», précise Inma Tinoco, ingénieure à la CA60. Elles présentent un cycle court (entre cent trente et cent-cinquante jours). Semer tôt, entre le 5 et le 20 mars, mais sur un sol ressuyé, limite les coups de chaud en floraison et le stress hydrique pendant la période de remplissage des grains. L'objectif est d'obtenir un lit de semence meuble et aéré sur 15 cm. Mieux vaut éviter les terres à cailloux !
«Le plus délicat est la maîtrise du salissement. Il est donc conseillé de faire un désherbage aux semis. Deux passages de herse étrilles sont possibles ensuite.» Une association d'avoine ou d'orge peut être envisagée : elle offrira un effet tuteur, et concurrencera les adventices sans étouffer la lumière. Les principaux ravageurs sont les cécidomyies et les bruches, «très embêtantes au stockage, d'autant qu'il n'existe pas de solution réellement efficace». Notez aussi les thrips, les pucerons, les sitones et la tordeuse du pois, «mais les seuils de nuisibilité sont très élevés». Les maladies possibles sont l'aphamonyces, la fusariose et l'anthracnose.
Pour la moisson, courant juillet, avec un taux d'humidité en-dessous de 16 %, il est conseillé de récolter tôt et lent pour éviter l'égrainage des gousses et la casse du grain. Les rendements et les prix sont très aléatoires. La marge brute se situe dans une fourchette très large de 110 à 1 000 EUR/ha.
Quinoa : une marge séduisante
À 1 EUR/kg net trié en conventionnel, le quinoa, qui connaît une popularité exponentielle auprès des consommateurs, a un prix de vente séduisant, bien que la filière soit à construire. Sa racine pivotante, semblable à un colza, améliore la structure du sol.
Mais sa production n'est pas une mince affaire. «Il se sème en février ou mars, après une préparation de sol soignée, avec un semoir classique à 8-10 kg/ha et 1 ou 2 cm de profondeur», note Marianne Demeiller. Il n'existe aucun herbicide homologué, et la propagation des chénopodes blancs, de la même famille et qui suivent le même cycle, peut donc être un problème. «Nous conseillons de faire des faux semis avant l'implantation, ainsi de deux passages de herse étrille ou de houe rotative avant la floraison. Des semis précoces et denses couvriront rapidement.» L'associer avec de l'orge et optimiser la rotation sont d'autres solutions.
Les choses se compliquent surtout lors de la récolte, en septembre. «Si la saison est pluvieuse, le quinoa peut très vite germer sur pied.» Le séchage doit se faire rapidement (moins de 14 % d'humidité) et un triage est recommandé. Surtout, la saponification est lourde : «C'est un processus industriel complexe qui consiste à enlever la saponine qui enveloppe les grains.»
Pois chiche : comme les pois
Avec une conduite culturale très proche du pois, le pois chiche s'adapte bien à notre région et aux étés de plus en plus secs. «Cette culture valorise les sols argilo-calcaires, même superficiels», certifie Marianne Demeiller. Autre avantage : la légumineuse apporte 50 U d'azote. Elle se sème en mars et se récolte deuxième quinzaine d'août, à partir de 16 % d'humidité, avec une batteuse classique.
La culture peut nécessiter un ou deux herbicides (au semis et avant floraison), un insecticide (héliothis, mouche mineuse) et un fongicide, car le pois chiche est sensible à l'anthracnose. Le rendement oscille entre 15 et 25 qx, et offre une marge brute comprise entre 266 et 766 EUR/ha. Certaines coopératives comme Ternoveo proposent quelques contrats, mais il s'agit des prémices d'un débouché.
Lupin : source de protéines
Le lupin est une légumineuse dont les graines contiennent environ 35 % de protéines, soit une teneur équivalente au soja. Il se sème à 3 ou 4 cm de profondeur et pour une densité de 180 à 210 kg/ha, à partir du 15 février. L'itinéraire technique est très simple : pas de ravageurs connus et un besoin en intrants faible. La culture peut nécessiter un désherbage après semis, et un fongicide en début de floraison, début juin.
La récolte, mi-août, se fait entre 12 et 15 % d'humidité. David Saelens, installé à Offignies, a obtenu un résultat exceptionnel de 45 qx/ha en 2019 pour sa première année de production. La marge brute est à moins de 1 000 EUR/ha, mais «il faut penser rotation, témoignait l'agriculteur dans nos colonnes en février dernier. Le lupin est une très bonne tête d'assolement, puisque le reliquat d'azote apporté est important. Il permet aussi de gérer la présence de ray-grass et de vulpin, problématiques pour le blé.» Et les débouchés ? La coopérative Noriap propose des contrats dans le cadre d'une filière protéines végétales, à destination de sa filiale d'aliments, Novial. «Les éleveurs ont aussi un intérêt à en produire pour l'autoconsommation de leurs bêtes», ajoute Marianne Demeiller.