Daniel Platel : «raisonner l’élevage à l’échelle de l’exploitation»
Après dix-huit ans de conseil en élevage bovins allaitants à la Chambre d’agriculture de la Somme, et une carrière consacrée à la filière, Daniel Platel prend sa retraite. Il livre sa vision sur cette activité minoritaire dans les exploitations, pourtant non négligeable.
Après dix-huit ans de conseil en élevage bovins allaitants à la Chambre d’agriculture de la Somme, et une carrière consacrée à la filière, Daniel Platel prend sa retraite. Il livre sa vision sur cette activité minoritaire dans les exploitations, pourtant non négligeable.
Pourquoi cet engagement dans la filière bovine ?
Mon père était un petit éleveur de bovins allaitants. Ça m’a toujours passionné. J’ai débuté en tant qu’inséminateur dans le secteur d’Amiens chez Gènes diffusion, puis responsable de l’insémination des bovins viande pour les secteurs de la Somme et de l’Oise. À l’époque, l’offre génétique n’était pas très étoffée. Elle est pourtant une des conditions pour permettre aux ateliers d’élevage d’être performants. Je suis entré à la Chambre d’agriculture de la Somme en mai 2003 avec l’envie de redynamiser la filière locale.
Quel regard portez-vous sur l’élevage allaitant de la Somme ?
Avec six-cents élevages de plus de dix vaches, dont la moitié ont plus de trente vaches, l’élevage allaitant est presque toujours une production minoritaire des exploitations. Les bonnes terres de la Somme permettent les cultures à valeur ajoutée qui concurrencent forcément l’élevage. Mais lorsqu’un tiers des surfaces d’une exploitation est en prairies non labourables, ça vaut le coup de s’y pencher ! Un élevage performant peut dégager 1 200 € de marge par hectare de surface fourragère. Il est cependant difficile de professionnaliser le métier du fait de ce chiffre d’affaires moins important. L’éleveur allaitant investit moins dans le conseil qu’ailleurs. Il y a eu des progrès ces dernières années, mais le fossé se creuse entre les bons et les moins bons. Parfois, aussi, les cours de la viande baissent et noient les progrès techniques.
Quelle est la mission du conseiller ?
Notre force, à la chambre d’agriculture, c’est la transversalité. Nous raisonnons l’élevage à l’échelle de l’exploitation. Nous faisons de la technique dans un objectif économique. Si nous prenons l’exemple de l’alimentation, nous n’allons pas orienter un éleveur vers un système herbager au détriment de surfaces cultivées qui dégagent du revenu. Parfois, nous expérimentons en même temps que les éleveurs. Nous pouvons transposer les techniques gagnantes dans les autres élevages, comme le pâturage des couverts d’interculture, par exemple. La récente Ferlance (ferme expérimentale en élevage bovin, à Liercourt, ndlr), est un excellent outil pour cela. En plus du conseil, nous assurons l’animation départementale autour du conseil viande (envoi du tableau de bord vaches allaitantes qui permet aux éleveurs de se situer par rapport à la moyenne, envoi du techniviande), nous éditons la liste des taureaux boucles rouges, nous organisons des formations, des réunions techniques, nous participons au réseau viande de l’Institut de l’élevage…
Comment voyez-vous l’avenir de la filière dans la Somme ?
Elle sera forcément liée au non retournement des surfaces en herbe. Le marché est aussi une problématique : il faut le créer. Les éleveurs sont un peu comme des marchands d’espadrilles en Afrique noire. Tous les locaux pourraient en acheter, mais ils continuent de marcher pieds nus ! Ici, la consommation de viande continue de diminuer. Elle est très orientée vers le haché, et ça remet en cause le système. Je reste tout de même optimiste. Le nombre d’éleveurs diminue aussi, donc la demande et l’offre sont assez équilibrées. Nous disposons d’un énorme avantage qu’il faut savoir saisir : la demande de local est de plus en plus forte et nous avons de quoi y répondre. L’avenir reposera aussi sur la possibilité de lier vie d’éleveur et vie personnelle. Si l’élevage est boudé, c’est avant tout à cause de la charge organisationnelle et de la difficulté de trouver de la main-d’œuvre. La robotisation est une solution qui semble intéressante, mais on n’en est qu’au début. Des éléments techniques peuvent aider : des vaches faciles à vivre, qui vêlent bien, qui nourrissent correctement leurs veaux…