Cueilleur professionnel, un métier à part entière
En France, le métier de cueilleur reste peu ou mal connu. L’association française de cueilleurs professionnels de plantes sauvages (AFC), créée il y a plus de dix ans, s’attache à promouvoir la filière dont la mission principale est de préserver la ressource en plantes sauvages et le respect du végétal.
En France, le métier de cueilleur reste peu ou mal connu. L’association française de cueilleurs professionnels de plantes sauvages (AFC), créée il y a plus de dix ans, s’attache à promouvoir la filière dont la mission principale est de préserver la ressource en plantes sauvages et le respect du végétal.
La cueillette des plantes sauvages est une activité primordiale. Sur les quatre millions d’années supposées de l’aventure humaine, on compte, en l’état actuel de nos connaissances, 3 988 000 années de cueillettes pour moins de 12 000 années d’agriculture. «C’est la seule activité humaine qui n’ait jamais cessé d’être pratiquée et ce, jusqu’à notre époque. Mais a-t-elle encore une place et un avenir dans notre société moderne ?» s’interroge l’association française de cueilleurs professionnels de plantes sauvages (AFC) sur son site internet.
L’association, créée en 2011, regroupe aujourd’hui une centaine de cueilleurs professionnels. «Plusieurs cueilleurs ont fait le constat que la demande de produits naturels et sauvages augmentait de plus en plus de la part des consommateurs et des industriels. En parallèle, nous avons commencé à voir qu’il y avait des pressions sur certaines plantes. La création de l’association nous a ainsi permis d’établir un relationnel entre les cueilleurs, souvent isolés dans les massifs, afin qu’ils puissent partager leurs connaissances et leurs techniques, pour parler d’une seule et même voix et être reconnus par les instances publiques», explique Alexandre Dufour, membre du conseil d’administration de l’AFC et cueilleur professionnel à Charbonnières-Les-Vieilles (Puy-de-Dôme).
D’autres missions incombent à l’association comme la préservation de la nature et le respect de la biodiversité. «Nous avons une mission de veilleur de la nature. Étant répartis sur l’ensemble du territoire national, nous pouvons cibler les mauvaises pratiques pour sensibiliser le grand public mais aussi les entreprises qui achètent les plantes», poursuit-il. «Notre rôle, en tant que cueilleurs, est également de développer de bonnes pratiques de cueillettes afin de gérer la ressource des plantes sauvages.»
Des paysans sans terre
Au niveau réglementaire justement, certaines plantes sont dites «protégées» pour mieux préserver la ressource. «Cela peut se faire par arrêtés préfectoraux, régionaux ou bien nationaux, mais les classements datent de très longtemps», souligne Alexandre Dufour. L’autre réglementation concerne le droit de cueillette. Tous les terrains appartiennent forcément à quelqu’un : propriétaires privés, communes, Office national des forêts (ONF), etc. «Nous préconisons la demande d’autorisation, mais on peut facilement se heurter à des problèmes techniques lorsque nous cueillons, notamment le morcellement des parcelles où il est parfois difficile de trouver les propriétaires. Mais globalement, les échanges avec les propriétaires des lieux sont toujours intéressants et permettent d’évoquer la gestion du site, des plantes, etc.», prévient le membre de l’AFC.
Aujourd’hui, la filière cueillette doit faire face à de nouveaux enjeux. «Quelques plantes sont en danger en raison du réchauffement climatique. Mais le plus inquiétant concerne surtout l’arrivée massive dans certains départements de cueilleurs extérieurs au territoire, qui n’ont pas reçu de formation et pratiquent une cueillette intensive. Cela engendre des conflits et ne donne pas une très bonne vision de la cueillette de plantes sauvages en France. De plus, des prix très faibles sont proposés, ce qui déstabilise la filière», regrette Alexandre Dufour. Dans ce contexte, l’AFC met en garde les professionnels de la filière (laboratoires, responsables d’achats) face aux spécificités du métier de cueillette.
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«Cueillir les plantes puis les accueillir au jardin»
Sylvie Nève se définit comme une fermière herbagère. Elle pratique la cueillette et la production de plantes sauvages depuis plus de douze ans. Son Jardin d’Even à elle est installé à Senantes (60).
Le Jardin d’Even de Sylvie Nève est installé à Senantes, dans le Pays de Bray côté Oise. «Un paysage tout en douceur avec ses collines, ses haies et ses herbages qui composent une belle palette de verts.» Passionnée de végétal depuis toujours, élevée dans une famille où on se soignait par les plantes avant de faire appel au médecin, elle a suivi un cursus d’herboriste pour apprendre à mieux connaître les secrets des plantes communes après une activité d’exploitante laitière dans une autre vie.
«Je commence par cueillir les plantes que la nature nous offre, en respectant celles qui sont protégées comme l’angélique des bois ou la bruyère cendrée et en ayant l’accord du propriétaire. La police de l’environnement veille au grain, mais il ne viendrait à l’idée d’aucun cueilleur professionnel de ne pas protéger les espèces intéressantes», affirme-t-elle tout en douceur. Car Sylvie Nève récolte surtout les graines des plantes sauvages pour ensuite les cultiver dans son jardin d’un hectare, implanté sur d’anciennes prairies conduites en bio. La moitié de la surface est consacrée aux plantes sauvages comme l’achillée, le pissenlit, le coquelicot… Le reste accueille des plantes cultivées, des herbes aromatiques qui ont toutes un intérêt pour le bien-être. «Je connais beaucoup de plantes sauvages, mais quand j’en découvre une que je ne connais pas, je me demande toujours quelles sont ses vertus», reconnaît la cueilleuse qui, à ses débuts, fréquentait beaucoup la colline Sainte-Helène, à proximité, à la recherche de plantes intéressantes. Elle continue à cueillir noisetier, lotier corniculé, reine des prés ou primevère (le coucou, tant aimé des enfants).
Désherbage et séchage
Comme bon nombre d’agriculteurs, Sylvie Nève lutte contre les graminées qui ont tendance à envahir ses plates-bandes, mais le désherbage se fait à la main. «à part la racine de chiendent qui a un effet sur le système urinaire, les graminées n’ont aucun intérêt en termes de santé.» Les 150 plantes accueillies dans son jardin sont généralement récoltées entre avril et octobre. Selon les espèces, ce sont les fleurs, les feuilles ou les graines qui sont recherchées. En hiver, Sylvie Nève récolte plutôt les racines et les écorces.
Tout est ensuite trié et séché traditionnellement sur des claies pour garder toutes les propriétés des plantes, puis stocké délicatement. Elle compose ensuite ses tisanes, en pesant chaque sachet pour avoir un produit constant. Il s’agit généralement de mélanges d’environ sept plantes destinés à accompagner les inconforts physiques de nos corps : insomnie, douleurs articulaires, transit digestif, rhumes, stress… La soixantaine de tisanes proposées par Sylvie Nève apportent du bien-être aux consommateurs, de plus en plus nombreux. «Je ne prétends rien soigner, juste apporter du réconfort et au plaisir qu’ont les clients à toucher les plantes, les mettre à infuser… une reconnexion à la nature pour beaucoup.»
Sylvie Nève compose aussi des tisanes pour le plaisir, vend des simples, des eaux florales, des épices, des hydrolats… qu’elle commercialise sur place dans sa boutique à Corbeauval, petit hameau de Senantes, sur son site internet et une fois par mois au marché de Beauvais. Elle vend aujourd’hui environ 50 000 sachets de tisanes par an. «Je ne fais pas beaucoup de marchés car les plantes séchées sont fragiles et s’abiment si on les manipule trop. Je ne veux proposer que le meilleur, alors les clients viennent à moi. Dans les sachets, ils voient des parties de plantes séchées, intactes dans leur forme et leur couleur, sans artifice aucun, ils savent ce qu’ils achètent», explique-t-elle. «Cueillir et accueillir les plantes, c’est aussi établir un lien, une intimité avec elles et cela devient très addictif, malgré la patience requise et le temps nécessaire. Le végétal, c’est l’apprentissage de l’humilité, la joie de découvrir. Les plantes ont beaucoup à nous apprendre sur notre rapport aux autres et au monde», conclut Sylvie Nève, tout sourire.
Dominique Lapeyre-Cavé
Boutique ouverte le samedi matin de 9h à 12h30 sauf le premier samedi du mois
www.jardin-medicinal.com
Tisanes mélange de 7 plantes : 6,90 € le sachet de 50 g.