Aviculture : comment réussir en volailles de chair bio ?
La demande est là, mais la maîtrise technique et le respect de la réglementation restent essentiels à la bonne marche d’un atelier d’élevage de volailles de chair bio.
Se lancer dans l’élevage de volailles de chair bio, est-ce vraiment faire de la concurrence à la poule aux œufs d’or ? Pour Bio en Hauts-de-France, l’association qui regroupe les ex-Gabnor et Agriculture biologique de Picardie, la demande pour ce genre de produits est bien réelle et n’est pas encore satisfaite. De quoi susciter des vocations chez de futurs éleveurs, à condition de mesurer les risques associés à la production de volailles, d’avoir une certaine affinité avec ce type d’élevage et de bénéficier d’une bonne maîtrise technique.
Pour le conseiller spécialisé en productions animales de Bio en Hauts-de-France, Bruno Retailleau, «le fait qu’il y a peu de producteurs de volailles de chair bio s’explique par un manque de structuration d’une filière longue, mais cela est en train de changer. Jusqu’à présent, les éleveurs de volailles de chair bio pratiquaient plutôt la vente directe, contrairement à ce qui se passe dans la filière œufs de plein air qui compte plus d’acteurs».
Fin de semaine dernière, dans le Boulonnais, deux groupements de producteurs - Norvolailles et Groupement des producteurs de volailles de Licques (GPLV) -, et leurs abattoirs partenaires témoignaient de leur volonté à accompagner de nouveaux éleveurs dans la production de volailles de chair bio.
Parcours herbagers, céréales et surfaces bio
L’élevage de volailles sous l’appellation Agriculture biologique (AB) répond à un cahier des charges spécifique, proche de celui qui s’impose à la production Label Rouge, même s’il diffère sur certains points. Eleveurs de volailles bio et Label Rouge ont, par exemple, en commun l’obligation d’un parcours en herbe. En bio, l’accès au parcours doit être de 4 m2 par poulet de chair et pintade, 10 m2 par dinde, pendant au moins un tiers de leur vie. Le temps de conversion du parcours extérieur est d’un an. Il peut être ramené à six mois à condition qu’aucun produit interdit en bio n’ait été utilisé lors de l’année précédente.
L’âge minimum d’abattage est de 81 jours pour les poulets, 94 jours pour les pintades et 100 jours pour les dindes. La taille maximum autorisée des bâtiments est de 1 600 m2, comprenant un tiers de la surface en dur, 4 mètres de trappe pour 100 m2, et pouvant au maximum abriter 4 800 poulets, 5 200 dindes ou 2 500 dindes.
Un minimum de deux semaines de vide sanitaire pour le bâtiment est requis, après nettoyage et désinfection. Le parcours doit, quant à lui, être libre pendant huit semaines pour permettre la repousse de la végétation. Le cahier des charges bio impose, en outre, un lien fort avec le sol.
L’alimentation des volailles doit être bio, même si un pourcentage d’aliments de surfaces en conversion (C2) est autorisé (30 % maximum). Au moins 20 % de la ration doit être produite sur l’exploitation, ou en coopération avec d’autres exploitations de la région. Les effluents doivent, quant à eux, être épandus sur des surfaces bio.
En matière de santé, un traitement allopathique est autorisé par an. Les vaccins et antiparasitaires sont autorisés, moyennant un délai d’attente avant commercialisation multiplié par deux ou de 48 heures maximum.
La mixité des espèces n’est, quant à elle, pas possible au sein d’une même ferme, ni dans les bâtiments et parcours. Autrement dit, «on peut avoir des volailles de chair en bio et des vaches laitières en conventionnel sur une même exploitation, mais il n’est pas possible d’avoir à la fois des volailles de chair en bio et des poules pondeuses en conventionnel», explique Bruno Retailleau.
En résumé, pour un bâtiment de 120 m2, à raison de 1 200 poulets par bande, il faut prévoir un parcours de 0,48 hectare. Pour trois bandes par an, soit 3 600 poulets, il faut consacrer 1,3 hectare de surfaces épandables et 1,4 hectare de cultures biologiques associés à l’atelier volailles. Pour un bâtiment de 400 m2, 1,6 hectare de parcours est nécessaire pour l’élevage de 4 000 poulets par bande. A raison de trois bandes par an, il faudra compter 4,4 hectares de surfaces épandables et 4,8 hectares de cultures biologiques.
Quelle rentabilité ?
La rentabilité d’un atelier de volailles de chair bio dépend essentiellement de l’indice de consommation (IC) et du taux de mortalité des animaux. A taille de bâtiment égale, sur la base d’un investissement de 80 000 à 90 000 € par bâtiment (400 m2), le revenu annuel varie de 4 307 € à 874 €, selon que l’IC soit de 2,9 ou de 3,1, avec un GMQ (gain moyen quotidien) de 26 et un prix de reprise de 2,85 €/kg vif.
Avec un indice de consommation de 2,9, suivant que le taux de mortalité soit de 4 % ou de 7 %, le revenu passe, quant à lui, de 4 040 € à 1 736 €, avec un GMQ de 26 et un prix de reprise de 2,93 €/kg vif.
En résumé, la création d’un atelier volailles bio peut être la source d’un revenu complémentaire sur une exploitation que l’on cherche à conforter, à condition d’intégrer les investissements dans le projet, et d’être vigilant sur les résultats techniques.
Il faut s’engager dans une démarche de qualité pour être aidé
La conversion d’un certain nombre d’hectares à l’agriculture biologique permet de bénéficier d’une aide à l’hectare dans le cadre de la politique agricole commune (Pac). Ainsi, rien que la mise en place d’un parcours herbager bio, nécessaire à l’élevage de volailles, permet de prétendre à une aide de 130 €/ha.
A l’échelle de la région Hauts-de-France, s’engager dans une démarche de qualité peut aussi être accompagné au travers d’une dotation spécifique. Cette aide intéresse les agriculteurs qui se lancent dans une démarche qualité pour la première fois, et permet la prise en charge du coût de la certification et de certains investissements, en fonction d’une grille d’évaluation. Pour cela, trois appels à projets sont organisés chaque année. Actuellement, l’un de ces appels à projets est ouvert jusqu’au 12 juin prochain.
Enfin, le troisième type d’aides est celui qui accorde sans doute le plus de soutien, mais il est aussi le plus incertain, puisqu’il s’agit des aides attribuées dans le cadre du Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE). Ces aides sont financées à la fois par l’Union européenne, l’Etat, la Région et l’agence de l’eau Artois-Picardie. Pour y prétendre, il faut cumuler un minimum de 80 points dans une grille d’évaluation. Certains critères, comme le fait d’être jeune installé de moins de quarante ans, apporte un nombre de points non négligeable. Le taux de subvention pouvant être obtenu pour un investissement peut atteindre 40 %, même s’il existe, en plus, des possibilités de majoration de 10 à 20 %, avec un plafond allant de 4 000 € à 100 000 €. La date limite de dépôt des dossiers pour le PCAE en cours est fixée au 25 mai 2018. Pour Florine Serrurier, conseillère avicole à la Chambre d’agriculture Nord-Pas-de-Calais, «c’est une aide qu’il faut voir comme un bonus parce qu’on est jamais sûr de l’obtenir et parce qu’elle met un certain temps à être versée».
L’offensive de Norvolailles et Péniguel
En novembre dernier, le groupement de producteurs de volailles Norvolailles et l’abattoir Péniguel, installé à Wirwignes, étaient déjà de la partie lorsqu’il s’agissait de lancer une filière régionale de production de volailles bio. Quelques mois plus tard, «nous avons toujours la demande, mais nous n’avons pas la production», admet le directeur du groupement, Thomas Dutois. Pour les éleveurs tentés, le groupement met à disposition un dispositif «clés en main» et n’hésite pas à fournir des chiffres : coût de l’investissement, temps de travail, résultats technico-économiques, rentabilité du projet (hors aides) et bilan prévisionnel. Ainsi, pour un investissement global de 90 000 €, Norvolailles table sur une marge avant impôts et MSA de 6 463 € pour un bâtiment de 400 m2 pouvant accueillir 3,2 lots par an. Dans l’idéal, les futurs bâtiments devraient se situer dans un rayon proche de l’abattoir Péniguel de Wirwignes ; autrement dit dans le Boulonnais. Mais le groupement se montre prêt à élargir sa zone de chalandise puisqu’aujourd’hui, sur les quatre bâtiments d’élevage lui fournissant des volailles bio, tous sont installés dans la Somme.