Christophe Morel : il a quitté l’usine pour les vaches
Cela fait aujourd’hui plus de dix ans que Christophe Morel est naisseur - engraisseur de Blondes d’Aquitaine, à Mouflières.
Son parcours.
Il ne regrette rien. Ni la conjoncture économique difficile, ni les conditions de travail, ni les contraintes administratives, ni les contrôles incessants qu’il a subis, ni les vacances passées aux oubliettes, ne lui feront faire machine arrière. «Je suis content de mon choix, et le referai sans hésitation, malgré le volume de travail. Je ne veux pas retourner à l’usine», confie Christophe Morel, agriculteur à Mouflières. Et pour cause. Ce choix est celui du cœur, celui en fait d’une passion pour l’élevage éprouvée dès le plus jeune âge.
Son premier contact avec des animaux de la ferme se fait sur la toute petite exploitation de ses grands-parents, à Mouflières. Outre le temps passé derrière les «basques» du grand-père, Christophe Morel donne aussi un coup de main dans les fermes voisines. L’agriculture, synonyme, pour lui, de liberté et de travail avec les animaux, est ce qui le passionne.
Le parcours du combattant
Mais la taille de la ferme ne permet ni à son père, ni à lui, de s’installer. C’est à l’usine que son père va aller gagner sa vie. Et c’est ce même chemin qu’empruntera Christophe Morel, après un BTS productique, puis un BTS ACSE, parce qu’il faut bien travailler pour vivre. Il y restera onze années en tant que mécanicien d’entretien, mais avec toujours à l’esprit de s’installer un jour en agriculture, dès qu’il aura trouvé des terres. «J’ai toujours essayé de m’installer. J’ai dû au moins déposer une vingtaine de dossiers auprès de la Safer, mais en vain. Je n’ai jamais eu aucune attribution de terre. J’ai aussi fait chou blanc auprès de la chambre d’agriculture», se souvient-il encore.
Sa patience finira par payer. Outre la vingtaine d’hectares récupérés par ses parents auprès de voisins agriculteurs partant à la retraite, il arrive enfin à trouver des terres en Seine-Maritime. «Nous avions une pâture là-bas. Pour s’y rendre, on passait devant les terres d’un voisin agriculteur qu’on ne connaissait pas. Quand j’ai su qu’il allait partir à la retraite, je suis allé le voir pour lui proposer de les reprendre. C’est comme cela que j’ai pu m’installer», raconte Christophe Morel. L’exploitation se compose de 53 ha et d’une vingtaine de vaches laitières. Hors de question cependant pour Christophe de reprendre l’élevage laitier du fait de l’investissement à réaliser pour la mise aux normes du bâtiment et du matériel. «Je ne voulais pas être endetté jusqu’au coup, à peine installé, et cela pour vingt-cinq vaches laitières. Cela ne valait pas du tout la peine», explique-t-il. Une partie des vaches laitières est vendue par leur propriétaire, Christophe se charge d’en faire autant pour celles qui restent, et s’installe enfin le 1er octobre 2007 en société individuelle.
Le choix des vaches allaitantes
Christophe Morel débute avec trente vaches allaitantes, dont la moitié provient de l’étable de son père. Son cheptel se compose alors de Normandes et de Blondes d’Aquitaine, qu’il va croiser. Aujourd’hui, il en possède cinquante, ainsi que soixante-dix ovins pour les petites pâtures. S’il a trouvé son rythme de croisière, le contexte de son exploitation est tout sauf simple, puisque celle-ci est éclatée sur dix-huit communes, avec soixante-dix-sept îlots pour 98 ha. Et sur ces 98 ha, les 45 ha d’herbage présentent la même configuration, imposant à l’éleveur d’être toujours sur la route pour aller faire pâturer ses bêtes quand la saison démarre.
Son système d’élevage repose sur deux périodes de vêlage, à savoir de septembre à octobre, puis de mars à avril. Pour la reproduction, celle-ci est assurée à 40 % par insémination. «On travaille beaucoup sur les critères génétiques des taureaux pour faciliter les naissances et pour apporter du lait, car les Blondes d’Aquitaine n’ont pas de lait», précise l’éleveur. Pour l’alimentation, l’exploitation est auto-suffisante, puisque le maïs, les céréales, les betteraves fourragères et le foin proviennent de ses terres. Seuls les tourteaux sont achetés à une coopérative pour finir les bêtes à l’engraissement. De plus, l’éleveur ne met pratiquement pas d’azote dans ses pâtures, considérant que ce n’est pas utile. Il est en dessous de soixante unités, voire à zéro pour certaines pâtures.
Ses résultats techniques
Si ses résultats techniques sont globalement dans la moyenne des élevages allaitants, certains ont été à la baisse en 2018, notamment en termes de productivité (nombre de vaches vêlées par le nombre total de vaches). «Habituellement, on procède à l’insémination, puis on met le taureau trois semaines plus tard. Mais, en 2018, j’ai procédé autrement. J’ai fait réaliser plusieurs inséminations et j’ai mis le taureau au dernier moment. Au final, sur trente-quatre vaches mises au taureau, douze étaient vides. C’est une erreur que je ne commettrai plus», relève l’éleveur. Et de considérer aussi qu’il a encore des progrès à faire en termes de poids de carcasse de ses bêtes.
Reste qu’en plus de dix ans, ses résultats techniques sont allés en progressant pour le poids de carcasse, la productivité, les coûts alimentaires… Seul le coût des frais vétérinaires est encore élevé. La raison ? Ses bêtes ont souffert de la BVD, il y a six ans, maladie contractée au contact des vaches de son voisin en Seine-Maritime. «J’ai dû avoir recours à pas mal de vaccinations tant sur les taurillons que sur les vaches. Cela a pesé sur les coûts des frais de vétérinaire, mais j’ai eu beaucoup moins de pertes d’animaux. A présent, c’est fini, et j’ai pu aussi diminuer l’usage des antibiotiques», détaille-t-il.
Et l’éleveur, de quarante-six ans, de réfléchir aujourd’hui à un changement de son système pour passer en bio. «La demande sociétale est forte, mais je ne sais pas si cela sera possible dans mon cas en raison de l’éparpillement de mes parcelles.» Une fois cela dit, il a décidé de ne pas développer plus avant son élevage au vu de la chute des prix depuis 2015. Même si ces derniers sont repartis à la hausse depuis peu, cela n’en vaut pas la peine, selon lui. Aussi continuera-t-il avec le même cheptel, qu’il commercialise auprès de négociants de bestiaux.
L’exploitation
98 ha, dont 53 ha pour les cultures et 45 ha d’herbage
77 îlots pour 98 ha
18 : c’est le nombre des communes dans lesquelles se trouvent ses terres
50 vaches allaitantes
70 ovins