Cocorette veut renforcer sa place dans l’œuf alternatif
Si le credo de Cocorette a toujours été l’œuf de plein air, le groupe agro-alimentaire maintient la pression pour accompagner son développement et être un acteur majeur de ce marché.
La fin des élevages en cage pour 2022, voulue par le gouvernement, Cocorette n’en a cure. Et pour cause. Depuis sa création, en 1983, Cocorette a pris le contre-pied de l’élevage intensif pour se lancer dans la production des œufs fermiers, en respectant le bien-être animal. La société a été reprise en janvier 2016 par le groupe One (Œufs Nord Europe), grâce à une nouvelle levée de fonds (5 millions d’euros) auprès de BPI France et de Picardie Investissement, puis de la coopérative Noriap, qui est montée au capital du nouvel ensemble à hauteur de 33 % (le reste est détenu par la famille Lemaire). Le groupe One, rebaptisé depuis Cocorette, est passé d’un chiffre d’affaires de 30 millions d’euros en 2013 à 125 millions d’euros en 2017.
Cocorette a depuis mis les bouchées doubles pour être un acteur majeur du marché de l’œuf alternatif. «Nous avons commercialisé 850 millions d’œufs en 2017 via la grande distribution, dont 14 % sous la marque Cocorette, le reste en MDD», précise Pascal Lemaire, président directeur général de Cocorette. Sur ces 850 millions d’œufs, dont 420 millions sont conditionnés sur le site de Doullens (80) et 100 millions sur celui de Breteuil (60), un tiers porte sur la production d’œufs de plein air, un autre tiers sur celle d’œufs bio, et le dernier tiers sur celle d’œufs Label Rouge. Un choix qui paie, puisque sa part de marché sur l’œuf alternatif a augmenté de 12 % en 2017. Et ce n’est pas fini, promet le principal dirigeant de Cocorette.
Consolider ce schéma de développement
Pour continuer à développer ce filon, la recherche de nouveaux éleveurs de poules est au cœur de la stratégie, «mais en s’adaptant, comme on l’a toujours fait à chaque type d’agriculture dans chaque région. Le schéma que l’on retrouve le plus fréquemment est celui d’élevages oscillant entre 3 000 et 30 000 poules dans la plupart des régions. La différence se trouve plutôt dans les systèmes d’exploitation. Ainsi, dans les Hauts-de-France, les agriculteurs veulent rester indépendants dans leur production alors qu’en Bretagne on est plus sur des systèmes d’intégration», précise Pascal Lemaire. Traduction : à chaque région, sa formule.
Reste qu’attirer de nouveaux éleveurs dans son giron n’est pas une mince affaire au vu de la concurrence acharnée qui se pratique dans la filière. Une concurrence qui a redoublé depuis les annonces de la grande distribution, fin 2016 et début 2017, de bannir les œufs de poules en cage de ses rayons. A cela s’ajoutent les évolutions dans la consommation d’œufs, la crise du fipronil et les coups d’éclats d’associations telles que L 214 défendant le bien-être animal. Enfin, le coup de grâce a été donné le mois dernier par le ministère de l’Agriculture sur la fin des élevages de poules en cage d’ici 2022.
Nouvelle piste : la poule au sol
Ce dernier virage du gouvernement, perçu comme un coup de semonce par la profession, peut cependant se transformer en opportunité pour développer le marché de l’œuf alternatif. «Il y aura toujours des poules pondeuses en cage, considère Pascal Lemaire. D’une part, parce qu’avec les investissements faits par les éleveurs à la suite des normes européennes de 2012, les banques les suivront difficilement dans de nouveaux projets. D’autre part, se posent la question du foncier et celle des permis de construire. Enfin, il faut entre dix-huit et vingt-quatre mois pour réaliser un projet de poules pondeuses. Une fois cela dit, on sait qu’il y a dix millions d’œufs de poules en cage qui doivent sortir rapidement du marché. Pour que les éleveurs de poules pondeuses en cage puissent faire évoluer leur système sans trop de casse, il y a l’option, pour eux, de passer à la poule au sol avec jardin d’hiver.»
Cette piste, Cocorette l’a déjà anticipée depuis un an et demi pour attirer de nouveaux éleveurs et ouvrir de nouvelles parts de marchés. Un contrat a même été signé avec Carrefour, qui sera le premier à lancer la nouvelle marque de Cocorette «La poule heureuse». La production de poules au sol est aujourd’hui autour de 20 millions d’œufs. L’idée est d’atteindre d’ici deux ans les 100 millions d’œufs. Pour l’heure, ce système est surtout pratiqué en Bretagne, mais il est amené à se développer.
«Poule-emploi»
De la poule heureuse à poule-emploi, c’est un autre pas qu’a franchi, non sans humour, Cocorette pour «ratisser large», dixit Pascal Lemaire. Surfant sur le retour au vert de nombreux citadins, le groupe a lancé, fin février, une campagne de recrutement nationale (cf. L’Action agricole picarde du 2 mars 2018), via un site internet dédié, poule-emploi.fr.
En ligne, les candidats au changement de vie peuvent réaliser plusieurs tests de personnalité, censés leur indiquer s’ils ont le bon profil, et postuler auprès de l’entreprise, qui travaille avec cinq cents éleveurs dans toute la France. Si le projet peut prêter à sourire, le site avait reçu, au 12 mars dernier, plus de 1 000 candidatures. «C’est la preuve que l’intérêt est bien là, même si toutes les candidatures ne sont pas sérieuses, et toutes ne conviendront pas», relève Pascal Lemaire.
De fait, Cocorette ne cherche, pour le moment, qu’à lancer cinq projets en France. Une enveloppe sera budgétée pour ce faire, mais elle n’a pas encore été totalement déterminée. L’appui de Cocorette à ces nouveaux candidats à l’élevage de poules Label Rouge, bio ou plein air, sera à la fois technique et financier. 10 à 15 % du financement global devraient être apportés par Cocorette, sous forme de subventions, de ventes remboursables ou de garanties bancaires. Si cette nouvelle démarche, on l’aura compris, ne vise pas au renouvellement complet du recrutement des éleveurs, elle cherche à répondre à la stratégie locale de Cocorette, soit la production d’œufs au plus près des consommateurs, un marché en progression constante.
Chiffres clés de Cocorette
850 millions : nombre d’œufs commercialisés par an, dont 14 % sous la marque Cocorette, le reste en MDD
500 : nombre des éleveurs en contrat avec Cocorette
6 : nombre de sites de conditionnement (Doullens,
Breteuil, Arras, Valence, Montauban, Nancy) et une casserie d’œufs en Bretagne)
125 millions : chiffre d’affaires de Cocorette en 2017
3 000 à 30 000 : fourchette de la taille des élevages
30 à 35 % : c’est le pourcentage de production pour les œufs plein air, les œufs bio et les œufs Label Rouge, soit un tiers pour chaque production