Beurre : prix, pénuries… A quoi faut-il s'attendre ?
Le cours du beurre a augmenté de 172 % en vingt mois en raison de la forte demande mondiale. Des premiers cas de pénuries ont été signalés ces derniers jours dans certains supermarchés de la région.
Déguster une tartine de beurre ou un croissant va-t-il bientôt devenir un luxe ? Possible, à en croire le cours du beurre qui ne cesse de grimper depuis un an et atteint aujourd’hui des sommets. Les causes de cette flambée sont multiples, ses répercussions aussi.
Deux principaux éléments de hausse
L’augmentation du prix du beurre est due à la concordance de plusieurs facteurs. Tout d’abord, une demande de plus en plus forte à travers le monde, notamment de la part des Etats-Unis et des pays émergents. «Comme en Europe, les habitudes alimentaires évoluent en Asie et le beurre est à nouveau perçu d’un bon œil au détriment de l’huile de palme ou des margarines», indique Frédéric Blondel, animateur de l’Association départementale des producteurs de lait du Pas-de-Calais (ADPL 62). Le beurre retrouve sa place sur la table des consommateurs ; il est moins perçu comme étant mauvais pour la santé. Un effet de mode qui perdure depuis un an et demi : 162 000 tonnes de beurre européen ont été exportées rien qu’en 2016. Ce n’était plus arrivé depuis 2010.
L’élévation de la demande, et donc du prix, est également tirée par la conjoncture laitière. La production française de lait a diminué depuis deux ans. Entre janvier et juillet 2017, la collecte est en retrait de 2,6 % par rapport à l’année dernière. «Les conditions météorologiques de l’été ont perturbé la pousse de l’herbe et par conséquent modérées la production de manière temporaire», poursuit le responsable de l’ADPL. Les qualités nutritionnelles des fourrages étant altérées dans l’ensemble, le lait est moins riche, ce qui nuit à la fabrication du beurre. Le manque de matières grasses pourrait perdurer jusqu’à la fin de l’année et conduire le prix du beurre à battre de nouveaux records.
Des producteurs locaux sollicités
Si ce contexte profite moyennement aux éleveurs (hausse chétive du prix du lait durant le dernier trimestre), les consommateurs commencent à en subir les conséquences. Le fort accroissement des prix concerne essentiellement le beurre industriel, mais celui en magasin a tout de même augmenté de 5 % en quelques mois. «L’augmentation se fait plus progressivement en France à la différence de la Belgique et de l’Allemagne», signale Hugues Beyler, directeur agricole de la Fédération du commerce et de la distribution (FCD). Outre-Rhin, la plaquette de 250 g est, en effet, passée de 1,05 € à 2 € en douze mois. Il n’empêche que des rayons de supermarchés des Hauts-de-France se sont récemment retrouvés sans aucune plaquette de beurre. «L’approvisionnement de certains rayons peut être ralenti, mais il n’y a pas pénurie», temporise le représentant de la FCD. Cette situation bénéficie néanmoins à quelques producteurs régionaux de beurre en vente directe qui ont été contactés en urgence par des grossistes ou des transformateurs pour les fournir. «Nos tarifs se sont équilibrés avec ceux du beurre industriel ou d’importation, ce qui fait que la demande est là, explique Christophe Dejong, producteur de beurre fermier à Carnin (59) et administrateur de l’Association régionale des vendeurs directs de produits laitiers (AVRD). C’est un fait inédit.» De quoi mettre un peu de beurre dans les épinards.
Les boulangers en pâtissent
Premiers concernés par cette envolée des cours du beurre, les boulangers commencent à augmenter leurs prix. Une manière d’absorber le coût de leur principale matière première. «Une cotation à 6,80 euros le kilo, c’est la réalité à laquelle les industriels du secteur de la boulangerie, pâtisserie et viennoiserie sont confrontés», décrit le dernier communiqué de la Fédération des entreprises de boulangerie (FEB). Certains de leurs produits, composés à plus de 25 % de beurre, comme les croissants par exemple, verront «augmenter leur prix de vente». Le beurre est en effet l’élément indispensable de la plupart des recettes. «Il faut donc être conscient que le prix des produits vendus aux consommateurs doit évoluer également, prévient la FEB. C’est la seule solution pour pérenniser la viabilité des entreprises qui ont fait de la qualité gustative et du “made in France” un atout de vente essentiel et sont touchées de plein fouet par cette crise.» L’addition des bouchées sucrées va donc être plus salée.