Biocontrôle : comment assurer le déploiement ?
A l’occasion de son colloque annuel, l’association IBMA France, qui regroupe les entreprises du biocontrôle, a fait le point sur les principaux freins au déploiement des produits de biocontrôle.
«Notre ambition, c’est d’atteindre 15 % sur le marché de la protection des plantes, car c’est à partir de ce seuil que la part de marché devient irréversible», rappelle Antoine Meyer, président d’IBMA France, à l’occasion du colloque annuel organisé par l’association le 29 janvier dernier. Aujourd’hui, le biocontrôle ne représente que 5 % du marché de la protection des plantes, alors que la demande sociétale pousse de plus en plus à la réduction des pesticides chimiques de synthèse. Comme le confirme Bertrand Swiderski, directeur RSE du Groupe Carrefour, «le client a changé, il veut plus de durable, protéger l’environnement, il veut décider lui-même, et nous devons traduire cette transition en transition des produits».
De l’autre côté de la chaîne alimentaire, en amont, les agriculteurs évoluent dans leurs pratiques. D’après les résultats de l’étude menée au second semestre 2018 par AgroParisTech pour le compte d’IBMA, sur près de six cents agriculteurs français, 41 % des exploitants en agriculture conventionnelle utilisent des produits de biocontrôle, tout comme 50 % des agriculteurs bio. La proportion varie en fonction des filières, allant de 22 % en polyculture, 34 % en grandes cultures, 65 % en arboriculture, et jusqu’à 84 % en maraîchage. Les produits de biocontrôle bénéficient, par ailleurs, d’une bonne image auprès des agriculteurs, et 93 % de ceux qui en utilisent ont l’intention de continuer à en utiliser à l’avenir.
Efficacité et accompagnement
Cependant, les agriculteurs attendent des améliorations au niveau des produits de biocontrôle et évoquent le coût trop élevé des produits, leur manque d’efficacité et, pour 70 % des agriculteurs interrogés, le manque d’accompagnement. Un besoin renforcé par le changement de paradigme, comme l’explique un producteur de carottes dans les Landes : «Avec le biocontrôle, il faut faire du préventif, le curatif ne fonctionne pas.»
Or, pendant longtemps, «la commande passée à l’agriculture française a été de produire beaucoup et pour pas cher, ce qui reposait sur l’énergie à bas coût, et sur la chimie, rappelle Christian Pèes, vice-président de Coop de France. Aujourd’hui, il ne s’agit pas d’une simple substitution, il faut tester, changer les itinéraires techniques… En agriculture, le pas de temps de l’innovation est de dix ans».
Il le reconnaît, les coopératives ont peut-être été un peu en retard sur le sujet, parce que «c’est la culture d’entreprise que l’on doit changer au sein de nos équipes». Pour autant, l’accompagnement reste, selon lui, la priorité des coopératives. Et si les conseillers n’orientent pas toujours vers les solutions de biocontrôle, c’est aussi parce qu’elles ne sont pas toutes stabilisées et ne peuvent pas garantir l’efficacité au producteur agricole qui a besoin d’assurer son revenu, d’autant que l’agriculteur qui utilise des produits de biocontrôle n’est pas forcément rémunéré plus cher pour sa production.
Le besoin de développer des solutions de biocontrôle est donc crucial, pour couvrir tous les usages, et pour renforcer la formation car, explique Antoine Meyer, «chaque fois qu’un produit est autorisé, l’entreprise qui le met sur le marché accompagne le déploiement sur le terrain».
Le président d’IBMA souhaite une majoration du taux de crédit d’impôt recherche pour les produits de biocontrôle (majoration que l’Assemblée nationale a rejeté lors du vote du PLF 2019), mais qui permettrait d’investir près de cent millions d’euros, au lieu de dix-sept millions d’euros aujourd’hui. Une différence très importante pour ce marché, qui ne représente que cent quarante millions d’euros, et qui, au regard de sa petite taille, n’attire pas beaucoup les entreprises.
L’importance de mettre en marché de nouvelles solutions est confirmée par Roger Genet, directeur général de l’Anses. «Faute d’avoir répondu à la question du bon usage, on va de plus en plus vers des interdictions, sans développement suffisant des alternatives. C’est un vrai problème de société», dit-il. Pour soutenir davantage le secteur, une stratégie nationale Biocontrôle doit être finalisée, dans les mois qui viennent, par le ministère de l’Agriculture, a confirmé Patrick Dehaumont, directeur général de l’alimentation au ministère de l’Agriculture. Elle comprendra quatre axes : encouragement à l’innovation, simplification des procédures, déploiement et accompagnement des agriculteurs, promotion au niveau européen.