Agriculture et climat, pieds et poings liés
Scientifiques et agriculteurs se sont mis autour de la table pour parler réchauffement climatique dans la région.
Au-delà des conditions climatiques exceptionnelles de l’année 2016, lourdes de conséquences pour l’agriculture, le climat évolue de façon indéniable. Si ce changement impacte les récoltes dans la région, les pratiques agricoles elles-mêmes ont une part de responsabilité dans la modification du climat. Un constat qui faisait consensus à la Chambre d’agriculture du Nord-Pas-de-Calais, vendredi 4 novembre, où agriculteurs et monde scientifique s’étaient réunis pour débattre de ces questions.
Si une chose est certaine, c’est que le changement climatique va dans le sens d’un réchauffement pour l’ensemble du globe. «Dans le nord de la France, les précipitations sont en augmentation de façon significative à certains mois de l’année et à certaines saisons. Les températures augmentent elles aussi de façon significative, à toutes les saisons», résume Caroline Norrant, de l’Université Lille 1. Et d’ajouter : «Le nombre de jours de gel est en diminution, et celui de nuits tropicales en augmentation.»
Que disent les prévisions ? «Dans le nord de la France, les pluies vont augmenter à l’horizon 2050, puis diminuer à l’horizon 2070-2100, poursuit Caroline Norrant. Concernant les températures, on va vers une augmentation pour toutes les saisons.» Pour résumer, le scénario le plus «statistiquement probable» pour l’avenir «montre des tendances à l’assèchement et au réchauffement, à toutes les échéances.»
Effets positifs et négatifs
Les effets de cette évolution se font déjà ressentir dans le monde agricole. Des effets positifs, comme «une augmentation de la photosynthèse, bénéfique pour les cultures», ou encore «la possibilité d’implanter de nouvelles cultures», énumère Jacques Blarel, de la Chambre d’agriculture. Mais surtout des effets négatifs : «développement des ravageurs et des maladies et en raison de l’absence de gel, déplacement des périodes de récolte des cultures, augmentation des périodes de sécheresse et de canicule, augmentation du stress hydrique…»
Face à un tel constat, des acteurs du monde agricole réfléchissent à des adaptations. «Elles peuvent être de deux ordres, estime Jacques Blarel. Il peut s’agir d’une adaptation de substitution, avec le changement de certaines pratiques. L’objectif ici est de faire fonctionner le système de façon similaire, mais en substituant certaines de ses composantes (choix des variétés, des techniques culturales…). La deuxième solution est une re-conception, une modification en profondeur du système (changement de culture, de rotation…).»
Réduction de la consommation énergétique, production d’énergies renouvelables, stockage du carbone par le maintien des surfaces en prairies… Les pistes sont nombreuses. «Les agriculteurs ne sont pas climato-sceptiques, mais le changement climatique n’est pas prioritaire dans le monde agricole», souligne toutefois Jacques Blarel. Ces adaptations devront donc se faire, bien sûr, en prenant en compte l’aspect économique des exploitations et sans contraintes réglementaires supplémentaires.
Réduire l’emprunte carbone de l’agriculture
Des choses se mettent déjà en place dans la région. La démarche Clim’agri en est un exemple : créée par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), son objectif est d’accompagner l’ensemble d’un territoire et ses acteurs dans une stratégie cohérente de réduction des gaz à effet de serre avec un souci économique. Dans l’élevage, fort contributeur des émissions de gaz à effet de serre, les lignes bougent. Citons les démarches Carbon dairy et Beef carbon pour concilier production et environnement. «Ces deux programmes visent à réduire de 15 à 20 % l’empreinte carbone du lait et de la viande, explique Jean-Baptiste Dollé, de l’Institut de l’élevage. Il y a déjà des résultats encourageants.» Et d’ajouter : «L’objectif est d’avoir une démarche proactive. Il faut que la problématique environnementale soit intégrée dans l’acte de production. Il y a un lien entre l’efficience environnementale et l’économie.»
Les agriculteurs ont donc les clés en main pour faire évoluer leurs pratiques, différents niveaux d’implication étant possibles. Mais la recherche, notamment génétique, ainsi qu’une réglementation plus cohérente seront aussi nécessaires pour faire face à l’enjeu du changement climatique.
Entrée en vigueur officielle de l’Accord de Paris sur le climat
Le vendredi 4 novembre marque une date importante concernant le climat. L’accord de Paris, signé en 2015 à l’occasion de la COP21, entre en effet juridiquement en vigueur. «Aujourd’hui est un grand jour pour l’Europe et pour la planète. Je me félicite que l’Union, en ratifiant rapidement l’accord de Paris, ait permis qu’il entre en vigueur à temps pour notre rencontre de Marrakech», a ainsi déclaré Miguel Arias Cañete, commissaire pour l’action pour le climat et l’énergie. La COP22, qui se déroule depuis le 7 novembre et jusqu’au 18 novembre prochains à Marrakech, est en effet axée sur la mise en œuvre du traité. L’objectif, précise la Commission, est de préparer le démarrage de la plupart des plans nationaux d’action sur le climat dès 2020.