ZNT : des chartes de riverains providentielles
L’application des zones de non-traitement (ZNT) et leurs conséquences ont largement occupé les discussions entre élus de la FRSEA Hauts-de-France, représentants d’autres organisations professionnelles et responsables de l’AGPB, le 3 mars.
L’Association générale des producteurs de blé (AGPB) a beau s’être dotée depuis 2019 d’un plan stratégique pour permettre aux céréaliers de gagner en compétitivité, d’être résilients et innovants et de participer à la transition agroécologique pour répondre au défi du changement climatique, l’application des zones de non-traitement depuis le 1er janvier 2020 reste pour beaucoup une sacrée épine dans le pied. À l’occasion d’une rencontre avec la FRSEA Hauts-de-France et les représentants d’autres organisations professionnelles régionales le 3 mars, à Amiens, le président de l’AGPB Éric Thirouin et son secrétaire général Philippe Heusele sont revenus sur les négociations qui ont permis, selon l’association spécialisée de la FNSEA, de «limiter la casse». Après les annonces du président de la République Emmanuel Macron lors du Sia - la sécurité juridique des agriculteurs serait assurée pour les semis de printemps ou d’automne, contrôles pédagogiques sans sanction - AGPB et FNSEA croient en la mise en place de chartes de riverains, suivant le modèle adressé par la FNSEA à ses structures départementales pour tenter de réduire encore les distances imposées par le cadre général de la réglementation.
Si, dans la région Hauts-de-France, quatre chartes départementales de riverains ont déjà été signées, elles devront être «retravaillées pour être reconnues sur le plan réglementaire. Nous ne devons n’y mettre que des éléments juridiques», a indiqué Laurent Degenne, président de la FRSEA Hauts-de-France. Pour son secrétaire général Jean-Christophe Ruffin, «il faudra éviter d’y mettre des éléments qui pourraient nous retomber dessus...».
Secrétaire général de l’AGPB, Philippe Heusele insiste sur le fait «qu’une seule charte par département est suffisante. Il faut éviter les initiatives individuelles qui vont apporter de la confusion». Éric Thirouin insiste, quant à lui, sur le fait que l’AGPB reste «mobilisée» pour «les situations les plus compliquées».
Des situations toujours tendues
«Après deux ans de combat, sur le terrain, les agriculteurs ont quand même du mal à apprécier la situation. Les ZNT sont synonymes de compétitivité qui s’en va. Ce sont des contraintes supplémentaires», souligne Laurent Degenne. Les avancées obtenues par le syndicalisme majoritaire n’éludent pas ainsi certaines critiques. Et le président de la FRSEA des Hauts-de-France de regretter en même temps un défaut de soutien de la part des organisations économiques : «Un soutien plus marqué aurait été le bienvenu. Quand nous avons manifesté devant la Draaf (le 17 janvier, à Amiens), la présence du président du conseil régional Xavier Bertrand a pesé. J’aurai aimé que d’autres organisations se joignent à nous».
À l’échelle de la région Hauts-de-France, chartes de riverains ou pas, certaines pratiques resteront problématiques pour encore un certain laps de temps. Dans le département du Nord, par exemple, Jean-Christophe Ruffin regrette que certains produits phytosanitaires puissent être utilisés par des agriculteurs belges exploitant en France. Le rétrécissement de la liste des molécules pouvant être utilisées par les agriculteurs français inquiète également.
Et la PAC ?
Après l’épisode des ZNT, la future PAC promet aussi aux organisations syndicales des jours agités. «Si la négociation de la future PAC a débuté il y a deux ans au niveau européen, la négociation nationale va bientôt débuter», souligne Éric Thirouin. En coulisses, FNSEA et associations spécialisées sont d’ores et déjà mobilisées face à une volonté de la Commission européenne de permettre aux États membres 100 % de flexibilité - cela reviendrait à remettre en cause le paiement de base à tous les hectares -, «dans un contexte de budget en baisse et même si la volonté des États membres est de garder une stabilité». Bref, pour le président de l’AGPB, «il va y avoir encore pas de mal de débats». L’un des autres «combats» de la filière «grandes cultures» est en outre d’impliquer les agriculteurs dans un dispositif de neutralité carbone : «Nous avons une carte à jouer grâce à nos grandes cultures, assure M. Thirouin. Nous devons être en mesure de collecter des crédits carbone et permettre à des agriculteurs d’être rémunérés par les acheteurs de ces crédits». À la clé, une opportunité économique, mais aussi un avantage en termes d’image. Enfin, plutôt que de considérer la certification environnementale des exploitations comme une contrainte, l’AGPB y voit au contraire «une opportunité» dont elle veut se servir pour maintenir un certain niveau de primes PAC.
La méthode et l’image en question
De manière globale, Éric Thirouin constate un changement d’approche et de méthode bénéfique. Au sujet de l’utilisation des produits phytosanitaires, «le contrat de solutions a changé les choses. Nous ne sommes plus dans une approche défensive. Il y a trois ans, ce n’était pas le cas mais nous avons désormais une démarche pro-active». Et le président de l’AGPB d’avancer un souhait : «Pour les trois prochaines années, nous devons travailler à écrire des messages communs que chacun pourra ensuite diffuser au sein de son entreprise et dès qu’il aura l’occasion de le faire». On appelle cela de la communication positive.
La non-revalorisation immédiate des retraites fait l’unanimité
C’est une situation inédite qui mérite d’être soulignée. Dans une lettre ouverte datée du 2 mars, les cinq syndicats agricoles français - de la FNSEA aux Jeunes agriculteurs en passant par le Modef, la Confédération paysanne et la Coordination rurale -, demandent au gouvernement et au parlement d’instaurer «une revalorisation immédiate des retraites agricoles à 85 % du salaire minimum pour les pensionnés actuels dans le cadre du projet de loi en cours de discussion, avec prise d’effet immédiate». Pour la profession agricole, et ce malgré la promesse d’une revalorisation pour les futurs retraités, le compte n’y est toujours pas. Faisant fi de leurs prises de position différentes et historiques sur d’autres sujets, les cinq organisations demandent également «que le futur dispositif de retraite pendant la période de transition soit adapté à tous les statuts agricoles, notamment aux conjoints collaborateurs, qui ne pourraient justifier d’une carrière complète». «Cette dernière mesure est rendue d’autant plus urgente par l’allongement de la durée de transition prévue pour la mise en place de la réforme, alors que près de la moitié des agriculteurs ou agricultrices seront en situation de prendre leur retraite dans les dix années à venir et que le montant des retraites et pensions versées actuellement sont les plus basses, toutes catégories de professions comparées. L’ensemble du monde agricole, toutes tendances confondues, ne comprendrait pas le refus de ces adaptations alors que d’autres régimes spécifiques ont déjà obtenu des aménagements très larges dans le projet de texte actuellement à l’étude», expliquent les syndicats agricoles français.
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Congrès de la FNSEA sur le thème du changement climatique
Le prochain congrès de la FNSEA se tiendra les 31 mars, 1 et 2 avril à Niort dans les Deux-Sèvres où 1 200 délégués sont attendus. À l’ordre du jour : le rôle de l’agriculture contre le changement climatique et en faveur de la transition énergétique. Seront notamment abordés le captage du carbone dans le sol, la production d’énergie renouvelable à partir de la biomasse - biocarburants et méthanisation notamment - et le rôle de l’agriculture en faveur de la biodiversité. Ainsi que l’a rappelé Christiane Lambert en présentant le congrès au Salon de l’agriculture, le 28 février, «l’agriculture apporte des solutions à la lutte contre le réchauffement climatique et doit le faire savoir». Il s’agit d’un congrès électif qui procédera au renouvellement de son conseil d’administration. Le nouveau bureau sera élu par le conseil d’administration quelques semaines plus tard.