Une redevance en œuvre «qu’en cas d’échec»
Alors que l’examen du projet de loi climat se poursuit, la rapporteure du titre agricole de ce texte, la député LREM Célia de Lavergne revient sur plusieurs dossiers chauds : les menus végétariens qu’elle souhaite intégrer dans l’administration publique ou le projet de redevance sur les engrais azotés.
Alors que l’examen du projet de loi climat se poursuit, la rapporteure du titre agricole de ce texte, la député LREM Célia de Lavergne revient sur plusieurs dossiers chauds : les menus végétariens qu’elle souhaite intégrer dans l’administration publique ou le projet de redevance sur les engrais azotés.
Quel bilan tirez-vous du travail de la commission spéciale sur le chapitre agricole du projet de loi Climat ?
L’examen en commission s’est bien passé, malgré une frustration concernant le temps accordé à la question des engrais azotés. On le craignait dès le départ, mais cela s’est vérifié : la présence du titre agricole en fin de texte a pu entraîner une certaine fatigue dans les débats.
Pour l’examen en séance, vos collègues ont déposé près de 75 amendements sur l’article dédié aux engrais azotés. Le texte pourrait-il encore évoluer par rapport à la version de la commission ?
Je pense que la position que nous avons trouvée en commission est la bonne. Le sujet des engrais doit être regardé en face, parce qu’ils représentent près de 40 % des gaz à effet de serre d’origine agricole. Cela veut dire qu’il passera sur le haut de la pile sur le bureau du ministre. Celui-ci vérifiera, au travers d’un rapport initial prévu par le texte, que tous les outils sont disponibles en amont en matière d’équipement, de logiciel, et de formation pour changer les pratiques culturales. Le rapport comportera aussi une étude financière qui dessinera les contours de la redevance, et évaluera son efficacité. De la manière dont il est rédigé, l’article fait peser la charge à parts égales sur le gouvernement, les agriculteurs, et sur les parlementaires. Chaque année, juste avant le budget, les députés seront ainsi chargés d’examiner l’état d’avancement de la trajectoire d’émission, et d’évaluer tous les moyens mis en œuvre au niveau de la recherche comme au niveau des aides aux producteurs. La redevance ne sera mise en œuvre qu’en cas d’échec.
Que pensez-vous des solutions proposées par certains de vos collègues, comme un dispositif de CEPP réservé aux engrais, ou l’intégration des engrais dans la redevance pour pollution diffuse ?
La redevance pour pollution diffuse est liée à la question de l’eau, or c’est à la question de l’air que nous voulons nous consacrer ici. L’ammoniac est un aussi enjeu important, avec des différences d’émissivité entre les ammonitrates et l’urée et qui vont d’un à sept. La possibilité existe d’ajouter des anti-uréases, mais c’est un débat technique sur lequel le ministère de l’Agriculture devra trancher. Nous utilisons en tout cas de plus en plus d’urée, qui est plus volatile. Il y aura donc un sujet sur la performance des différents engrais, et les entrées qui seront choisies pour définir le taux de la redevance. Ce que je voudrais, au fond, c’est que nous n’ayons jamais à mettre en place la redevance, parce que nous aurons tenu la trajectoire. Les appels à projets sur l’agroéquipement, qui remportent un grand succès, permettront de baisser les apports. Il y a clairement aussi une grande appétence pour le plan protéines végétales, qui est un outil structurant pour les réductions d’engrais, et plus géné- ralement pour l’enjeu climatique.
Concernant les menus végétariens, que retenez-vous du bilan de l’expérience d’Egalim publié récemment par le ministère ?
Cette expérimentation montre que l’option végétarienne a bien fonctionné, en particulier dans les cantines qui ont rapidement adopté le dispositif, avec des cuisiniers formés, et des volumes importants. En termes d’approvisionnement, les résultats montrent également une réduction du gaspillage, ainsi qu’une amélioration générale de la qualité des produits. Nous avons eu un gros débat au sein de la majorité, et nous avons décidé de ne pas imposer de nouveaux objectifs aux collectivités sans faire d’efforts au niveau de l’État. J’ai donc déposé un amendement prévoyant qu’un menu végétarien quotidien devra être proposé par tous les restaurants de l’administration, des établissements et entreprises publiques dès 2024 lorsque ces restaurants offrent plusieurs menus. Le dispositif représenterait près d’un milliard de repas chaque année, quasiment autant que les cantines scolaires. Nous l’assortissons d’une concertation dans chaque région avec les collectivités, pour définir les outils et formations manquants.
Pourriez-vous faire évoluer les objectifs de commande de produits alimentaires durables en restauration collective, fixés à 50 % dont 20 % de bio par la loi Egalim ?
Ce qu’il faut avoir en tête, et qui guidera notre action, c’est que nous demeurons encore assez loin des objectifs d’Egalim, que seul un tiers des collectivités les respecterait actuellement. Il y a eu le retard lié au Covid, mais également un problème d’adéquation entre offre et demande. Pour l’heure, je demande un bilan ligne par ligne d’ici l’année prochaine pour éventuellement légiférer.
D’ici là, nous aimerions écrire quelque chose sur la viande. J’ai proposé par un amendement de fixer à la restauration collective
60 % en valeur d’achats de viandes et poissons de qualité au sens d’Egalim. Nous devrons sur ce volet encadrer la définition des circuits par rapport à celle du ministère de l’Agriculture de 2009, qui fixe zéro ou un intermédiaire. Sans vouloir stigmatiser certains acteurs, il faut éviter le risque de voir des grossistes bénéficier du dispositif.
La définition elle-même des produits durables pourrait-elle évoluer, comme le proposent plusieurs amendements ?
Nous ne dégraderons pas la qualité de l’objectif de 50 % (de produits durables et de qualité, ndlr) de la loi Egalim. Nous avons un sujet avec les poulets de la charte Eva, qui ont obtenu la certification environnementale de niveau 2. Même si ce n’est pas le sujet central de la loi climat, je pense que le ministère de l’Agriculture est d’accord : la certification HVE n’a pas été pensée pour l’élevage. Ce peut être l’occasion de voir comment aménager les critères dans ce secteur, pour éviter qu’un poulet standard ne se voit certifié. Il ne faudrait en tout cas pas supprimer toutes les certifications de niveau 2, et casser une dynamique qui monte.
En quoi la loi climat pourra-t-elle changer le quotidien du monde agricole ?
Cette loi est faite d’opportunités, mais également de nouveaux efforts demandés au monde agricole. Il faut se regarder en face : il y en aura de plus en plus. La question est de savoir comment nous y travaillerons ensemble. Nous avons trouvé un équilibre qui me semble utile, il s’agit maintenant de se mettre en mouvement.