Des mélanges multi-espèces en interculture : quel intérêt ?
Une terre bien plus riche et des rendements de pommes de terre multipliés. C’est le résultat qu’obtient la société DSV, en collaboration avec le groupe Carré, avec son mélange multi-espèces Cipan.
Des essais de mélanges d’espèces végétales, des erreurs et, au final, un résultat satisfaisant ! DSV, semencier allemand, réalise des travaux dans la ferme pilote du groupe Carré, à Gouy-sous-Bellonne (62). Mercredi 10 janvier, lors d’une réunion technique du groupe, la société présentait les résultats de ses expérimentations sur les mélanges multi-espèces pour les inter-cultures.
Tout d’abord, quel intérêt de mélanger les espèces ? «Pour un maximum d’effets sur la terre et sur la culture suivante, explique Vincent Schweitzer, de DSV. Avec plusieurs espèces, on peut profiter des caractéristiques de chacune. L’objectif est d’avoir le plus de racines possibles et une diminution des maladies.» Simple exemple : semez de l’avoine seule, elle sera rapidement malade, à coup (quasiment) sûr ! Alors qu’en compagnie d’autres variétés, elle est bien plus saine.
Pour les pommes de terre, puisque c’était l’exemple pris lors de cette réunion, l’inter-culture a de multiples intérêts : un travail du sol biologique, la stabilisation du sol, le recyclage de l’azote, la factorisation de la porosité du sol, la régulation de la température, la réduction des nématodes et de la battance, ou encore la limitation des maladies fongiques. Pour Vincent Schweitzer, «l’inter-culture doit être considérée comme une culture à part entière».
Des racines dans tous les horizons
Un aspect des plus importants à prendre en compte : le système racinaire. Certaines plantes, comme le sarrasin, le seigle ou le tournesol, ont des racines très profondes (de 180 à 210 cm), alors que d’autres, comme le ray-grass, la phacétie ou la moutarde blanche, ont des racines beaucoup plus courtes (de 60 à 120 cm). «On cherche la complémentarité racinaire, c’est à dire des racines à tous les horizons de sol», assure l’expert. Car les racines des inter-cultures jouent un rôle de pionnier pour celles des pommes de terre. Leurs racines suivent celles des couverts végétaux (cf. infographie). DSV a élaboré des mélanges bien spécifiques à chaque culture. Celui des pommes de terre est nommé TerraLife SolaRigol DT (cf. tableau).
Autre intérêt : ce mélange bien particulier est plus dense et présente plus de tubercules qu’un couvert végétal mono-espèce ou à deux espèces seulement. Qui dit plus de densité, dit meilleure conservation de la température du sol (66°C l’été sur un sol nu, contre 29°C dans la parcelle voisine, recouverte d’un couvert végétal). Et qui dit température conservée, dit vie favorisée. «Les champignons, par exemple, s’y développent en nombre. Leur capacité de digestion est reconnue : ils recyclent énormément de matière et assainissent les sols.»
Favoriser l’activité microbienne
Dans la rhizosphère (partie du sol pénétrée par les racines des plantes et les micro-organismes associés), l’activité microbienne est deux fois supérieure et les antifongiques sont trois fois supérieurs qu’en surface. Le mélange TerraLife SolaRigol DT, une fois encore, favorise son épanouissement. Pour preuve : le mycélium (partie végétative des champignons, sous forme de longues fibres blanches), entre autres, s’y développe particulièrement bien. «Et il est un excellent témoin de l’efficacité des couverts», précise Vincent Schweitzer.
Les résultats, après récolte, parlent d’eux-mêmes. La même année, dans des parcelles voisines, une variété de pommes de terre Miranda a obtenu un rendement de 54 t/ha avec le couvert qu’a mis au point DSV, contre 44 t/ha sans couvert. Même constat pour les pommes de terre Satina : 47 t/ha avec le couvert, contre 39 t/ha sans couvert. «Avec un couvert mono-espèce, les rendements sont intermédiaires», ajoute le professionnel.
Utilisation du mélange multi-espèces
Le couvert végétal échange avec le sol jusqu’à sa floraison. Passée celle-ci, il ne fait plus que se servir de la terre pour s’épanouir. Il faut donc le détruire. Préférer une destruction mécanique, à plat. Mais Vincent Schweitzer préconise de le conserver le plus tard possible. «Le mieux est de le garder au moins jusqu’à Noël. Car, même si les végétaux sont au ralenti l’hiver, ils conservent un lieu de vie. Une terre nue est une terre morte.» Pas de panique à avoir en cas d’apparition d’une ou deux petites fleurs : «C’est aussi l’intérêt des mélanges. Les espèces ne vont pas toutes fleurir en même temps. Donc, il n’y a pas de risque d’appauvrir la terre.»
Peur de ne pas pouvoir préparer correctement le sol pour les semis de printemps ? «Commencez par reculer tout doucement la date de destruction, conseille le spécialiste. Une fois que vous maîtriserez la technique, vous ne pourrez plus vous en passer !»