Bailleurs : sécurisez vos loyers
Les craintes sur les impayés de loyers, tant pour les baux d’habitation que commerciaux existent. Comment sécuriser ses loyers et agir dans ce genre de situation ?
Les craintes sur les impayés de loyers, tant pour les baux d’habitation que commerciaux existent. Comment sécuriser ses loyers et agir dans ce genre de situation ?
Des impayés qui s’accumulent jusqu’à mettre les propriétaires en difficulté. Les bailleurs ont tout intérêt à sécuriser dès aujourd’hui leurs loyers pour protéger leurs revenus futurs. Il existe plusieurs solutions pour cela.
Caution solidaire
La plus classique est d’opter pour une caution solidaire. Il s’agit d’une personne solvable qui accepte de s’engager par écrit pour le compte de votre locataire. Concrètement, elle se porte garante de lui et accepte de payer l’intégralité du loyer et des charges en cas de défaillance. L’avantage de cette solution, c’est qu’elle ne coûte rien et responsabilise le locataire. En cas d’impayé, le cautionnaire active le locataire pour régler le loyer. L’inconvénient est que la caution n’est pas infinie, car elle est délivrée pour une durée précise, en général, la durée initiale du bail. Si votre locataire reste au-delà du bail, vous n’aurez plus de recours une fois la caution dégagée de ses obligations. Autre point, si la personne qui se porte caution ne peut pas payer, vous devrez intenter une action en justice contre elle pour récupérer vos loyers impayés.
Garantie visale
Concrètement, elle couvre les impayés, dans la limite de trente-six mensualités sur toute la durée d’occupation, et les dégradations, dans la limite de deux mois de loyer, charges comprises, sans carence et sans franchise. Cette option est une solution alternative et elle est gratuite. Le bailleur peut exiger un dépôt de garantie. Proposé par Action logement, ce dispositif de sécurisation des loyers offre les mêmes avantages qu’un contrat de cautionnement. Pour en profiter, vous devez faire la demande sur internet www.visale.fr au plus tard le jour de la signature du bail, car il est impossible de mettre cette garantie en place en cours de contrat. Attention, le loyer, charges comprises, ne doit pas dépasser 1 300 € en région et 1 500 € à Paris. Cette garantie s’adresse aux jeunes de moins de trente ans, sauf étudiants non boursiers rattachés au foyer fiscal de leurs parents, et aux salariés de plus de trente ans, d’une entreprise du secteur privé hors agricole depuis moins de six mois, entrant dans le logement avant la fin du contrat de travail. Il est impossible de cumuler caution (solidaire ou garantie visale) et assurance loyers impayés, sauf si votre locataire est un étudiant. Pour toutes les autres situations, vous devrez choisir entre ces deux solutions.
Assurance «loyers impayés»
À la différence d’une caution, une assurance GLI (garantie loyers impayés) peut être souscrite à l’entrée dans les lieux du locataire ou ultérieurement. Dans ce deuxième cas, il ne doit pas y avoir eu d’incident de paiement du loyer dans les six mois qui précèdent. En outre, l’assureur vous imposera quasiment toujours une période de carence, de quelques mois, durant laquelle les impayés ne seront pas couverts. La majorité des contrats de GLI couvrent les impayés de loyers, mais aussi les éventuelles dégradations dans le logement, si le montant des réparations dépasse le dépôt de garantie, ainsi que les frais d’avocat en cas d’action en justice et d’huissier pour le recouvrement des loyers impayés. Attention, pour être éligible à une GLI, vous devez louer à un locataire qui répond à certaines conditions : il doit justifier d’une situation professionnelle stable (CDI, CDD avec une durée résiduelle longue ou indépendant avec plusieurs années d’exercice) et être solvable. Il est aussi quasi impossible de souscrire une telle assurance s’il ne gagne pas au moins trois fois le montant du loyer et des charges. Enfin, tous ces critères sont examinés à la signature du contrat. Ainsi, si la situation de votre locataire se détériore par la suite (licenciement, perte de revenus…), vous restez couvert dans les mêmes conditions.
Pour obtenir une GLI, vous pouvez la souscrire directement auprès d’un assureur. Dans ce cas, faites-vous épauler par un professionnel ou lisez bien toutes les clauses car, d’un contrat à l’autre, elles diffèrent (notamment sur les exclusions et les modalités de déclarations de sinistres). Mieux vaut fuir les contrats limitant la durée de la couverture pour privilégier ceux qui assurent jusqu’à un certain montant, en général plus protecteurs. En souscription individuelle, ces contrats sont facturés entre 3 et 4,5 % du montant des loyers encaissés, les cotisations étant déductibles de vos revenus fonciers. Pour payer moins cher, vous pouvez souscrire cette couverture chez votre gestionnaire locatif. Bien souvent, les administrateurs de biens proposent cette garantie couplée à la gestion d’un bien locatif. En général, leurs contrats sont de bonne qualité et sont facturés entre 1,7 et 3 % du montant des loyers.
Attention, si votre locataire ne règle pas son loyer, vous devez respecter un formalisme précis. En général, dès le premier impayé, il faut envoyer une lettre de relance puis une mise en demeure. Sans réaction de la part du locataire, contactez l’assurance en lui joignant tous les justificatifs pour qu’elle prenne le relais. Bon à savoir : le temps de mise en place de l’indemnisation oscille en général entre deux et quatre mois mais, comme la GLI est rétroactive, vous ne perdrez pas d’argent si votre locataire est défaillant.
Soyez réactifs !
En cas de défaillance de votre locataire, ne restez pas sans réagir et ne laisser pas «pourrir» la situation. Contactez-le en lui demandant s’il s’agit d’un simple oubli ou s’il rencontre des difficultés. Dans le second cas, envisagez une solution avec lui, une éventuelle réduction sur le loyer ou un report d’échéance avec un plan précis d’échelonnement de son loyer non payé. S’il accepte, mettez par écrit votre accord et signez-le tous les deux. S’il ne répond pas ou ne respecte pas ses engagements, envoyez-lui un commandement à payer par voie d’huissier. Il aura alors deux mois pour régulariser sa situation ou, à nouveau, trouver un accord avec vous. À défaut, vous pourrez demander la résiliation de son bail, à condition que ce dernier intègre une clause qui le prévoit. Attention, si une personne s’est portée caution, vous avez quinze jours pour lui signaler le commandement à payer à partir du moment où votre locataire a été prévenu. Et si vous êtes assuré par une garantie de location d’impayés, vous devez faire valider tout arrangement amiable (remise de loyers notamment) par votre compagnie ou votre prestataire au risque de perdre votre couverture.
«Redoublez de vigilance»
Édouard S., agriculteur près de Domart-en-Ponthieu, gère la location de la maison de sa mère, aujourd’hui en maison de retraite. Le non-paiement du loyer les place dans une situation délicate. Il témoigne pour alerter.
«En campagne, on baigne dans la bienveillance et la confiance. Aujourd’hui, je me rends compte que j’ai été “trop bon, trop con“», regrette Édouard S. L’agriculteur près de Domart-en-Ponthieu gère la location de la maison de sa mère partie en maison de retraite, voisine de la sienne. Sa malheureuse expérience l’a poussé à témoigner. «Je veux alerter les autres propriétaires. Il faut redoubler de prudence et de vigilance, car il y a plus d’escrocs qu’on ne le pense.»
Les mensualités de 720 € sont précieuses pour contribuer au paiement de la maison de retraite, qui s’élève à près de 2 000 € par mois. Après la signature d’un bail notarié, un couple de locataires sont entrés dans cette maison en juillet 2019 et, au début, «tout allait bien.» «Ils payaient correctement. Comme la maison est attenante à une pâture, je leur ai laissé un bout de terrain pour mettre leur poney. Mais ils ont pris de plus en plus de place. Ils ont installé une piscine sur ce terrain, puis des ruches… Des carcasses de voitures se sont accumulées…» Surtout, depuis juin, plus aucun loyer n’a été payé.
Édouard a d’abord tenté la discussion. «L’homme est devenu agressif. Alors j’ai pris la décision de faire appel à un huissier.» Celui-ci s’est rendu au domicile des locataires, leur délivrant une sommation de payer. Celle-ci informe le débiteur des risques de poursuites judiciaires s’il ne fait pas droit à la demande de paiement… Mais elle ne vaut toutefois pas titre exécutoire. «Autrement dit, le locataire peut toujours refuser de payer. Rien ne l’y oblige !», s’étonne encore l’agriculteur. Le bail n’offre aucune garantie lui non plus. En août, du mouvement chez ses voisins laisse entendre à Édouard que ceux-ci vont déménager. Ce qu’ils font en septembre, sans même l’avoir averti. «L’huissier m’a conseillé d’engager une procédure d’abandon. Sans cela, nous ne pouvons pas remettre la maison en location. Mais ceux-ci ont répondu par courrier qu’ils habitaient toujours là !» Seule solution : engager une lourde procédure d’expulsion, alors que la maison est vide depuis bientôt quatre mois. «On marche sur la tête !» Avec l’attestation de la MSA, qui verse l’APL (aide personnalisée au logement) à ces locataires pour un autre domicile, Édouard espère que le tribunal entendra sa requête. Une convocation a été donnée le 6 décembre.
En attendant, l’histoire lui servira de leçon. «Je me suis renseigné trop tard sur ces personnes. J’ai découvert qu’ils avaient eu le même comportement avec leurs précédents propriétaires.» La prochaine fois, il prendra toutes les précautions nécessaires : «demandes de justificatif de revenus, de garants, d’une quittance des six derniers loyers et vérifier son authenticité…» Le généreux regrette cette position mais assure ne plus avoir le choix : «ces malhonnêtes font du tort aux suivants, qui seront peut-être très respectables, mais dont j’aurais appris à me méfier.»
Alix Penichou