Ce qu’il faut retenir de l’examen de la loi Egalim 2 au Sénat
Portée par le député Grégory Besson-Moreau, la proposition de loi visant à protéger le revenu des agriculteurs, dite Egalim 2, a été examinée par le Sénat les 21 et 22 septembre, qui a procédé à de sensibles modifications. Une commission mixte paritaire (CMP) se tiendra le 4 octobre afin de trouver un compromis rapide entre les deux chambres en vue d’une application du texte dès les prochaines négociations commerciales annuelles.
Portée par le député Grégory Besson-Moreau, la proposition de loi visant à protéger le revenu des agriculteurs, dite Egalim 2, a été examinée par le Sénat les 21 et 22 septembre, qui a procédé à de sensibles modifications. Une commission mixte paritaire (CMP) se tiendra le 4 octobre afin de trouver un compromis rapide entre les deux chambres en vue d’une application du texte dès les prochaines négociations commerciales annuelles.
Les sénateurs ont adopté la proposition de loi visant à protéger le revenu des agriculteurs, dite Egalim 2, lors de la séance publique du 22 septembre. Seul le groupe communiste s’est abstenu. Pour rappel, la version initiale de la proposition de la loi Egalim 2 instaurait les grands principes suivants : faire de la contractualisation pluriannuelle la norme entre le producteur et son premier acheteur en se basant sur les coûts de production. Ensuite, la part agricole du produit alimentaire est «soclée» et devient non-négociable dans les négociations commerciales annuelles entre la grande distribution et ses fournisseurs. Un comité de règlement des différends commerciaux agricoles vient également s’ajouter à la médiation, en amont de la saisie d’un juge.
La transparence, un «point très délicat»
Par rapport à la version de l’Assemblée Nationale, les sénateurs ont intégré l’encadrement des marques de distributeur, augmenté le volume de matières premières agricoles pouvant bénéficier du principe de non-négociabilité en supprimant le seuil minimal de matières agricoles. Ils ont aussi instauré une clause de renégociation en fonction de l’évolution du prix de l’énergie, du transport, ou des emballages. Les élus ont également allégé le principe de transparence des matières agricoles afin «d’éviter que les fournisseurs ne soient contraints de dévoiler leurs marges aux distributeurs».
En vue de la commission mixte paritaire (CMP) qui se tiendra le 4 octobre, la présidente de la commission des affaires économiques, Sophie Primas, a «assuré être prête à faire un pas vers l’Assemblée Nationale». Elle a toutefois prévenu que «la transparence totale» quant à la façon dont le prix payé en amont pour les matières premières agricoles est pris en compte dans les conditions générales de vente (indication de prix unitaires, de prix agrégés pour toute la matière alimentaire ou encore recours à un tiers indépendant) et demeure «un point très délicat pour nous car elle a pour effet de tirer les prix vers le bas et de fragiliser les industriels».
Pour le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, il y a certes des «points de désaccord», mais «il faut arriver à faire converger tout cela». Le ministère relève «l’ambition partagée de tous d’aboutir à une CMP conclusive début octobre en vue d’une publication du texte fin octobre». L’objectif : le rendre applicable pour les prochaines négociations commerciales annuelles.
Conforter la place des industriels
Les sénateurs ont adopté une série d’amendements visant à renforcer la place des industriels dans les filières alimentaires. Les élus ont adopté des amendements créant une clause de renégociation des contrats entre la grande distribution et leurs fournisseurs «en fonction de l’évolution du prix d’intrants, comme le transport, l’énergie et les emballages. Il y a un risque que la négociation commerciale se reporte sur d’autres sources de coût dès lors qu’elle ne pourra plus porter sur les matières premières agricoles», ont-ils argumenté.
Sur le volet marques de distributeur (MDD), la Chambre haute a souhaité également protéger davantage le fournisseur. Les sénateurs ont adopté un amendement obligeant le distributeur à prévenir «dès lors qu’il a connaissance» le fabricant de MDD «de tout écart à venir entre le volume prévisionnel mentionné dans le contrat qui les lie et le volume qu’il entend effectivement acquérir». Les élus ont également instauré un régime de sanction en cas de non-respect des nouvelles dispositions liées MDD (durée minimale, clause de révision automatique des prix, volume prévisionnel, clause de répartition des coûts, etc.)
De plus, un amendement prévoit que les distributeurs devront payer plus rapidement leurs fournisseurs. «Les délais de paiement indiqués sur les factures émises par les distributeurs ne peuvent être inférieurs aux délais de paiement indiqués sur les factures émises par les fournisseurs», précise le nouvel alinéa de la PPL. Les distributeurs devront enfin «prendre en compte, dans la détermination du prix, les efforts d’innovation du fournisseur».
Rétropédaler sur l’arbitrage du médiateur
Après un long débat, les sénateurs ont décidé de revenir sur la décision de la commission des affaires économiques de donner un rôle d’arbitre au médiateur des relations commerciales agricoles. Malgré les appels répétés du gouvernement («Je vais retenter ma chance pour vous convaincre», insistait Julien Denormandie) et du groupe socialiste, ils ne sont toutefois pas revenus à la version initiale de l’article 3 qui met en place le comité de règlement des différends commerciaux agricoles votée à l’unanimité par l’Assemblée Nationale. Dans la version sortie du Sénat, seules les parties au litige peuvent saisir ce comité. Or, le gouvernement souhaite que le médiateur puisse également être saisi en cas de médiation non conclusive. Selon toute vraisemblance, cet article sera réécrit lors de la CMP.
Le palais du Luxembourg est également revenu à la version de l’Assemblée Nationale pour l’article 3 bis interdisant l’utilisation d’un symbole représentatif de la France sur un produit alimentaire dont les ingrédients primaires n’ont pas une origine française. Ils y ont toutefois ajouté une subtilité : ne seront pas concernés «les ingrédients primaires dont l’origine France est difficile, voire impossible à garantir, car issus de filières non productrices en France ou dont la production est manifestement insuffisante sur le territoire».
De plus, afin de laisser la possibilité aux industriels de «valoriser la transformation réalisée en France», les élus ont introduit dans le texte la mention «Savoir-faire français» qui pourra être apposée sur des produits «dont la fabrication est effectuée en France sans que le ou les ingrédients soient obligatoirement produits en France» à condition que la «transformation et la fabrication attestent d’une qualité et d’un savoir-faire français».
Sortir les fruits et légumes frais du SRP
Enfin, les sénateurs ont adopté, après un avis de sagesse de la rapporteure et défavorable du ministre de l’Agriculture, des amendements visant à sortir les fruits et légumes frais du dispositif de relèvement de 10 % du seuil de revente à perte (SRP) tel que le prévoyait la loi Egalim et dont l’expérimentation a été prolongée par la loi Asap. «La revalorisation de 10 % du SRP s’est traduite pour les agriculteurs producteurs de fraises, de tomates, de concombres et autres par une baisse directe de ce même montant de leur rémunération», a défendu le sénateur Les Républicains Laurent Duplomb. Les coûts se chiffrent de 16 à 20 millions d’euros pour la filière pomme et à plus de 8 millions d’euros pour la tomate grappes, selon l’élu breton.
«L’approche sectorielle me chagrine», lui a rétorqué le ministre de l’Agriculture, Julien Denormandie, assurant qu’une telle exemption «renforcera la guerre des prix».