D’autres modes de vente des porcs pour une meilleure image
Fabien Leroux élève 450 truies à Grivesnes. Depuis six mois, il valorise une partie de sa production avec Les Salaisons du terroir. Son jambon, vendu dans les GMS du secteur, est désormais tracé. Une image redorée.
«J’en venais à dire à mes enfants de ne pas s’étendre sur le sujet lorsqu’on leur demande ma profession. Je suis agriculteur. Pas besoin de spécifier éleveur de porcs. Je n’ai pourtant pas de raison d’en avoir honte !» Fabien Leroux, comme beaucoup de ses confrères, souhaite redorer son image auprès des consommateurs. Lui a trouvé une solution adaptée à son élevage de 450 truies, à Grivesnes, il y a six mois, lorsque l’entreprise Les Salaisons du Terroir s’est rapprochée de lui.
La PME de l’agro-alimentaire de Villers-Bretonneux, spécialisée dans la charcuterie-salaison, cherchait en fait un neuvième producteur porcin pour développer sa gamme locale de jambon, fabriqué avec une saumure traditionnelle, sans gluten et sans allergène, à destination des GMS du secteur, sous la devise «manger bien, manger sain, manger de mon coin». Un contrat tripartite a donc été signé, entre l’éleveur, représenté par la coopérative Cobevial, le salaisonnier et la GMS concernée.
La viande de Fabien Leroux se vend désormais dans les rayons de dix magasins, avec la photo de l’éleveur, et un nom personnalisé pour chacun (ex : l’Amiénois à Amiens, l’Aillysien à Ailly-sur-Noye…). 1 690 cochons sont ainsi entrés dans cette démarche depuis octobre 2018, soit un tiers de la production. Et l’objectif est de faire augmenter ce volume. «En Haut-de-France, nous produisons la moitié de ce que nous consommons. Les producteurs locaux doivent donc verrouiller ce marché», estime Fabien Leroux.
L’idée du partenariat avec la GMS est d’apporter une garantie sur la qualité de l’aliment. «Je suis entré dans une démarche de progrès. Le cochon est élevé, abattu et transformé au niveau local, et le jambon est certifié sans OGM, sans antibiotiques après quarante-deux jours d’âge, ou encore porc mâle entier bien-être, soit la non castration des mâles.» Le bien-être animal ? Bien sûr que Fabien Leroux y est sensible. «Cela parle à tout éleveur. Mais nous avons aussi des contraintes de compétitivité que nous ne pouvons pas ignorer si nous voulons faire en sorte que notre entreprise soit viable.»
«devancer les futures normes»
Ces démarches de progrès s’avèrent d’ailleurs parfois coûteuses. La non castration des mâles implique, par exemple, un abattage un peu plus jeune des bêtes, à cent-soixante jours, pour éviter le risque d’odeur du verrat. Mais dans ce système, les coûts sont couverts par une rémunération de la viande un peu supérieure. «L’idée est de devancer les futures normes en couvrant les coûts par cette marge.»
La principale satisfaction, pour l’éleveur, reste bien le contact avec le consommateur qui lui manquait jusque-là. «Mon jambon est commercialisé au rayon à la coupe, donc une discussion est entamée entre le client et le professionnel qui le sert.» Les premières retombées sont positives. «Des personnes m’ont confié qu’elles avaient goûté mon jambon et qu’elles l’avaient trouvé excellent.» De quoi motiver à poursuivre son travail. Fabien Leroux devrait aussi passer une journée dans les rayons de supermarché, le mois prochain, pour une action de sensibilisation. Une nouvelle mission pour l’éleveur.
Conserver la valeur ajoutée à la ferme
Valoriser la main-d’œuvre et le savoir-faire a toujours été la politique de l’exploitation. L’élevage de porcs a été créé en 1986, pour valoriser les céréales produites à la ferme. Les effluents d’élevage, eux, sont épandus sur les sols cultivés. Aujourd’hui, sur les 420 ha, 2 000 t de blé et d’escourgeon sont à destination de l’élevage, et le lisier permet de fertiliser 250 ha.
Les tâches sont bien réparties entre les deux associés. Fabien Leroux s’occupe exclusivement de l’élevage, alors que son associé consacre son énergie aux cultures (céréales et pommes de terre). Quatre salariés travaillent à temps plein à l’élevage. «Nous essayons de tout faire nous-mêmes», explique l’éleveur. Fabrication d’aliments à la ferme, prélèvement des verrats et insémination des truies, élevage des cochettes, échographies, entretien des bâtiments…
«Ce fonctionnement nous permet de mieux maîtriser nos charges», justifie Fabien Leroux. La filière porcine, soumise au marché mondial, a notamment souffert ces derniers temps d’une augmentation des coûts alimentaires. «Puisque nous fabriquons tout nous-mêmes, et que nous n’achetons qu’un tiers de la formule (essentiellement des coproduits, et 5 à 10 % de colza et de soja, ndlr), nous avons moins ressenti cette hausse.»