Bientôt un fonds de dotation carbone pour les agriculteurs
La mission Rev3 a annoncé la création d’un fonds de dotation carbone à destination des agriculteurs.
«Un sol vivant, c’est un sol qui fait le travail à la place de l’agriculteur.» Bastien Sachet, directeur de The Forest Trust (TFT), définit l’enjeu d’entrée de jeu. La société à but non lucratif était aux côtés de Philippe Vasseur, le 3 juillet dernier, à Lille, pour une annonce importante : «TFT et Rev3 vont développer en Hauts-de-France un système d’incitation financière d’un nouveau genre, une sorte de fonds pour des sols agricoles vivants», a fièrement déclaré le président de la mission Rev3, cheville ouvrière de la troisième révolution industrielle en Hauts-de-France.
Ce fonds rétribuera les agriculteurs dont les pratiques stockent plus amplement le carbone dans la terre. «Le sol est une arme extraordinaire, mais sous-utilisée contre le changement climatique, plaide Bastien Sachet. Il existe beaucoup d’initiatives sur le terrain. Poussons le monde économique à les soutenir !»
Un fonds d’un nouveau genre
L’idée d’un système incitatif fait l’unanimité. «Seules l’agriculture et la forêt ont les capacités de nous faire atteindre la neutralité carbone, affirme Olivier Dauger, président de la Chambre d’agriculture de l’Aisne. Mais il n’y aura pas de révolution sans revenu pour les professionnels de ces secteurs.»
En ce qui concerne le mécanisme concret du fonds, peu d’informations pour l’instant. Mais le président de la mission Rev3 le martèle : «Nous allons le faire. Depuis le lancement de Rev3, on nous dit régulièrement que nos projets sont impossibles. Jusqu’ici, nous les avons toujours concrétisés !»
Acheter du temps
Agriculteur à Guînes et auteur d’un blog sur l’agroforesterie, Marc Lefèvre a fait le constat de la déstructuration de ses sols il y a une vingtaine d’années. Arrêt du labour, plantation de haies et de bandes fleuries entre ses parcelles… «On peut changer sa façon de travailler, mais il faut le temps que le sol s’adapte.» A ses côtés, Alexandre Deroo, un confrère membre de Sols verts qui a arrêté le labour, témoigne : «J’ai vite compris que notre sol n’était pas qu’une bande de 20 cm d’épaisseur. Il se passe des milliards de choses en dessous.» Pour eux, il est crucial de donner aux agriculteurs la capacité de mettre de l’argent de côté et de se former à la conservation du sol.
Accompagnatrice des projets agro-environnementaux pour la Chambre d’agriculture de l’Oise, Laurence Legrand prévient : «L’incitation financière est nécessaire et l’effet de groupe peut entraîner les plus réticents. Mais le temps administratif n’est pas toujours le même que celui des professionnels. Les retards de paiement, qui sont de deux ans aujourd’hui pour le dispositif des mesures agro-environnementales, n’engagent pas à se lancer…» Vifs hochements de têtes dans la salle.
Taux de couvert végétal
Mais sur quelle base rétribuer l’agriculteur ? Retour de TFT sur l’estrade. «Pour éviter que le coût de la vérification des aides accordées mange toute la dotation, reprend Bastien Sachet, notre idée est de se baser sur le taux de couvert végétal.» C’est au tour d’Hervé Poilvé, d’Airbus, de prendre la parole : «De nouveaux satellites européens permettent aujourd’hui de repérer la végétation photosynthétique et d’assurer un suivi des couverts végétaux. Bientôt, nous pourrons évaluer le potentiel de captation de carbone d’une parcelle.»
Il cite l’outil en libre accès Siméos AMG, qui permet de calculer dans la durée l’évolution du carbone stocké dans le sol. «Les déclarations des agriculteurs pourront être vérifiées par ces outils, argumente Bastien Sachet. Cela peut donner confiance à des investisseurs. Si on sait envoyer des êtres humains sur la lune, on doit pouvoir faire ça !»