Agroéquipement : la crise s’installe dans la filière
Le retournement du chiffre d’affaires de la filière est manifeste depuis l’été. L’enquête réalisée par Axema et le Sedima fait d’ailleurs état d’un pessimisme plus marqué des acteurs de la filière.
«Depuis que je présente les résultats devant vous, c’est la première fois que l’on traverse une période sensible. Il faut que l’on s’accroche pour pouvoir conserver notre activité», a conclu Patrick Pérard, président d’Axema, le syndicat des industriels de l’agroéquipement, lors du point presse annuel réalisé en commun avec le Sedima, Syndicat national des entreprises de service et de distribution du machinisme agricole, le 12 octobre dernier.
L’enquête menée par les deux syndicats auprès de leurs adhérents, fin septembre et début octobre, indique que si la baisse de l’activité est amorcée depuis 2013, la situation économique des entreprises du secteur a connu une nette dégradation en 2016, avec un retournement du chiffre d’affaires au deuxième trimestre.
67 % des industriels s’attendent ainsi à une baisse de leur chiffre d’affaires sur le marché français cette année, et 30 % prévoient également une baisse de l’activité à l’export, même si certains secteurs sont épargnés (équipements pour la récolte des pommes de terre, pour les vendanges, ou pour la protection des cultures, par exemple). Le retournement est particulièrement net pour les tracteurs et les matériels de travail du sol, dont les professionnels prévoyaient encore un chiffre d’affaires positif au premier semestre de l’année.
Les entreprises de matériels d’élevage et de laiterie, qui subissent une tendance baissière depuis trois ans, prévoient une très forte baisse de chiffre d’affaires au deuxième semestre (c’est notamment le cas de 100 % des entreprises de laiterie interrogées dans le cadre de l’enquête). Du côté de la distribution, le recul des prises de commande atteint 80 % des entreprises pour le neuf, et 70 % pour l’occasion.
La crise s’est aussi accentuée depuis l’été du fait des mauvaises récoltes en grandes cultures : 66 % des entreprises spécialisées dans ce secteur prévoient une baisse de leur chiffre d’affaires supérieure à - 25 %. La tendance baissière se confirme également pour les pièces et le SAV. «Quand les clients n’ont pas de revenu, ils serrent la vis de partout. Les agriculteurs ne font plus de préventif aujourd’hui», explique Raphaël Lucchesi, président du Sedima, qui espère, par ailleurs, obtenir un coup de pouce des pouvoirs publics pour passer cette période difficile.
Maintenir les emplois, un défi
Conséquence du ralentissement de l’activité et des difficultés des agriculteurs, les trésoreries des distributeurs sont de plus en plus tendues, car si les financements sont généralement là lors des achats de gros matériels, il est plus compliqué de se faire payer les prestations de service ou les petits équipements, souligne le Sedima. En septembre 2016, 28 % des entreprises interrogées considéraient la situation de leur trésorerie comme «très difficile», contre 11 % l’année précédente. Ceux qui la jugent normale ne sont plus que 25 %, contre 43 % un an plus tôt.
Les industriels souffrent, quant à eux, de marges de plus en plus faibles, avec une perte de dix points depuis 2008. Une situation qu’ils imputent également à l’augmentation du prix de revient et aux frais liés à la réglementation, et qui est souvent répercutée sur la marge, car trop difficile à faire passer auprès des agriculteurs.
A noter que le taux de marge moyen des distributeurs est également en baisse sur la période 2012-2015. Avec des perspectives qui ne s’annoncent pas meilleures, puisque 61 % des industriels anticipent une baisse de leur chiffre d’affaires au premier semestre 2017, et que la tendance reste franchement baissière dans les commandes de matériel neuf et d’occasion.
Par ailleurs, le maintien des compétences fait partie des défis de la filière. Les techniciens, longs à former et difficiles à recruter, risquent en effet de partir vers d’autres secteurs et ne seront plus là quand l’activité reprendra. De même, fidéliser les commerciaux qui voient leur revenu baisser du fait de la baisse des ventes devient problématique. «Avant, le personnel était très stable, mais l’on constate ces derniers temps une augmentation du turn over», précise Patrick Pérard. La filière prévoit néanmoins de recruter en 2017, sur les fonctions les plus indispensables, comme les techniciens et les commerciaux, au détriment des postes de Recherche et Développement, qui constituaient auparavant une part importante des recrutements.