Dégâts de gibier : tour de table sur le sujet entre agriculteurs et chasseurs
Ce 22 décembre, les représentants de la fédération des chasseurs et ceux de la commission dégâts de gibier de la FDSEA faisaient le point sur l’année écoulée.
Avant l’ouverture de la chasse, la population de sangliers était estimée entre 3 000 et 3 500. «La capacité d’accueil est d’ores et déjà remplie cette année», note François Crépin. Traduction : au-delà de 3 000 bêtes sur le territoire, la situation est tout bonnement ingérable et les dégâts ne peuvent qu’augmenter de façon exponentielle. Pour l’heure, cette année, le grand gibier a occasionné des dégâts sur environ 200 ha dans le département. Un chiffre sensiblement identique à celui de l’an passé, mais que la fédération des chasseurs et les agriculteurs aimeraient bien voir baisser. Et pour cause.
Entre les plans de prévention contre les sangliers et les dégâts, «cela nous coûte près de 400 000 euros», s’étrangle presque François Crépin, directeur de la Fédération des chasseurs de la Somme. Pour l’agriculteur, le préjudice n’est pas moindre. Rien de pire que de voir ses parcelles ravagées après le passage de ce gibier. En sachant que le sanglier représente 90 % du grand gibier dans le département, l’espèce est donc naturellement dans le viseur des chasseurs et des agriculteurs.
Le plan de chasse
Deux options se présentent pour lutter efficacement contre cette population : soit l’éradiquer définitivement, soit la réguler suivant un plan prédéfini. C’est la seconde option qui a été choisie, et ce, depuis des années. Chasseurs et agriculteurs se sont entendus pour mettre en place un Schéma départemental de gestion cynégétique, adoubé par la préfecture, et comprenant notamment l’élaboration d’un plan de chasse et des indemnisations pour les dégâts causés par le grand gibier.
Ce plan prévoit pour cette année de prélever 2 300 sangliers sur les 3 000 à 3 500 estimés avant chasse. Depuis l’ouverture de la chasse, 1 200 ont déjà été tués. «Nous sommes en avance par rapport à 2014», précise Yves Butel, président de la fédération des chasseurs. Pour atteindre le but fixé, la fédération a distribué plus de bracelets que d’ordinaire, soit 4 000. «Notre volonté est de faire baisser ces populations de sangliers», ajoute-t-il. Une volonté partagée par les agriculteurs. Reste à trouver les bonnes méthodes à mettre en place pour réduire cette population et, par voie de conséquence, les dégâts qu’elle occasionne, en sachant que la situation évolue chaque année sur le territoire.
C’est sur la méthode que chasseurs et agriculteurs peuvent parfois croiser le fer. «Les échanges ne sont pas toujours faciles avec les agriculteurs, reconnaît Yves Butel, mais, globalement, dans notre département, on arrive toujours à trouver des points de concordance.» «Nous sommes toujours dans la recherche d’un équilibre entre la protection des cultures et la gestion de la chasse», ajoute Michel Randjia, président de la commission des dégâts de gibier à la FDSEA de la Somme. Autrement dit, le dialogue n’est jamais rompu.
Agir en amont
Parmi les questions récurrentes, et qui font parfois l’objet de vifs débats entre eux, il y a la répétition des dégâts dans les prairies - endroits très prisés par les sangliers, notamment lors de la remise en herbe -, ainsi que les dégâts sur les cultures, y compris le maïs ensilage, la mise en place de clôtures au printemps dans les délais, ou encore le traitement des dossiers d’indemnisation.
Au sujet des prairies, «ce sont toujours les mêmes pâtures qui subissent les dégâts», relève Michel Randjia. Pour éviter que celles-ci ne «trinquent» systématiquement, la commission des dégâts de gibier de la FDSEA propose à la fédération des chasseurs de mettre en place un planning pour lui donner la possibilité de répondre au mieux aux sollicitations de pose des clôtures émanant des agriculteurs. Et de lui demander également que la priorité soit donnée aux éleveurs, suffisamment touchés, par ailleurs, par la crise que traverse la filière. Le message a, semble-t-il, été entendu par la fédération des chasseurs.
Il paraît en être de même par rapport aux cultures, y compris sur le maïs ensilage. «Si l’on arrive à savoir, fin mars, où seront implantées les parcelles de maïs, on ira voir les agriculteurs sur place pour évaluer les risques auxquels ils peuvent être confrontés par rapport aux sangliers», explique François Crépin. Une fois les risques évalués sur le territoire, la fédération constituera une liste d’agriculteurs prioritaires, et sur laquelle seront aussi répertoriées leurs dates de semis. A la commission des dégâts de gibier de diffuser l’information auprès des agriculteurs et de remonter le maximum d’informations à la fédération des chasseurs.
Indemnisations : «ce n’est pas assez»
Autre point sensible : les indemnisations. Le barème national est répercuté au niveau régional et départemental. Celui-ci fixe des taux minimum, moyen et maximal. Aux fédérations départementales et commission agricole de dégâts de gibier de trouver ensuite un accord entre la fourchette haute et basse.
La fédération des chasseurs de la Somme se base sur le prix moyen fixé par la commission nationale d’indemnisation. «Le but est tout de même de se rapprocher du contexte local, notamment du prix des céréales fixé par les coopératives», nuance François Crépin.
«Ce n’est jamais assez», contrecarre Michel Randjia, qui regrettait dans ces mêmes colonnes (cf. notre édition du 27 novembre) que «la fédération des chasseurs ne fasse pas un effort pour prendre en compte le réel préjudice subi par les agriculteurs». D’autant que la nouvelle procédure d’indemnisation avec les nouveaux seuils de franchise n’est pas vraiment en faveur des agriculteurs, puisque l’indemnité n’est plus calculée au dossier, mais à la parcelle.
Avec cette nouvelle réglementation, une autre problématique est apparue depuis peu. Certains exploitants agricoles préfèrent ne pas déclarer leurs dégâts, de peur de ne pas atteindre les seuils de 230 euros ou 3 % et de se voir, du coup, imputer des frais d’expertise (lire encadré).
Si les réponses ne sont pas toujours à la hauteur des attentes des uns et des autres, «on est toujours en recherche de solutions», disent en chœur Michel Randjia et Yves Butel. Preuve en est : une nouvelle rencontre est prévue fin février pour faire le point sur les questions attenantes aux dégâts de gibier, avant l’assemblée générale de la fédération des chasseurs.
Dégâts de gibier : déclaration des dégâts
Avec la réforme de l’indemnisation, certains exploitants ne déclarent pas leurs dégâts, de peur de ne pas atteindre les seuils de 230 € ou 3 % et de se voir imputer des frais d’estimation. Aussi, il nous semble important de rappeler la procédure. Il faut insister sur le fait que l’estimation provisoire ne donne pas à la facturation des frais d’estimation !
Quand déclarer les dégâts ? Dès que vous constatez des dégâts significatifs dans vos parcelles, faites vos déclarations à la fédération des chasseurs, il s’agit d’une estimation provisoire. Par cette procédure, vous ouvrez un dossier d’indemnisation, l’estimateur se déplacera, définira la provenance des dégâts et pourra estimer les surfaces touchées. Sur des dégâts au semis en reprise de végétation ou quelques semaines avant la récolte, il s’agira d’une estimation provisoire. Cela peut aussi permettre à la fédération des chasseurs de mettre en place des moyens de protection, clôtures ou tirs d’effarouchement pour éviter la progression des dégâts.
C’est le constat définitif qui déterminera si vous atteignez les seuils de 3 % ou 230 €. Et donc, ce n’est que huit jours ouvrés avant récolte que vous vous poserez la question des seuils.
La fédération des chasseurs peut-elle vous imputer les frais d’estimation ? Oui, dans le cadre de l’estimation finale, dans certains cas, la fédération des chasseurs a la possibilité de réclamer une partie ou la totalité des frais d’estimation si vous n’atteignez pas l’un des deux seuils.
Il s’agit bien du constat final d’indemnisation qui s’établit quelques jours avant la moisson. Ainsi, l’ouverture d’un dossier, qui se traduit par une estimation provisoire, ne peut donner lieu à une réclamation des frais pour l’exploitant.
Odile Dalle