Valorisation et volume : les deux sont-ils compatibles ?
Tel a été le thème de l’assemblée générale de l’Union des producteurs de lait de Picardie, qui s’est tenue le 11 mai dernier, à Martainneville.
Une cinquantaine d’éleveurs laitiers et de représentants de coopératives étaient réunis jeudi dernier autour de l’équipe de l’UPLP et de leur invitée, Marie-Thérèse Bonneau, vice-présidente de la FNPL, sur le thème de la valorisation et des volumes.
Regrettant que les actions de l’UPLP restent peu visibles, son président, Olivier Thibaut, profite de l’assemblée générale pour rappeler les efforts menés par le syndicat pour faire entendre la voix des éleveurs laitiers picards. L’UPLP s’est ainsi mobilisée toute l’année 2016 pour relever les prix des produits laitiers en grandes surfaces, pour continuer à mettre la pression, et insister auprès des GMS pour leur faire signer la Charte des valeurs. Cette action de surveillance continue d’ailleurs en 2017. Entre janvier et février ont été organisés : une conférence de presse avec la FDSEA de la Somme, le blocage de la centrale de Simply Market et la manifestation «Funérailles de l’élevage», à Amiens, où les éleveurs ont défilé en portant un cercueil.
Au cours de l’été 2016, l’équipe a participé au blocage du site Lactalis à Clermont-de-l’Oise, ainsi qu’à Laval, pour réclamer une revalorisation du prix du lait qui, certes, encore aujourd’hui, n’est pas suffisante, mais nécessaire. Concernant les dossiers interprofessionnels, l’UPLP suit les actions Picardie Lait, dont Dominique Dengreville, membre du syndicat, est l’intermédiaire.
Voir plus loin
A l’heure d’aujourd’hui, les éleveurs regardent surtout comment payer leurs factures pour demain, mais Marie-Thérèse Bonneau et Olivier Thibaut martèlent que les projets pour la filière lait doivent se faire maintenant pour assurer leurs avenirs. Ces projets, quels sont-ils ? L’organisation de la filière autour de l’interprofession et une vraie politique agricole commune. Voilà le fer de lance de la bataille de l’UPLP et de la FNPL pour les éleveurs laitiers.
Cet avenir passe principalement par les jeunes. Il faut donc les protéger. Beaucoup d’éleveurs dans la salle déplorent les procédures longues et compliquées des aides Jeunes Agriculteurs, des paiements trop tardifs et des contraintes trop grandes. Une éleveuse, tout juste installée, présente à l’assemblée, affirme d’ailleurs que «si un jeune me demande pour les aides JA, aujourd’hui, je lui conseillerais de s’installer sans». Olivier Thibaut répond que c’est aux syndicats de mettre la pression sur les instances pour obtenir de meilleures aides à l’investissement, ainsi que l’attribution de «litrages».
Rémunérer la valeur ajoutée
La dernière réforme Pac a été cher payée par les éleveurs laitiers de la plaine. Il faut «une vraie politique de reconnaissance du travail agricole», affirme Olivier Thibaut. En effet, les agriculteurs de la Somme n’ont pas eu le droit de retourner les prairies permanentes, mais n’ont pas eu d’aide pour leur maintien. On ne parle pas non plus des services environnementaux qui rendent grâce à ces pâturages, ni de la création de valeur ajoutée ou de l’emploi que les éleveurs maintiennent. Pour obtenir cela, il faudra réduire les contraintes, les charges grâce aux aides Pac «conservées et renforcées», les aides à l’investissement toujours présentes, les prix et les primes. Olivier Thibaut affirme que la «réorientation de la Pac vers la rémunération de la valeur ajoutée est obligatoire pour l’avenir». La France a, de plus, des produits et des productions de qualité, il faut le reconnaître financièrement. Marie-Thérèse Bonneau en est certaine, «la valeur ne passera plus par la marque, mais par la valeur nutritionnelle du produit, comment il a été produit et comment il rémunère son éleveur». Malgré tout, elle appelle à la prudence. «Il ne faut pas être frileux, mais pas naïf non plus par rapport à la création de valeur. Il faut que chaque éleveur se réapproprie cette notion en se posant la question : qu’est ce qui est le plus pertinent pour moi ?», dit-elle. Elle invite ainsi les éleveurs à tirer parti de notre contexte difficile : les consommateurs ont pris conscience de leurs difficultés, c’est maintenant qu’il faut dire «nos valeurs ont de la valeur».
Concernant le marché international, Marie-Thérèse Bonneau regrette la libéralisation de la production laitière, qui a fait beaucoup de dégâts depuis août 2014. «Il a malheureusement fallu des dégâts humains pour que les gens ouvrent les yeux», relève-t-elle. Et de continuer : «La certitude que le marché réglera tout est en train de se ternir. Les grands pays persuadés de cela commencent à reculer.» Pour protéger les éleveurs, la Pac d’aujourd’hui ne suffit pas. «Lorsque l’on dit Pac, seule l’aide nous vient en tête. Il n’y a plus vraiment de politique agricole commune», ajoute-t-elle. Et d’affirmer que le travail pour la prochaine réforme devra porter sur la gestion du risque et sur les outils de gestion du marché.
Communiquer sur l’élevage
La question de l’image de l’élevage met tout le monde d’accord : les consommateurs ont une image fausse du métier. L’image véhiculée par les médias ne les aide pas non plus. La problématique aujourd’hui se pose sur les 0,5 % de la population dite végane, qui a une visibilité énorme dans les médias. Marie-Thérèse Bonneau affirme que la cible de la communication devra être le consommateur, qui a les yeux grands ouverts, tandis que les végans sont trop «fermés à la discussion». D’un côté, il faut moderniser l’image de l’élevage et, de l’autre, revenir à la définition même du produit.
Car, aujourd’hui qu’est-ce qu’un lait ? Est-ce un lait d’origine agriculture biologique, provenant de vaches pâturant minimum six mois de l’année ? «Non, le lait, c’est le liquide produit par une vache lorsqu’elle donne naissance à un veau», résume la vice-présidente de la FNPL. Cela peut paraître dérisoire, mais la profession des boulangers a été confrontée au même problème il y a plusieurs années, car la définition même du pain s’était fortement dégradée. A la question «je voudrais du pain» on vous répondait alors «du pain au graines, au levain, à la farine de maïs, etc.».
Les maîtres-mots pour l’année syndicale 2017 seront donc d’aider les jeunes éleveurs, de rémunérer la valeur ajoutée, d’anticiper le marché et de communiquer largement auprès des consommateurs. Un grand projet à ne pas sous-estimer.
Renouvellement du tiers votant
Ont été élus : Dominique Dengreville, Hervé Fréville, Bernard Gaudoin, François Lépine, Sébastien Théron et Quentin Ozenne. La composition du bureau pour l’année 2017 sera décidée lors de la prochaine réunion de bureau courant fin mai.