Chez les Avet, la douceur n'est pas que dans le lait
Essai transformé pour la famille Avet, installée à Eplessier, qui a parié sur la transformation du lait de ses vaches en produits laitiers.
Joindre l’utile à l’agréable est presque une religion chez les Avet. Avant même qu’ils ne se lancent dans la transformation du lait de leurs vaches, en 2016, Yannick, Claire et leur fils, Tristan, jouaient les «apprentis sorciers» dans leur cuisine en fabriquant, pour eux, des yaourts, du beurre et des fromages. Il faut dire que la gourmandise est l’un de leurs péchés mignons, surtout chez Madame, assurent le père et le fils. Claire confirme : «On aime bien tout ce qui est bon, moi surtout. Puis, j’aime cuisiner et transformer les produits.» Tristan, lui, s’éclate littéralement dans la fabrication des fromages. «Avec le même lait de départ, on peut faire dix à vingt fromages différents. C’est extra», commente son père, Yannick. Et si, en plus, on fait plaisir aux autres avec des produits fabriqués à la ferme, c’est le Graal.
Mais avant de se lancer dans cette aventure, de l’eau a coulé sous les ponts. Yannick s’installe d’abord en Gaec avec son père, sur l’exploitation familiale d’Eplessier, en 1991. Au programme : l’élevage laitier avec trente vaches laitières Prim’Holstein pour un quota de lait de 234 000 litres, et la conduite des cultures (maïs et blé) sur 66 ha. Augmenter la production laitière ? Les Avet y pensent quand Claire s’installe à son tour, en 1994. Mais pour vivre tous les deux sur l’exploitation, il faut faire un choix. Deux options se présentent : acheter des terres pour augmenter la surface utile agricole ou se spécialiser dans l’activité principale de la ferme, soit l’élevage. C’est cette dernière option qui sera retenue.
Un changement de braquet est alors opéré. Si le blé est arrêté, le maïs est poursuivi, et les surfaces libérées sont alors dédiées au ray-grass et aux prairies permanentes. «L’objectif était d’être autonome en fourrage», explique Yannick. En parallèle, le cheptel est étoffé. De trente, les vaches sont aujourd’hui au nombre de cent, et la production laitière de 1,2 million de litres. Yannick et Claire ont aussi à l’esprit que leur fils, Tristan, souhaite s’installer sur l’exploitation, une fois son diplôme agricole en poche.
Pour rendre son installation possible, il faut créer une nouvelle source de revenus avant même qu’il n’arrive à la ferme. Comment ? En transformant le lait en fromages et en le vendant à des grossistes et un peu à la ferme. C’est leur première idée. Ils commencent avec 50 000 litres de lait transformés en 2016. Aujourd’hui, ils sont passés à 120 000 litres, parce que la clientèle a été au rendez-vous et qu’elle leur a demandé d’étoffer leurs gammes de produits laitiers.
Des produits, du goût et des saveurs
A Yannick, la conduite du troupeau. A Claire, la fabrication des yaourts, des crèmes-desserts, la préparation des commandes, la vente et la comptabilité. A Tristan, la fabrication des fromages, de la crème fraîche, du beurre et la vente sur le marché de Flesselles. Si la répartition des rôles est réglée comme du papier à musique, chacun peut intervenir dans l’activité de l’autre, si le besoin s’en fait ressentir. Dans tous les cas, la petite famille s’est depuis étoffée, en accueillant un apprenti à l’atelier, un salarié pour les vaches et une stagiaire. «Notre activité s’est développée à un tel rythme que l’on n’arrive pas à suivre pour les fromages», indique Claire.
Et pourtant, dans l’atelier de fabrication, d’une capacité de 200 000 litres de lait transformés, on ne chôme pas. Sont fabriqués, dans la première salle, des yaourts, des fromages blancs, des crèmes-desserts, du riz au lait, des flans, des mousses au chocolat, de la crème fraîche et du beurre. Dans l’autre salle, c’est Tristan qui est aux manettes pour la fabrication des tommes (déclinées en six parfums : ail des ours, cumin, fumé, tomate et basilic, safran et mexicaine), d’un type de camembert -
Le Plessis, en hommage à l’ancien nom d’Eplessier - d’un type de maroilles - le P’Avet, clin d’œil à leur nom de famille - et d’une pâte pressée cuite - le Pont Neuf, en référence au nom du Gaec.
Et les idées pour créer de nouveaux fromages se bousculent dans leurs têtes, «mais on manque de bras», dit Tristan. Il n’empêche. Pendant que sa mère s’essayait, la semaine dernière, à la fabrication d’une panna cotta, Tristan, lui, faisait des essais sur des types de chaource et de mimolette. Mais avant de mettre au point ses fromages, Tristan a essuyé quelques plâtres la première année. «Le plus compliqué, au début, c’est l’affinage. Les croûtes coulaient sans cesse et les fromages n’avaient pas bon goût. Tout ce que l’on a pu jeter, c’est dingue. Mais à force de formations et de pratique, on a pris la main progressivement, et avec d’autant plus de volonté que les clients nous suivent», raconte-t-il.
Débouchés
Si les Avet continuent à vendre en direct à la ferme, dans leur magasin bien nommé, Douceur de lait, et chez des grossistes, ainsi que sur un marché, ils ont multiplié les contrats avec des lycées et des collèges de la Somme, des restaurants et brasseries, le Locavrac d’Abbeville, La Ruche qui dit Oui ! (treize, dont six à Paris), L’Ile aux fruits à Amiens, des bouchers charcutiers locaux, la plateforme Approlocal des Hauts-de-France et, depuis mars dernier, la cantine scolaire d’Amiens. «On n’a pas démarché plus que cela. C’est surtout le bouche-à-oreille qui nous a permis de développer nos ventes», indique Claire.
Et si le bouche-à-oreille a si bien fonctionné, il y a une raison toute simple à cela : la qualité de leurs produits due à leur savoir-faire, à leur inventivité et à des vaches nourries à l’herbe de mars à novembre, et, en hiver, à l’ensilage d’herbe et au maïs ensilage, le tout produit à l’exploitation. Un gage de production saine, qui fait la différence en termes de goût et de saveur. Les clients l’ont bien compris. L’on confirme, après avoir goûté, et en attendant de découvrir ce qu’ils vont nous concocter de nouveau dans leur atelier.