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Canal Seine-Nord Europe : la révolte des élus locaux a payé

Plus de cinq cents élus de la région Hauts-de-France ont répondu à l’appel à manifester de la Région et des Départements, à Amiens, lors de la visite du président de la République, le 3 octobre dernier.

«Après l’appel de Péronne, l’appel d’Amiens ce jour, on propose la pelle au mortier», clame le député de la 5e circonscription de la Somme, Stéphane Demilly. Un appel auquel ont répondu plus de cinq cents élus des Hauts-de-France, sous les fenêtres de la Région, à Amiens, lors de la venue d’Emmanuel Macron ce même jour. En parallèle, la France Insoumise s’était invitée à la partie des élus, à quelques centaines de mètres de la manifestation, avec sono à fond, slogans et chants repris en chœur, dont le célèbre «Merci patron».
«Ceux qui font de la musique et sifflent ne couvriront pas la voix des élus qui se battent pour l’emploi dans notre région. On demande juste à l’Etat de respecter sa parole. Nous, on ne crie pas, on ne siffle pas, on est ici juste pour faire entendre notre volonté de mener à bien le projet du canal Seine-Nord Europe», tonne le président de Région, Xavier Bertrand. Avant de regretter «qu’il ait fallu rassembler les élus et convoquer de force le conseil de surveillance du canal, ce jour, simplement parce que le président de la République était là, afin d’obtenir le feu vert de l’Etat. On demande que les engagements pris par l’Etat soient tenus et qu’on nous laisse faire».

Signaux positifs
Dès la veille, quelques signaux étaient cependant au vert. Dans un courrier adressé ce jour-là aux élus, le Premier ministre, Edouard Philippe, relevait que «le degré d’avancement des études et les retombées économiques pour la région Hauts-de-France conjugués à l’importance du report modal dans la transition énergétique et écologique en font un projet que l’Etat considère avec attention». Et d’engager «le gouvernement à étudier [avec eux] les solutions qui permettront la sécurisation du financement du projet et je vous propose de travailler ensemble».
Cinq axes ont été retenus : la régionalisation du projet ; la sécurisation des financements européens ; la mise en place d’un cadre juridique pertinent en cas de besoin de ressources financières régionales supplémentaires ; l’engagement du milliard venant de l’Etat sous forme d’un emprunt de la société de projet, remboursé par des annuités financées elles-mêmes par des taxes nationales à assiette locale ; et, enfin, le financement intégral par les collectivités territoriales des travaux sur la période 2018-2020. Puis de conclure que sur ces bases «le projet peut donc aller de l’avant».
Autre signal positif : Xavier Bertrand est nommé à la tête du conseil de surveillance du projet du canal et Stéphane Demilly intègre le comité stratégique. «On va enfin prendre les manettes», commente le député qui, le lendemain, constituait le groupe du canal réunissant députés et sénateurs pour continuer à faire pression sur l’Etat. La régionalisation du projet est donc en bonne voie, faisant dire au président du Département de la Somme, Laurent Somon que «le canal est de nouveau en marche et à flot. On ne lâchera rien désormais».
Dernier signal, et pas des moindres. Lors du déjeuner, auquel étaient conviés tous les députés, les sénateurs et les présidents de Région et des Départements (seul absent : François Ruffin, député de la France Insoumise pour la 1re circonscription de la Somme), le président de la République entouré de quatre de ses ministres(1) a confirmé toutes les pistes proposées par le Premier ministre. Et cerise sur le gâteau. «Macron m’a dit : ton canal, on va le faire», raconte Stéphane Demilly. Phrase que le président de la République lui aurait glissée lorsque le député le raccompagnait à sa voiture.

La vigilance reste de mise
Les rebondissements n’ayant pas manqué depuis le lancement du projet font que les élus restent cependant sur leurs gardes. «Le canal est un gros projet. Il est enfin sorti de l’ornière, dit le président du Département du Nord, Jean-René Lecerf. Aujourd’hui, nous avons eu un geste d’amour. Il nous faut à présent des preuves d’amour. L’Etat nous dit qu’il faut ce canal, que les collectivités paient tout et l’Etat le reste. On ne peut pas en rester là !» Et le président de faire référence à la contribution de l’Etat d’un milliard d’euros, qui serait financée non pas par une contribution budgétaire directe, mais par des taxes locales.
Or, les collectivités ont déjà prévu des taxes pour financer l’emprunt de 776 millions d’euros qu’elles ont proposé de garantir à la place de l’Etat. Du coup, se pose la question de la concurrence possible des taxes. «Si l’Etat pense à une écotaxe, c’est niet», s’insurge le président de la Région, Xavier Bertrand. Le ministre de l’Action et des comptes publics aurait plusieurs idées sur le sujet, mais ne les a pas dévoilées pour le moment. «Je sais qu’il se démène pour trouver des solutions. Je pense que c’est un allié du canal, mais on attend de voir ce qu’il va proposer», commente Stéphane Demilly. Pour Stéphane Bignon, sénateur de la Somme, «l’important est que la discussion ait repris. Sur le sujet des taxes, tout est à construire certes, mais on peut en discuter. Il ne faut pas voir ce sujet comme un point d’arrivée, mais comme un point de départ».
Avant la fin du mois, Xavier Bertrand convoquera un nouveau conseil de surveillance. Des réunions d’information sont également prévues sur l’ensemble du territoire pour mobiliser les populations. Les élus des Hauts-de-France n’ont pas fini de mettre la pression sur le gouvernement tant qu’ils n’auront pas l’assurance définitive que le projet du canal sera bel et bien dans les starting-blocks.

(1) Elisabeth Borne (Transports), Gérald Darmanin (Action et comptes publics), Benjamin Griveaux (secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Economie et des finances) et Jacques Mézard
(Cohésion des territoires).

Paroles d’élus locaux

- Frédéric Lecomte, maire de Falvy : «Nous sommes en plein dans le périmètre du canal. On travaille sur ce projet depuis 2004. Des entreprises cherchent à venir s’installer chez nous. Deux d’entre elles se sont déjà installées, Léonard Spurgin et Nigay, avec à la clé une moyenne de 80 emplois directs. On a fait des réserves foncières pour les accueillir, ainsi qu’une plate-forme tri-modale. Si le canal ne se fait pas, tout le développement économique se perdra.»

- Pierre Hondermarck, maire de Saint-Christ-Briost : «On est assis sur le canal. Nous avons perdu de bonnes terres agricoles avec les emprises foncières. Alors, le canal, on le veut, car nous attendons un retour sur investissement.»
- Jacques Merlier, maire de Mesnil-Saint-Nicaise, vice-président de la Communauté de communes de l’est de la Somme : «Sur notre commune, nous accueillons la plate-forme multimodale d’une superficie de 33 ha pour Mesnil et de 40 ha pour Nesle. Les enjeux économiques sont énormes pour nos deux communes, même si on ne peut pas les chiffrer. D’ores et déjà, le groupe Ramery a acheté 35 ha sur notre commune. Ce canal est vraiment nécessaire pour nous.»
- José Riauja, maire de Nesle : «L’impact est énorme pour nous, comme pour notre intercommunalité, et même pour le Nord de l’Europe. J’irais même plus loin : il est aussi important pour Le Havre. Ce que je regrette, c’est que cela fait bien longtemps que ce projet aurait dû être réalisé.»

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